MARSEILLE: Sortie de films rénovés et de BD, projets de biopic animé ou de comédie musicale, futur musée: les festivités pour le cinquantenaire de la mort de Marcel Pagnol débutent jeudi, sur fond de bisbilles aux échos politiques, à Marseille, ville à laquelle il est souvent identifié.
Le 18 avril 1974, l'académicien, dramaturge, écrivain et cinéaste s'éteignait à Paris, loin de sa Provence natale, qui a marqué son œuvre. Au point d'en être souvent réduit à l'étiquette "régionaliste".
Jeudi, un hommage lui sera rendu au cimetière de la Treille, dans l'est de Marseille, où il est enterré, et un nouveau buste de l'auteur sera inauguré à Aubagne, sa ville natale, limitrophe de la cité phocéenne.
Le même jour sortira, en bande dessinée, l'adaptation (éditions Michel Lafon) d'un texte inédit, "Gaby, ou la belle et l'argent".
Expositions et hommages sont prévus en Provence, avec un colloque à Aubagne en octobre. Et le festival de cinéma de La Rochelle puis la Cinémathèque à Paris proposeront en juillet une rétrospective de dix films restaurés, en salles le 24 juillet. Une comédie musicale, "Manon des sources", est également prévue, ainsi qu'un biopic d'animation par Sylvain Chomet (Les triplettes de Belleville).
En 2026, un musée Pagnol doit ouvrir à Allauch, petite commune au pied du Garlaban, un des massifs dominant Marseille. Le jeune Marcel y passait ses vacances, racontées dans les célébrissimes "La gloire de mon père" ou "Le château de ma mère".
Mais un site manque à l'appel de ces célébrations: Marseille, décor de la trilogie "Marius", "Fanny" et "César", qui avait assis le succès du jeune auteur au tournant des années 1930.
«Bout de quai»
Une vive polémique oppose depuis l'été dernier Nicolas Pagnol, petit-fils de Marcel et président des sociétés gestionnaires des droits des œuvres de l'auteur, à la municipalité de gauche de Marseille.
Celle-ci a en effet refusé de renouveler au petit-fils Pagnol le contrat de gestion du château de la Buzine, le "Château de ma mère", situé dans l'est de la ville, entre Aubagne et Allauch.
Une "expropriation culturelle" doublée "d'injures" au fur et à mesure que la polémique s'est envenimée, selon Nicolas Pagnol, qui menace la municipalité d'actions en justice. La ville a finalement repris le château en régie directe, pour en faire une "cité du cinéma".
Entre Pagnol (l'écrivain) et Marseille, c'est une vieille histoire d'amour déçu, poursuit son descendant.
"J'ai fait mon deuil de Marseille il y a très longtemps, ça ne remonte pas à Benoît Payan", l'actuel maire divers gauche, dit-il à l'AFP. "En 50 ans, qu'a fait Marseille ? Il n'y a pas un musée, pas une maison, pas une place, pas un buste, pas un festival qui porte son nom. Rien. Ah si, un bout de quai au bout du Vieux Port, mais en fait c'est un parking. Merci bien!"
Rayonnement
La droite locale, majoritaire à la métropole, au département et à la région, a pris fait et cause pour le petit-fils.
Le président de région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Renaud Muselier (ex-LR passé chez Renaissance) dénonce régulièrement "un scandale culturel, littéraire et politique". Et la région a lancé un programme de célébrations triennal, que Nicolas Pagnol a accepté de parrainer.
Lionel de Cala, le maire d'Allauch, membre de la majorité départementale de droite, espère lui 80.000 à 100.000 visiteurs par an pour son projet de musée à quatre millions d'euros, "un outil de rayonnement pour toute la Provence". Les "regrettables" remous autour de la Buzine ont "renforcé" son projet, reconnaît auprès de l'AFP celui qui a déjà subtilisé à Marseille les tournages de la série "Plus belle la vie".
Mais Nicolas Pagnol récuse toute récupération politique: "L'œuvre de Marcel, c'est un territoire. Ce n'est pas Aubagne, ou Marseille, ou Allauch. C'est tout ça à la fois".
Côté Marseille, "toute une programmation complètement gratuite" de commémorations est aussi prévue, assure à l'AFP Jean-Marc Coppola, adjoint à la culture, sans plus de détails pour l'heure.
"Pagnol est lié à Marseille de par son œuvre," poursuit l'élu. Mais les œuvres de Pagnol n'étant pas encore dans le domaine public, la mairie doit faire attention. "On va éviter les polémiques et les querelles".