Géographiquement, l’Arabie saoudite et le Japon ne pourraient pas être plus éloignés, mais, ces derniers jours, on a pu constater à quel point les deux pays se sont rapprochés sur les plans politique, économique et stratégique.
Il est vrai que le fait que le prince héritier, Mohammed ben Salmane, ait annoncé à la dernière minute qu’il ne pourrait pas être présent au sein de la délégation qui se rendait au Japon cette semaine en raison de l’état de santé du roi Salmane – admis à l’hôpital pour des examens quelques heures avant le voyage – a atténué ce qui devait être une présence grandiose de l’Arabie saoudite. Cependant, les indications de Riyad étaient très claires: le spectacle doit continuer.
Une délégation de ministres importants se trouvait malgré tout dans l’avion pour Tokyo, notamment le prince Abdelaziz ben Salmane, frère du prince héritier et ministre de l’Énergie le plus influent au monde); le prince Badr ben Farhane, ministre de la Culture; le ministre des Communications et des Technologies de l’information, Abdallah al-Swaha; et, surtout, Khaled al-Faleh, ministre chevronné de l’Investissement, ancien PDG de Saudi Aramco – une personnalité très compétente qui est chargée de coordonner les relations stratégiques du Royaume avec le Japon.
Réunion virtuelle
Par ailleurs, le prince héritier et le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, ont tenu une réunion virtuelle afin de s’assurer que le message suivant était bien reçu à Tokyo: le Japon est un pays important, nous comprenons vos besoins et nous sommes d’accord sur de nombreux points.
Le message le plus fort transmis par le prince héritier a sans doute été la réaffirmation de l’engagement de l’Arabie saoudite à fournir un approvisionnement stable en pétrole brut au Japon, qui est connu pour être un importateur net d’énergie: environ 45% de son pétrole provient du Royaume.
Toutefois, ces derniers jours ont également révélé de nombreux autres indicateurs importants. L’Arabie saoudite, par exemple, a l’intention de diversifier son offre d’énergie au Japon en y incluant des options plus propres. Les deux pays estiment que cela doit se faire de manière pratique et scientifique.
Mais l’énergie ne constitue que l’un des nombreux aspects du parcours multiforme de l’Arabie saoudite et du Japon, qui consiste à transformer leurs relations transactionnelles en relations stratégiques, ce qui ne peut être qu’une bonne décision. Alors que les deux pays célébreront le 70e anniversaire de l’établissement de leurs relations diplomatiques en 2025, le prince héritier et le Premier ministre sont convenus de créer un conseil de partenariat stratégique.
Au cours de la réunion, M. Kishida a indiqué qu’il espérait «voir l’Arabie saoudite investir directement au Japon dans un large éventail de domaines et qu’il aimerait que les deux pays coopèrent dans divers domaines: construction, transmission d’énergie, utilisation de l’hydrogène, du numérique, des TIC, de l’espace, de la santé, de la médecine, de l’alimentation et de l’agriculture, entre autres, car cela conduira à la création d’opportunités d’affaires».
Très peu de pays disposent de ce que l’Arabie saoudite et le Japon possèdent. En réalité, si la politique publique et déclarée du Royaume est la stabilité régionale, il est absolument dans l’intérêt du Japon que ce soit le cas, car son approvisionnement en énergie en dépend. Les deux États peuvent donc collaborer étroitement pour apporter la paix et la prospérité à la région.
Le Japon, comme nous, ici, au Moyen-Orient, connaît des problèmes régionaux, et l’Arabie saoudite, compte tenu de son poids diplomatique et économique, peut jouer un rôle dans le rapprochement des points de vue. Les deux pays souhaitent une réduction du nombre d’armes nucléaires et d’armes de destruction massive, ce qui est également dans l’intérêt du monde entier.
Les deux pays sont proches des États-Unis et s’efforcent d'entretenir les meilleures relations possibles avec Washington,de manière mutuellement bénéfique. Par ailleurs, les investisseurs japonais disposent d’un énorme potentiel en Arabie saoudite, et vice versa.
Le défi consiste à protéger cette vision des troubles politiques et des changements de gouvernement au Japon, mais c’est précisément la raison pour laquelle il est important de créer une valeur multipartite. Par essence, le monde des affaires est séculaire et sans doute apolitique. Cela signifie qu’une grande partie de la responsabilité incombe aux chefs d’entreprise des deux parties, qui doivent veiller à ce qu’il y ait suffisamment d’interdépendance pour que la vision commune, qui profite aux deux peuples, se poursuive coûte que coûte.
Le Premier ministre japonais a déclaré être heureux de passer le flambeau de l’Exposition universelle d’Osaka 2025 à l’Arabie saoudite avant l’Expo 2030 de Riyad et qu’il cherchait à encourager davantage l’essor des échanges, notamment dans le domaine académique et dans les domaines du divertissement, du tourisme et du sport.
Ce qui est certain, c’est que le flambeau de l’amitié qui a été allumé par l’Arabie saoudite et le Japon il y a près de soixante-dix ans brûlera de manière plus intense encore dans les années à venir.
Faisal J. Abbas est le rédacteur en chef d’Arab News.
X: @FaisalJAbbas
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com