MONTPELLIER, France : Deux mois après avoir été contraint d'annuler la création de sa dernière pièce à Beyrouth, le dramaturge libano-canadien Wajdi Mouawad a pu montrer «Journée de Noces chez les Cromagnons» vendredi soir à Montpellier (sud de la France), où 600 spectateurs l'ont acclamée.
«Tu écris pour retourner en artiste au Liban»: l'injonction d'un de ses professeurs, citée dans la pièce créée en arabe vendredi dans le cadre du festival de théâtre le Printemps des comédiens, Wajdi Mouawad, 55 ans, a tenté de la mettre en oeuvre depuis une trentaine d'années.
L'actuel directeur du théâtre de La Colline, à Paris, qui avait quitté le Liban à l'âge de 10 ans à cause de la guerre civile, pensait y parvenir jusqu'à ce que le théâtre Le Monnot, de Beyrouth, où «Journée de noces» devait être jouée du 30 avril au 19 mai, y renonce à la suite d'une campagne contre lui pour «normalisation avec Israël».
Pays voisins, le Liban et Israël sont techniquement en état de guerre et Beyrouth interdit à ses ressortissants de se rendre en Israël ou d'avoir des contacts avec cet Etat.
Ce sont donc les spectateurs du festival montpelliérain qui ont assisté à la création mondiale d'une pièce les replongeant pendant deux heures dans la fureur de la guerre civile au Liban (1975-1990).
Initialement écrite en français, mais jouée en arabe sur-titré, elle raconte l'histoire d'une famille libanaise qui prépare le mariage de leur fille au rythme des bombardements incessants et des coupures de courant, les menant au seuil de la folie, parfois bien au-delà.
Le théâtre de La Colline avait «pris acte» de l'annulation des représentations au Liban, citant le communiqué du théâtre Le Monnot justifiant sa décision par des «pressions inadmissibles et de(s) menaces sérieuses faites» au théâtre «et à certains artistes et techniciens (...) par certains activistes».
L'ONG libanaise «The Commission of Detainees Affairs» avait annoncé avoir demandé «l'ouverture d'une information judiciaire contre Wajdi Mouawad (...) pour délit de communication avec l'ennemi israélien, en contravention de la loi sur le boycott d'Israël».
A Montpellier, aucun incident n'est venu perturber la représentation et le public a longuement acclamé le dramaturge et ses six comédiens à l'issue de celle-ci.
La pièce, qui sera encore jouée samedi et dimanche à Montpellier, sera reprise au théâtre de La Colline du 29 avril au 22 juin.