Celui qui contrôle la plume contrôle le message. Et celui qui contrôle le message contrôle la guerre.
Avant et même pendant sa guerre contre Gaza, Israël a toujours gardé l’avantage sur la diffusion de l’information.
Pour l’armée et le gouvernement israéliens, les armes les plus importantes ne sont pas seulement celles qui tuent des civils et détruisent des maisons, des entreprises et des villages entiers, mais aussi les messages véhiculés pour accompagner leurs actions violentes.
Israël censure les journalistes, limitant ce qu’ils peuvent publier, et ce depuis de nombreuses années. La plupart des journalistes basés en Israël se censurent pour éviter de tomber dans le piège des censeurs. Ils connaissent les limites et la plupart d’entre eux semblent y adhérer.
Le gouvernement israélien dispose d’une solide équipe de communication et de relations publiques et, lorsque des problèmes surviennent, il rédige et diffuse des communiqués de presse qui sont souvent rapportés comme des faits à travers le monde.
En revanche, les individus qui critiquent ou remettent en question les actions d’Israël sont souvent exclus, par exemple, de l’intégration aux côtés des soldats israéliens lors de conflits.
Israël contrôle le message bien mieux que ses détracteurs. Et lorsque des critiques parviennent aux médias grand public, les individus qui en sont à l’origine sont victimes d’intimidation et qualifiés d’«antisémites».
Le gouvernement du Premier ministre, Benjamin Netanyahou, sait à quel point la mobilisation des médias est importante dans cette guerre et dans toutes les situations où il est question des relations entre Israël et les Palestiniens.
«Les Palestiniens doivent veiller à ce que les vidéos publiées incluent les dates, les lieux et, si possible, les noms des victimes.» - Ray Hanania
Cette gestion des médias est complétée par une campagne massive de relations publiques pro-israéliennes en Occident, principalement aux États-Unis, où les grands médias et les élus sont accompagnés à travers des événements soigneusement gérés.
Chaque année, généralement par l’intermédiaire de ses partisans, Israël héberge, finance et envoie des dizaines d’élus américains, du Congrès et du Sénat américains jusqu’aux conseillers municipaux d’une ville comme Chicago, pour participer à des «visites» assurées par des guides pro-israéliens.
Depuis le début de la guerre à Gaza en octobre dernier, Israël et ses partisans ont financé le voyage de dizaines de membres du corps législatif de l’Illinois et de conseilleurs municipaux de Chicago, accompagnés de leurs conjoints. Ces visites semblent avoir eu une incidence sur les efforts déployés par le Conseil municipal en janvier pour adopter une résolution appelant à un cessez-le-feu. Nombre de ceux qui avaient participé aux tournées ont voté contre la résolution de cessez-le-feu (égalité par vingt-trois voix contre vingt-trois). Le vote du maire de Chicago, Brandon Johnson, a mis fin à cette égalité et permis l’adoption de la résolution.
Au moins quatre-vingt-huit journalistes (à l’écrasante majorité, des Palestiniens abattus ou bombardés par l’armée israélienne) ont été tués pendant la guerre à Gaza, selon le Comité pour la protection des journalistes.
Les grands médias américains fourmillent d’informations sur le massacre du 7 octobre, qui a coûté la vie à près de mille deux cents Israéliens. C’est ce carnage du Hamas qui a permis au gouvernement israélien de justifier son attaque de grande envergure sur l’ensemble de la bande de Gaza.
En revanche, les informations fournies par des sources palestiniennes sont souvent qualifiées de «non confirmées», notamment celles provenant de l’Autorité palestinienne et du ministère de la Santé. Les responsables du gouvernement palestinien et du ministère de la Santé ne font pas partie des forces israéliennes et s’appuient sur les informations, notamment les vidéos, fournies par les victimes civiles du conflit. C’est l’une des raisons pour lesquelles Israël a fait tout son possible pour couper les connexions téléphoniques et Internet dans la bande de Gaza.
Mais la vérité éclate toujours au grand jour. Elle devrait uniquement être mieux gérée.
De nombreuses vidéos de soldats israéliens tuant des civils, notamment en tirant sur des femmes et des enfants, proviennent des réseaux sociaux, principalement de TikTok. C’est probablement l’une des raisons pour lesquelles les députés américains pro-israéliens ont initié une campagne visant à censurer TikTok ou à l’interdire.
Facebook et X semblent céder aux pressions visant à bloquer certaines vidéos explicites qui exposent la violence israélienne.
Les Palestiniens doivent veiller à ce que les vidéos publiées incluent les dates, les lieux et, si possible, les noms des victimes. La précision est indispensable pour l’efficacité.
Quelqu’un doit également rassembler ces informations pour garantir leur crédibilité, puis participer à une campagne de relations publiques pour mettre l’information à la disposition des médias.
Pendant la guerre du Vietnam, dans les années 1970, la diffusion de vidéos accompagnées de faits et d’informations vérifiables a détourné le soutien du public de la guerre, renforçant les manifestants et les critiques.
Mais, à l’époque, la campagne de propagande américaine était bien loin de ce que fait le gouvernement israélien pour gérer le message, la perception du public et l’image de sa guerre contre Gaza.
Même si la véritable guerre entraîne une augmentation sans précédent du nombre de victimes civiles et de carnages, la guerre des mots est à sens unique. Tant que cette guerre de relations publiques ne sera pas plus équilibrée, le carnage civil se poursuivra à Gaza.
Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur primé de la mairie de Chicago. Il peut être joint sur son site Web personnel à l’adresse suivante: www.Hanania.com.
X: @RayHanania
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com