ATHÈNES: Comment parler du Liban sans sombrer dans les clichés? C’est probablement le tour de force qu’a réussi le metteur en scène libanais Wajdi Mouawad dans le dernier opus de son «cycle domestique», intitulé Mère.
Sur la scène du théâtre de La Colline, à Paris, il offre au spectateur la possibilité de renouer, l’espace d’un moment, avec toute la palette d’émotions suscitées par l’horreur de la guerre libanaise – des émotions que les Libanais connaissent bien pour les avoir inexorablement éprouvées de génération en génération.
Cette pièce est une véritable descente dans les enfers de la mémoire collective du Liban. Le rôle principal, celui de la mère, est magistralement interprété par Aida Sabra. Odette Makhlouf joue quant à elle la fille et Wajdi Mouawad son propre rôle.
La distribution réserve une surprise, puisque Christine Ockrent, la journaliste française bien connue, joue également son propre rôle: elle présente tous les soirs sur scène le journal d’Antenne 2, devenue aujourd’hui France 2. Ce journal comme l’ultime lien entre la France et ce Liban des années 1980 qui n’a de cesse de se déchirer.
Comment Christine Ockrent a-t-elle vécu ce premier face-à-face avec le théâtre? La célèbre présentatrice confie à Arab News en français «avoir eu la chance, grâce à Wajdi Mouawad, de faire quelque chose pour la première fois».
Deux éléments l’ont poussée à accepter ce projet: son admiration pour le parcours artistique de Wajdi Mouawad et le thème central de la pièce. «Le thème qui m’a beaucoup touchée, c’est l’exil», affirme-t-elle ainsi sans hésiter.
Dans cette pièce où le mouvement de l’histoire se mêle en permanence aux destins personnels, Wajdi Mouawad montre les affres de l’exil, que les Libanais connaissent désormais par cœur: au fil des années et des tragédies qu’ils ont subies, ils sont passés maîtres dans l’art de se reconstruire ailleurs, sans toutefois cesser d’espérer un improbable retour.
Pour Christine Ockrent, il s’agit donc de jouer son propre rôle et c’est l’occasion de montrer l’impact, souvent négligé, qu’ont les informations sur le public. «À l’époque des faits, le seul moyen d’obtenir des informations sur ce qui se passait au Liban, en gros, c’était moi. Moi, et quelques autres présentateurs de journaux télévisés. Il y a cette starisation dont on est bien conscients et qui est un piège dans lequel il faut s’empêcher de sombrer», souligne-t-elle.
Son amour pour le Liban, Ockrent l’exprime sans détour: «J’ai toujours eu un attachement particulier pour le Liban. Je me suis souvent rendue à Beyrouth, aussi bien dans des moments tragiques que dans des périodes plus calmes. C’est une ville merveilleuse lorsqu’elle ne se déchire pas.»
Mère est présenté chaque soir au théâtre de La Colline à partir du 19 novembre.