Sommet arabe à Bahreïn: pas de paix possible sans État palestinien

La déclaration de Manama, adoptée à l’unanimité, représente un geste d’intention de la part du bloc des nations arabes. (AFP)
La déclaration de Manama, adoptée à l’unanimité, représente un geste d’intention de la part du bloc des nations arabes. (AFP)
La déclaration de Manama, adoptée à l’unanimité, représente un geste d’intention de la part du bloc des nations arabes. (AFP)
La déclaration de Manama, adoptée à l’unanimité, représente un geste d’intention de la part du bloc des nations arabes. (AFP)
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Publié le Jeudi 23 mai 2024

Sommet arabe à Bahreïn: pas de paix possible sans État palestinien

Sommet arabe à Bahreïn: pas de paix possible sans État palestinien
  • Le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, a dénoncé les «violations d’Israël comme rien de moins qu’un nettoyage ethnique»
  • Le roi Abdallah de Jordanie a exhorté le monde à «assumer sa responsabilité morale et humanitaire en mettant fin à un conflit qui dure depuis plus de sept décennies»

Que ce soit dans les universités américaines, les capitales occidentales ou les rues arabes, nous avons été inondés de discours enflammés sur la situation à Gaza – avec très peu de mesures concrètes pour améliorer la situation. C’est pourquoi le sommet de la Ligue arabe de Manama, la semaine dernière, a représenté une victoire de la raison sur la rhétorique – un effort uni des États arabes pour exploiter leur poids combiné afin d’exercer une influence constructive sur la situation catastrophique actuelle.

Par conséquent, la déclaration de Manama, adoptée à l’unanimité, représente un geste d’intention de la part du bloc des nations arabes, notamment: l’exigence d’un cessez-le-feu immédiat et d’une mobilisation des troupes internationales pour protéger les civils de Gaza; la mise en œuvre d’une solution à deux États; l’unification des factions palestiniennes et l’arrêt des attaques contre les navires en mer Rouge. Le communiqué appelle également à appliquer «un cessez-le-feu immédiat et durable» au Soudan et à relever une multitude d’autres défis régionaux.

Inaugurant la conférence, le prince héritier, Mohammed ben Salmane, a réitéré la position de longue date de l’Arabie saoudite et de la Ligue arabe en faveur d’une «solution juste et globale à la question palestinienne, selon les résolutions légitimes de l’ONU et l’Initiative de paix arabe». Le roi Hamad ben Issa al-Khalifa de Bahreïn a exigé «la pleine reconnaissance de l’État de Palestine» et il a lancé un appel à «une conférence internationale sous les auspices des Nations unies pour résoudre la question palestinienne sur la base de la solution à deux États», organisée par le royaume de Bahreïn, qui assurera la présidence de la Ligue arabe pour l’année à venir.

«Les jeunes dirigeants ont exploité l’événement de manière constructive en tenant un grand nombre de discussions sur l’ensemble des questions cruciales.» - Baria Alamuddin

S’exprimant depuis Manama, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a décrit le conflit à Gaza comme «une plaie ouverte qui menace d’infecter toute la région», tout en soulignant que «le seul moyen permanent de mettre fin au cycle de violence et d’instabilité passe par une solution à deux États». Cette déclaration intervient dans un contexte où plusieurs États européens, comme l’Irlande, l’Espagne, la Grèce, la Norvège et la Slovénie, envisagent la reconnaissance immédiate de la Palestine en tant qu’État souverain et indépendant.

Soulignant les progrès vers la reconnaissance d’un État palestinien, le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, a noté à quel point «l’opinion publique internationale a changé de façon spectaculaire», tout en dénonçant les «violations d’Israël comme rien de moins qu’un nettoyage ethnique». Le roi Abdallah de Jordanie a exhorté le monde à «assumer sa responsabilité morale et humanitaire en mettant fin à un conflit qui dure depuis plus de sept décennies».

Le 33e Sommet arabe était le premier événement du genre depuis le début des hostilités à Gaza, avec la participation de toutes les personnalités attendues et d’un nombre record de vingt ministres des Affaires étrangères. C’était également la première fois que le royaume de Bahreïn accueillait un sommet de la Ligue arabe. Le sommet s’est parfaitement déroulé, notamment dans la manière pragmatique dont les jeunes dirigeants et responsables ont exploité l’événement en tenant un grand nombre de réunions parallèles et de discussions sur l’ensemble des questions cruciales. En tant que participante, j’ai observé que la réussite de ce sommet était largement attribuable à sa tenue sur les îles de Bahreïn; le cadre paisible favorise un dialogue constructif sur des sujets émotionnellement chargés et traumatisants.

Des débats fertiles ont eu lieu sur la question de Gaza – entre ceux qui soutenaient l’attaque du 7 octobre et ceux qui y voyaient un désastre pour les civils palestiniens, tout en remettant en question les motivations du Hamas. De nombreux participants ont exprimé leur colère face à la manière dont les États-Unis et plusieurs États européens avaient par réflexe soutenu Israël, tout en s’inquiétant de la polarisation entre les puissances mondiales, en particulier dans le contexte de la guerre en Ukraine, qui a contribué à la fin des mécanismes internationaux de résolution des conflits et conduit à une paralysie géopolitique.

«Les participants ont exprimé, à maintes reprises, leur frustration à l’égard d’entités comme le Hamas, le Hezbollah et les Houthis.» - Baria Alamuddin

Les participants ont exprimé, à maintes reprises, leur frustration à l’égard d’entités comme le Hamas, le Hezbollah et les Houthis, dont le discours et le recours à la violence ont gratuitement enflammé la situation. La façon dont la Jordanie est déstabilisée par les milices pro-iraniennes qui tentent d’inonder le pays d’armes et de stupéfiants, en utilisant Gaza comme prétexte, suscite une inquiétude particulière. Le président palestinien, Mahmoud Abbas, a en outre critiqué le Hamas pour avoir donné à Israël un «prétexte» pour attaquer Gaza, tout en appelant les États de la région à «activer le filet de sécurité arabe» en mettant en œuvre des programmes de soutien pratique aux Palestiniens.

Même la présence de Bachar al-Assad n’a pas eu d’effet perturbateur significatif, d’autant plus qu’il a renoncé à la dernière minute à son discours prévu; il s’agissait probablement d’une reconnaissance tacite que ses engagements envers les dirigeants arabes – comme la répression du trafic de stupéfiants, la distanciation avec l’Iran, la facilitation du retour en toute sécurité des réfugiés et la normalisation de l’environnement intérieur syrien – n’avaient pas été tenus.

Parmi les nombreuses priorités de la déclaration de Manama figurent la fourniture de services éducatifs et l’amélioration des soins de santé pour les personnes touchées par les conflits dans la région. Il s’agit là d’aspirations particulièrement importantes dans une région en proie aux guerres, où des millions d’enfants n’ont pas eu un accès régulier à l’école, où ceux qui souffrent de problèmes médicaux importants n’ont pas accès aux soins. Nous pensons en particulier aux milliers d’orphelins de Gaza qui ont non seulement perdu des familles entières, mais doivent également subir des amputations et faire face à un horizon limité.

Personne ne s’attend à ce que la déclaration de Manama change tout du jour au lendemain. Mais elle fournit un cadre important pour faire pression sur les diplomates occidentaux, en finançant des initiatives en matière d’éducation et de santé et en obligeant Israël à reconnaître que, s’il souhaite une paix significative et globale avec les États de la région, la mise en place d’un État palestinien souverain est primordiale.

Les sommets précédents de la Ligue arabe n’ont souvent pas apporté grand-chose pour répondre aux aspirations des citoyens arabes. Cependant, Bahreïn s'est distingué en réunissant différentes religions et cultures et en favorisant la compréhension et l'entente. Il est aujourd’hui plus crucial que jamais que les dirigeants donnent suite énergiquement aux promesses et aux ambitions de la déclaration de Manama dans la quête de la paix pour la Palestine et la région.

Baria Alamuddin est une journaliste et animatrice ayant reçu de nombreux prix au Moyen-Orient et au Royaume-Uni. Elle est rédactrice en chef du Media Services Syndicate et a interviewé de nombreux chefs d’État.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com