Dans un discours belliqueux, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a menacé la semaine dernière d'attaquer l'île méditerranéenne de Chypre – une nation européenne – si elle permettait à Israël d’utiliser ses bases militaires.
L'Union européenne a rapidement pris position en soutien à Chypre, avertissant que toute menace contre l’un de ses États membres serait perçue comme une menace contre l'ensemble du bloc. Dans le même temps, les médias pro-Hezbollah se réjouissaient que M. Nasrallah ait provoqué une panique mondiale face à une possible guerre régionale. Juste avant son discours, Israël avait déjà approuvé les plans opérationnels pour une offensive au Liban, et le ministre des Affaires étrangères, Israël Katz, a clairement prévenu que tout conflit entraînerait la destruction du Hezbollah.
D'autres rapports citent des témoins oculaires qui affirment que le Hezbollah a utilisé l'aéroport de Beyrouth pour transporter et stocker des armes. Pour rappel, l'aéroport a été bombardé en 2006 et, avant le dernier conflit, Israël avait menacé de le bombarder à nouveau si le Hezbollah s’en servait pour faire passer des armes en contrebande. Cette situation a semé la panique parmi de nombreux Libanais, craignant d'être pris au piège dans une zone de guerre sans aucun vol commercial, tandis que le personnel de l'aéroport redoute les frappes aériennes israéliennes. Situé dans une zone densément peuplée de la capitale, comprenant des bastions du Hezbollah, l'aéroport est susceptible d'être en première ligne en cas de conflit. Des rumeurs circulent également sur la présence de stocks d'armes du Hezbollah dans d'autres quartiers de la capitale, notamment ceux contrôlés par les alliés chrétiens de la milice. Ces évocations ne sont pas sans rappeler les souvenirs traumatisants des nombreuses vies perdues lors de l'explosion particulièrement destructrice de 2020 dans le port de Beyrouth, où le Hezbollah avait également entreposé des explosifs.
Le message de Hassan Nasrallah au peuple libanais est clair: «Nous vous conduisons vers la guerre, mais tout ira bien», ignorant ainsi les conséquences dévastatrices d'un tel conflit. Il peut se vanter de l'augmentation significative des capacités militaires du Hezbollah depuis 2006, mais l'équilibre des forces reste largement en faveur d'Israël et de ses alliés. Comme l'a indiqué le secrétaire général des Nations unies, António Guterres : «Les peuples de la région et du monde ne peuvent pas se permettre que le Liban devienne un autre Gaza.»
Les partisans de la «résistance» ont adhéré à cette rhétorique kamikaze, mais le Liban – à l'instar des autres États satellites de Téhéran – est déjà une nation en voie de délitement et de faillite, où la population peine à survivre. Si de nombreux Libanais aimeraient défier Israël, la plupart comprennent les conséquences désastreuses d'une confrontation avec l'une des armées les plus puissantes au monde, surtout après avoir été témoins du génocide en cours dans la bande de Gaza. Personne n’a oublié ce qui est arrivé au Liban en 2006. Personne ne peut donc prétendre ignorer la brutalité avec laquelle Israël mène ses guerres, infligeant systématiquement une vengeance collective et aveugle cinquante fois plus destructrice que la provocation initiale.
Contrairement à ce que prétend Hassan Nasrallah, les Palestiniens eux-mêmes ne souhaitent pas voir le Liban ravagé de manière suicidaire dans le cadre d'un geste de soutien futile.
Baria Alamuddin
Le Hezbollah a présenté des images de sites militaires sensibles et de zones peuplées prises par des drones de surveillance, et M. Nasrallah a déclaré qu'aucun endroit en Israël ne serait à l'abri de ses missiles. En réponse, le chef militaire israélien Herzi Halevi a affirmé que les ennemis d'Israël sous-estimaient ses capacités, mais qu'ils les découvriraient en temps voulu.
À la suite du discours de Hassan Nasrallah, des militants en Irak ont menacé de lancer de nouvelles attaques contre des cibles américaines. Lors d'une visite à Bagdad, le ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Bagheri Kani, a évoqué les scénarios d'une guerre élargie, après quoi le ministre irakien des Affaires étrangères, Fouad Hussein, a averti qu'un tel conflit affecterait l'ensemble de la région et pas seulement le Liban.
Des factions irakiennes telles que le Hezbollah Kata'ib et le Hezbollah Al-Nujaba auraient assuré à M. Kani qu'elles avaient «la main sur la gâchette». Toutefois, une source militante irakienne a fait remarquer que le Hezbollah ne serait probablement pas favorable au déploiement de ces forces «parce qu'il les considère comme non qualifiées, manquant de cohésion et, au mieux, comme de mauvais alliés ayant d'innombrables problèmes dans la prise de décision». Téhéran préfère également tenir ses factions syriennes et irakiennes à distance d'un conflit à part entière afin d'éviter de compromettre ses réseaux transrégionaux cruciaux. Selon un responsable irakien, «l'Irak est le joyau de la couronne des Iraniens, bien plus que le Hezbollah, et les Iraniens ne le risqueront pas dans la guerre du Sud-Liban».
De même, Téhéran a cherché à se distancier du conflit parce qu'il n'a pas l'intention de s’impliquer dans la reconstruction – tout comme il n'a rien fait pour reconstruire le Liban après la guerre de 2006, si ce n'est réarmer le Hezbollah. Ce sont les États arabes qui ont investi des milliards dans la reconstruction du Liban à l'époque. Cependant, Beyrouth ne doit pas s'attendre à une nouvelle contribution de leur part cette fois-ci.
Ce cercle vicieux de rhétorique et de provocations, à travers lesquelles les deux parties attisent la frénésie de leurs partisans, risque de conduire la région à l'Armageddon. Quelque cent soixante mille personnes ont déjà été déplacées du nord d'Israël et du sud du Liban. Les dégâts cumulés au Liban sont équivalents à ceux d'une guerre à grande échelle, avec des centaines de morts et au moins quinze mille maisons endommagées. L’utilisation de bombes au phosphore dans les régions agricoles vise en outre à rendre les terres définitivement incultivables, décimant ainsi délibérément les moyens de subsistance et l'économie nationale.
Tout ce que nous demandons à M. Nasrallah et à ses semblables, c'est de faire preuve d’honnêteté avec les citoyens: la rhétorique machiste et belliciste et le fait de jouer avec la vie des Libanais ne mèneront qu’à une destruction totale, dans une guerre qu'Israël et le Hezbollah semblent vouloir déclencher conjointement.
Contrairement à ce que prétend Hassan Nasrallah, les Palestiniens eux-mêmes ne souhaitent pas voir le Liban ravagé de manière suicidaire dans le cadre d'un geste de soutien futile. Même les partisans du Hezbollah redoutent une telle issue pour leur nation, qui ne peut plus se permettre de subir des dommages supplémentaires.
Le Liban était, jusqu'à récemment, la capitale du commerce, de la culture et de la réflexion intellectuelle de la région; il ne doit pas être anéanti sur un coup de tête. Il est grand temps que le Hezbollah commence à donner la priorité à sa loyauté envers le Liban, plutôt qu’à un régime théocratique lointain qui nourrit des intentions hostiles à l'égard de toute la région.
Baria Alamuddin est une journaliste et animatrice ayant reçu de nombreux prix au Moyen-Orient et au Royaume-Uni. Elle est rédactrice en chef du Media Services Syndicate et a interviewé de nombreux chefs d’État.
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com