La joie de la nomination a été de courte durée. À peine installé à Matignon, Gabriel Attal doit déjà faire face à un procès en incompétence et en indépendance. Son jeune âge ne l’a protégé ni des attaques de l’opposition ni des perspectives pessimistes dressées par son propre entourage. À la décharge du nouveau Premier ministre, il faut dire que son mandat a rencontré crises et blocages dès le début.
Dès les premières heures de sa présence à Matignon, Gabriel Attal a eu à gérer un véritable tourbillon politique provoqué par les propos de la ministre Amélie Oudéa-Castéra, à qui on avait donné le portefeuille de l’Éducation nationale en plus de celui du Sport, de la Jeunesse et des Sports olympiques.
Ses déclarations maladroites sur l’école publique, sa communication hasardeuse qui a suscité moqueries et satires lui ont valu d’être au centre de l’attention politique. Ses mauvaises relations avec les syndicats et la hiérarchie des académies ont achevé de sceller son sort: elle a dû céder l’Éducation nationale. Cette trajectoire n’aurait rien eu de surprenant si elle avait duré quelques mois ou quelques années. Mais la fulgurance de la chute d’Amélie Oudéa-Castéra a révélé la grande erreur de casting commise par le duo Macron/Attal.
Comment a-t-on pu confier un domaine aussi sensible que l’Éducation nationale à une ministre déjà occupée par des enjeux tout aussi importants? Plus Amélie Oudéa-Castéra s’enferrait dans ses difficultés, plus l’amateurisme de sa désignation a été mis en lumière, révélant un dangereux tâtonnement. Certes, au bout de quelques courtes semaines, Oudéa-Castéra a été évincée de l’Éducation nationale, mais le mal était fait: la réputation de Gabriel Attal était déjà éclaboussée.
Une autre petite crise a été à l’origine de la baisse d’estime des Français vis-à-vis son gouvernement. Elle touchait la seconde phase du remaniement, destinée à compléter l’architecture gouvernementale. L’objectif était d’attirer des personnalités susceptibles de permettre des coalitions plus larges. Non seulement aucun gros poisson de l’opposition n’est tombé dans les filets de Gabriel Attal, mais, bien au contraire, la relation avec l’un des éléments clés de la majorité présidentielle a été abîmée.
Le «psychodrame» en question s’est joué autour du retour de François Bayrou, relaxé dans une affaire judiciaire vieille de sept ans et qui l’empêchait d’être ministrable. Ancien ministre de l’Éducation nationale, le patron du Modem trouvait naturel de récupérer cette fonction au cœur d’une grande crise politique. Or, selon les rumeurs transmises à la presse, c’est Gabriel Attal qui s’est opposé aux exigences protocolaires de François Bayrou, qui voulait qu’on reconnaisse son importance politique.
Entre Bayrou et Attal, l’alchimie est loin d’être parfaite. Quand Macron préparait la nomination du second à Matignon, le premier a fait partie des personnalités qui ont exprimé leur désaccord: il a notamment évoqué son jeune âge, qui impliquait selon lui un manque d’expérience, une absence d’autorité, voire un charisme artificiel entretenu par une forme d’illusion d’optique médiatique.
Avec ces deux crises, qui s’ajoutent à celle du monde agricole et celle du pouvoir d’achat des Français, Gabriel Attal est immédiatement entré dans le dur de sa fonction et de ses responsabilités.
Il n’est pas du tout acquis que les prochaines séquences seront faciles. En effet, le Premier ministre aura en face de lui une opposition travaillée par les rancunes à son égard. Le parti Les Républicains aura du mal à oublier les tentatives de captation de ses ressources humaines, comme l’entrée de Rachida Dati au gouvernement. Le Modem de François Bayrou lui fera payer sa décision de fermer la porte du gouvernement à son chef. Même si ce dernier a eu des paroles rassurantes sur son amitié et son compagnonnage avec Emmanuel Macron, le cénacle politique français sait que François Bayrou est un animal politique blessé qui n’oubliera pas de rendre les coups au moment opportun.
Une chose est certaine: au-delà des défis structurels qui attendent son gouvernement, Gabriel Attal aura à gérer, en plus de l’opposition classique, la déception de ses «alliés» qui rêvent de lui renvoyer l’ascenseur de leurs amertumes.
Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.