Le Washington Post secoué au sommet, sur fond de crise de modèle

Le Washington Post Building au One Franklin Square Building le 5 juin 2024 à Washington, DC. Andrew Harnik/Getty Images/AFP (Photo by Andrew Harnik / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP)
Le Washington Post Building au One Franklin Square Building le 5 juin 2024 à Washington, DC. Andrew Harnik/Getty Images/AFP (Photo by Andrew Harnik / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP)
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Publié le Samedi 29 juin 2024

Le Washington Post secoué au sommet, sur fond de crise de modèle

  • Au coeur de la tempête, le nouveau directeur général du «WaPo», le Britannique William Lewis, à qui le fondateur d'Amazon Jeff Bezos a confié une mission claire quand il l'a nommé à l'automne dernier: redresser la barre de ce quotidien historique
  • Le Washington Post continue d'empiler les prestigieux prix Pulitzer, un demi-siècle après avoir fait éclater le scandale du Watergate, mais a accusé 77 millions de dollars de pertes en 2023

NEW YORK, États-Unis : Une rédactrice en chef qui démissionne brutalement, son successeur qui jette l'éponge et un patron visé dans les colonnes de son journal: le prestigieux Washington Post, propriété de Jeff Bezos, traverse une crise profonde.

Au coeur de la tempête, le nouveau directeur général du «WaPo», le Britannique William Lewis, à qui le fondateur d'Amazon Jeff Bezos a confié une mission claire quand il l'a nommé à l'automne dernier: redresser la barre de ce quotidien historique.

Le Washington Post continue d'empiler les prestigieux prix Pulitzer, un demi-siècle après avoir fait éclater le scandale du Watergate, mais a accusé 77 millions de dollars de pertes en 2023, malgré des suppressions de postes et la disparition de son supplément dominical.

Mais cet ancien journaliste chevronné, auréolé d'un scoop historique à la fin des années 2000 sur les dépenses des parlementaires au Royaume-Uni, voit sa position de plus en plus fragilisée. Depuis des semaines, les révélations se multiplient sur son rôle au début des années 2010 dans la gestion d'un retentissant scandale d'écoutes téléphoniques illégales pratiquées par le tabloïd News of the World, alors qu'il travaillait pour le groupe de médias conservateurs de la famille Murdoch.

Vendredi, William Lewis a encore été au centre d'une enquête de ses propres journalistes. Selon le Washington Post, il aurait donné son feu vert en 2011 à la destruction de milliers de courriels, nourrissant les suspicions de destructions de preuves, ce dont il se défend.

Sollicité par l'AFP après la parution de cet article, le Washington Post n'a pas donné suite.

- Effet Trump -

Alors que la présidentielle américaine approche, l'affaire empoisonne désormais la vie d'une prestigieuse maison qui «ne va pas bien sur le plan économique», explique à l'AFP Dan Kennedy, professeur de journalisme à l'université Northeastern.

Comme d'autres médias, le Washington Post a profité du bouleversement des années Trump à la Maison Blanche (2017-2021): «il était vu comme livrant une couverture fiable et sans concession» du président républicain, ajoute le professeur.

Mais quand Donald Trump a quitté la Maison Blanche, l'appétit des lecteurs s'est tari. «Le +Post+ a été touché de manière particulièrement sévère. C'est un journal qui semble dire +nous sommes le New York Times mais avec moins de choses à offrir+», ajoute Dan Kennedy.

Fin 2022, le journal comptait 2,5 millions d'abonnés, contre 3 millions au moment de l'entrée en fonctions de Joe Biden, début 2021, selon le Wall Street Journal. Loin de la croissance du New York Times (plus de 10 millions d'abonnés), fruit d'une stratégie de diversification vers des contenus plus légers (jeux, recettes de cuisine, sport) sans renier ses fondamentaux journalistiques.

«Nous perdons beaucoup d'argent», «les gens ne lisent plus vos articles, je ne peux plus édulcorer les choses», a lancé William Lewis début juin, lors d'une réunion tendue avec la rédaction, selon des médias américains.

- «Troisième rédaction» -

La veille, les journalistes du Washington Post venaient d'apprendre la démission brutale de leur rédactrice en chef, Sally Buzbee.

Cette dernière aurait exprimé son désaccord sur la stratégie de M. Lewis, qui prévoit une refonte de la rédaction en trois pôles: deux, déjà existants, pour l'information et les opinions, et un troisième destiné à «l'information service et aux réseaux sociaux».

Les contours de cette «troisième rédaction» restent flous, mais elle semble destinée à rajeunir le lectorat et à développer des contenus plus lucratifs, un saut dans l'inconnu pour un journal plutôt austère.

Au sein du groupe de la famille Murdoch, William Lewis a aussi été le patron du Wall Street Journal (2014-2020), autre fleuron de la presse américaine.

Mais d'autres articles, dans le New York Times et le Washington Post, ont pointé des méthodes contestables de sa part ou de celle de Robert Winnett, l'un de ses anciens collègues qu'il avait choisi pour succéder à Sally Buzbee, comme le recours au paiement d'informateurs ou l'utilisation de données téléphoniques piratées.

Après ces révélations, Robert Winnett a jeté l'éponge le 21 juin.

Pour Dan Kennedy, William Lewis n'a pas d'autre choix que de partir à son tour, parce qu'«il n'aura pas la confiance de l'équipe».

«La greffe n'a pas pris», a ainsi écrit sur sa page Facebook un vétéran du «WaPo», David Maraniss.

«S'il n'est pas capable d'inspirer le personnel (...) le +Post+ va naviguer sans direction, et ses meilleurs éléments vont partir», ajoute Dan Kennedy.

Pour plusieurs observateurs, l'issue de la crise est dans les mains de Jeff Bezos, qui s'était offert le Post pour 250 millions de dollars en 2013. Pour l'instant, il a soutenu son directeur général.


Iran: l'abstention, enjeu clé de la présidentielle

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  • Le second tour de la présidentielle en Iran s'annonce très indécis et son issue est liée à la mobilisation des partisans du "changement" promis par le candidat réformiste Massoud Pezeshkian opposé à l'ultraconservateur Saïd Jalili.
  • Les problèmes économiques et sociaux, liés notamment à une forte inflation, font partie des préoccupations majeures des électeurs, qui s'inquiètent aussi de l'implication de l'Iran dans les crises internationales.

TEHERAN : Le second tour de la présidentielle en Iran s'annonce très indécis et son issue est liée à la mobilisation des partisans du "changement" promis par le candidat réformiste Massoud Pezeshkian opposé à l'ultraconservateur Saïd Jalili, selon des experts.

"Jalili et Pezeshkian au coude à coude", a titré dimanche le quotidien gouvernemental Iran pour résumer l'incertitude avant le second tour du 5 juillet.

Le député réformateur Massoud Pezeshkian est retourné en campagne avec l'avantage d'être sorti en tête, avec 42,5% des suffrages, du premier tour de cette présidentielle provoquée par la mort du président Ebrahim Raïssi dans un accident d'hélicoptère en mai.

Il a devancé d'environ un million de voix Saïd Jalili, ancien négociateur du dossier nucléaire, qui a obtenu 38,6%.

Cet ultraconservateur, considéré comme proche du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, a reçu le soutien des autres candidats conservateurs, dont Mohammad Bagher Ghalibaf, le président du Parlement, arrivé troisième avec 13,8% des voix.

Au delà des logiques politiques, le second tour se jouera sur la capacité des deux camps, réformateurs et conservateur, à convaincre les abstentionnistes à se rendre dans les bureaux de vote.

Rien n'est sûr alors que la participation au premier tour vendredi a atteint, à 39,92%, son taux le plus bas en 45 ans de République islamique, loin des quelque 80% des présidentielles de la fin du XXe siècle.

Ce chiffre "montre clairement que les bases des réformistes comme des conservateurs ont considérablement diminué", souligne Ali Vaez, de l'International Crisis Group.

- "Facteur peur" -

Ce bond de l'abstention est un "véritable camouflet pour les dirigeants", alors que l'ayatollah Khamenei avait exhorté les Iraniens à voter, tout comme les principales figures réformistes et modérés.

Dans un tel climat de défiance, les partisans de Massoud Pezeshkian espèrent une mobilisation de ceux qui veulent des "changements fondamentaux", estime le commentateur politique Mohammad Reza Manafi.

Pour lui, les électeurs du député de 69 ans sont réalistes: "ils ne s'attendent pas à un miracle ni à des améliorations rapides, mais espèrent qu'il pourra progressivement empêcher la situation de s'aggraver".

"Le facteur peur lié à Saïd Jalili ne peut être négligé", avance Ali Vaez. "Une partie de ceux qui n'ont pas voté pourraient le faire au second tour, non pas parce qu'ils espèrent le meilleur, mais parce qu'ils craignent le pire".

Les problèmes économiques et sociaux, liés notamment à une forte inflation, font partie des préoccupations majeures des électeurs, qui s'inquiètent aussi de l'implication de l'Iran dans les crises internationales, comme la guerre à Gaza et le risque d'une extension au Liban.

A contrario, Saïd Jalili attire les Iraniens partisans d'une ligne très ferme face aux pays occidentaux, Etats-Unis en tête, sous le slogan "pas de compromis, pas de capitulation".

L'ultraconservateur occupe actuellement un rôle stratégique en représentant l'ayatollah Khamenei au Conseil suprême de sécurité nationale, la plus haute instance de sécurité en Iran.

Pour le journal réformateur Etemad, le second tour représente "la compétition finale entre partisans et opposants à l'accord" nucléaire signé en 2015 entre Téhéran et les grandes puissances, puis dénoncé trois ans plus tard par les Etats-Unis.

L'expert politique Mohammad Marandi estime cependant que Saïd Jalili n'est "peut-être pas aussi radical que ses opposants le décrivent".

Il prévoit que, quelque soit le nouveau président, l'Iran "continuera à développer de solides relations avec les pays du Sud, et examinera ce qui peut être fait sur le dossier nucléaire".

Il est toutefois certain que "M. Jalili abordera cette question avec plus de scepticisme" que M. Pezeshkian, partisan du dialogue avec Washington, selon Mohammad Marandi.

Quel qu'il soit, le futur élu n'aura pas les coudées franches.

Le président n'est en effet que le numéro deux de la République islamique, sous l'autorité du guide suprême qui fixe les grandes lignes politiques. Il doit aussi tenir compte de la forte influence des grandes institutions comme les Gardiens de la révolution, l'armée idéologique du pouvoir.


Biden tente de rassurer les donateurs après son débat calamiteux

Le président américain Joe Biden, la Première dame Jill Biden, leurs petites-filles Natalie (à droite) et Finnegan (2e à droite), descendent d'Air Force One à leur arrivée à l'aéroport régional de Hagerstown dans le Maryland, en route vers Camp David, le 29 juin 2024 (Photo, AFP).
Le président américain Joe Biden, la Première dame Jill Biden, leurs petites-filles Natalie (à droite) et Finnegan (2e à droite), descendent d'Air Force One à leur arrivée à l'aéroport régional de Hagerstown dans le Maryland, en route vers Camp David, le 29 juin 2024 (Photo, AFP).
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  • Aucune figure du Parti démocrate n'a encore rallié les voix l'appelant à se retirer
  • Tous deux se sont rendus samedi dans le New Jersey pour une collecte de fonds à laquelle le gouverneur démocrate de l'Etat, Phil Murphy, participait également

OCEANPORT: Le président américain Joe Biden a assisté samedi à trois collectes de fonds pour sa campagne et tenté de rassurer les donateurs les plus généreux, affirmant être en mesure de remporter l'élection présidentielle malgré sa prestation chaotique lors du débat face à son prédécesseur Donald Trump.

"Je n'ai pas passé une bonne soirée mais Trump non plus", a relaté le candidat démocrate lors d'une des collectes organisées dans les Etats de New York et du New Jersey, dans le nord-est des Etats-Unis.

"Je vous promets que nous allons remporter cette élection", a-t-il ajouté.

Jill Biden a défendu avec force son époux de 81 ans, face aux appels en faveur du retrait de sa candidature, en affirmant que "Joe n'est pas seulement la bonne personne pour le poste, il est la seule personne pour le poste".

Inquietude 

Tous deux se sont rendus samedi dans le New Jersey pour une collecte de fonds à laquelle le gouverneur démocrate de l'Etat, Phil Murphy, participait également.

"Je comprends votre inquiétude après le débat", a déclaré le président américain, lançant: "Je vais me battre davantage".

La candidature de Joe Biden fait l'objet de doutes, depuis sa prestation calamiteuse lors du débat face à l'ancien président Donald Trump, jeudi soir, entre mots avalés, phrases inachevées et expression hagarde, une contre-performance qui a ébranlé ses partisans et fait réagir les médias.

Dans un éditorial, le prestigieux quotidien américain New York Times a dépeint M. Biden comme étant "l'ombre d'un dirigeant", après avoir "échoué à son propre test" lors du duel télévisé.

"Le plus grand service public que pourrait rendre aujourd'hui M. Biden serait d'annoncer qu'il ne se représentera pas à l'élection", a écrit le comité de rédaction, ajoutant cependant qu'il a été "un président admirable".

Aucune figure du Parti démocrate n'a encore rallié les voix l'appelant à se retirer. Les anciens présidents Barack Obama et Bill Clinton ont redit vendredi leur soutien à Joe Biden.

Selon une note publique de Jennifer O'Malley Dillon, à la tête de l'équipe de campagne du candidat démocrate, un sondage interne après le débat a conclu que "les opinions des votants (n'avaient) pas changé".

Jennifer O'Malley Dillon affirme également que le soutien s'est accru pendant le débat et à son issue. Selon elle, 27 millions de dollars (25 millions d'euros) ont pu être levés vendredi soir.


Moscou dit avoir détruit 36 drones ukrainiens dans l'ouest de la Russie

Ci-dessus, un militaire ukrainien près de la ville frontalière de Chasiv Yar, dans la région de Donetsk, le 27 juin 2024. Des drones ukrainiens ont été lancés dans la nuit en ciblant le territoire russe, a annoncé dimanche le ministère russe de la Défense (Photo, AFP).
Ci-dessus, un militaire ukrainien près de la ville frontalière de Chasiv Yar, dans la région de Donetsk, le 27 juin 2024. Des drones ukrainiens ont été lancés dans la nuit en ciblant le territoire russe, a annoncé dimanche le ministère russe de la Défense (Photo, AFP).
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  • Dans la région de Voronej, frontalière de l'Ukraine, l'attaque n'a fait ni blessés ni dégâts, selon un message du gouverneur Alexandre Goussev sur Telegram
  • Dans la région de Lipetsk, l'attaque a été "massive", selon le gouverneur Igor Artamonov

MOSCOU: Le ministère russe de la Défense a affirmé dimanche matin avoir abattu 36 drones ukrainiens au cours de la nuit dans six régions de l'ouest de la Russie.

"Les systèmes de la défense aérienne en service ont détruit 15 drones dans la région de Koursk, neuf drones dans la région de Lipetsk, quatre drones aussi bien dans la région de Voronej que de Briansk, et deux drones tant dans la région d'Orel que celle de Belgorod", a rapporté le ministère sur Telegram, sans faire état de dégâts ou de blessés.

Dans la région de Lipetsk, l'attaque a été "massive", selon le gouverneur Igor Artamonov.

Les neuf engins abattus l'ont été "au-dessus de la zone industrielle de Lipetsk", a précisé dimanche matin M. Artamonov sur le réseau Telegram, affirmant qu'il n'y avait eu "aucune victime".

Dans la région de Voronej, frontalière de l'Ukraine, l'attaque n'a fait ni blessés ni dégâts, selon un message du gouverneur Alexandre Goussev sur Telegram.

Cibles stratégiques 

La Russie et l'Ukraine ont fait un large usage des drones, parmi lesquels de grands engins explosifs dont la portée peut atteindre des centaines de kilomètres, depuis février 2022.

L'Ukraine a intensifié ses attaques contre le territoire russe cette année, ciblant à la fois des sites énergétiques qui, selon elle, fournissent l'armée russe, et les villes et villages situés juste de l'autre côté de la frontière.

Samedi, le gouverneur de la région de Koursk avait rapporté que cinq personnes, dont deux enfants, étaient morts dans une attaque de drone ukrainienne contre Gorodichtche, un village russe à la frontière entre l'Ukraine et la Russie.