Lors d’un énième voyage à Beyrouth, le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a déclaré, la semaine dernière: «La guerre n’est pas la solution et nous n’avons absolument jamais cherché à favoriser son expansion.»
Néanmoins, grâce à une multitude de paramilitaires irakiens, syriens, libanais et yéménites, l’extension du conflit est exactement ce que Téhéran a fait au cours des quatre derniers mois. L’Iran ment effrontément, mais il ne peut s’empêcher de se targuer du contrôle qu’il exerce par l’intermédiaire de ses armées mandataires.
«Une attaque à grande échelle contre le Liban signerait la fin de Benjamin Netanyahou», affirme M. Abdollahian avec hardiesse. Ces propos sont stupides pour deux raisons: premièrement, parce que cela entraînerait également la fin du Liban tel que nous le connaissons; et deuxièmement, parce que politiquement, M. Netanyahou est déjà un homme mort. «Nous pensons que le régime sioniste ne sera jamais capable de combattre sur deux fronts», soutient Hossein Amir- Abdollahian – comme si de telles spéculations frivoles ne mettaient pas en jeu la vie de millions de personnes au Liban et dans les États voisins, avec des répercussions immédiates, quoique négligeables, sur l’Iran lui-même.
Cela met en lumière la manière irresponsable dont Téhéran traite les États arabes. Il les utilise comme des cartes pour marquer facilement des points politiques. Les ayatollahs traitent tout le monde comme des imbéciles en niant leur responsabilité dans la mobilisation d’armées mandataires à l’échelle régionale, comme si personne ne pouvait deviner le pays d’origine des drones et des missiles tirés sans discernement à travers le Moyen-Orient.
«L’Iran ment effrontément, mais il ne peut s’empêcher de se targuer du contrôle qu’il exerce par l’intermédiaire de ses armées mandataires»
Baria Alamuddin
Le quotidien Asharq al-Awsat mentionne des hommes politiques du Hachd al-Chaabi en Irak, rappelant comment ils avaient reçu leurs ordres de la part de hauts responsables iraniens peu après l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre: «Ils nous ont dit que nous faisions partie de l’Iran et de son pouvoir dans la région. Vous êtes ceux qui protègent le chiisme et il est temps non seulement de libérer Al-Aqsa, mais aussi de diriger les pays de la région.» Faisant allusion à ces réunions, Abou Fadak al-Mouhammadawi, des Kataëb Hezbollah, déclare: «Le contexte régional sensible et la suite des événements dépendront principalement de notre engagement envers ce dont nous sommes convenus.»
Les paramilitaires irakiens Hachd al-Chaabi et leurs dirigeants de la force Al-Qods ont des années d’expérience dans les duperies, se cachant derrière de fausses identités et cherchant à établir une certaine séparation entre les différentes factions de la «résistance islamique» qui se sont engagées à attaquer des cibles américaines, tandis que les groupes du Hachd se présentent comme des politiciens légitimes dans un numéro maladroit de «bon flic, mauvais flic».
Les factions de la «résistance», comme le Hezbollah al-Nujaba, n’ont pas grand-chose à perdre politiquement, puisqu’elles ne disposent pas de sièges parlementaires. Elles ont donc été les éléments les plus enthousiastes dans l’attaque contre les Américains, ridiculisant même les autres composantes du Hachd pour leur manque de préparation au combat. Comme les Houthis au Yémen, ces forces se sont dispersées en de petites cellules mobiles, de sorte que les frappes occidentales en représailles n’infligent que des pertes négligeables.
La figure de proue des Kataëb Hezbollah, Hossein Moanes, prévoit «une longue guerre d’usure contre l’ennemi qui durera des années». Dans le même temps, sa branche de «résistance» a été accusée d’être responsable de l’attaque du mois dernier qui a tué trois Américains, déclenchant de vastes représailles, notamment l’assassinat d’un commandant des Kataëb Hezbollah, Abou Baqr al-Saeedi.
L’annonce précipitée du groupe selon laquelle il cesserait temporairement d’attaquer les États-Unis, ainsi que les dénégations catégoriques de l’implication iranienne, visait probablement à court-circuiter la pression américano-israélienne pour cibler «la tête du serpent» et frapper directement Téhéran. Le groupe Asa’ib Ahl al-Haq, quant à lui, malgré sa longue histoire d’attaques meurtrières contre des actifs américains, n’a pas participé aux dernières attaques – se concentrant sur les priorités politiques et économiques du Hachd dans le cadre d’une division de travail complexe, mais bien coordonnée.
La confluence des objectifs économiques, politiques, militaires et sociaux du Hachd montre pourquoi ces factions sont si dangereuses pour la survie de l’Irak, en particulier sous un gouvernement si fortement dominé par ces entités qu’il a distribué des concessions économiques représentant des milliards de dollars (1 dollar = 0,93 euro) de revenus, en plus des 3 milliards de dollars que cette force de 240 000 hommes reçoit chaque année du budget de l’État.
«La figure de proue des Kataëb Hezbollah, Hossein Moanes, prévoit “une longue guerre d’usure contre l’ennemi qui durera des années”»
Baria Alamuddin
Dans l’intervalle, de plus petites factions de la «résistance» ont carte blanche pour poursuivre avec ténacité l’objectif de longue date de l’Iran: expulser les Américains. Comme l’a dit Akram al-Kaabi du groupe Hezbollah al-Nujaba: «Il est désormais du devoir de chacun de déclarer la guerre aux Américains et de les expulser d’Irak en les humiliant.» Ces propos interviennent au moment où les négociations américano-irakiennes sur le futur statut des troupes étrangères en Irak se poursuivent. Nous devrions nous attendre à ce que cela fasse l’objet d’un débat politique enflammé dans les prochains jours, même si de nombreux membres de l’administration irakienne craignent la rapidité avec laquelle la situation pourrait s’effondrer – une fois de plus – en cas de départ des Américains.
Il est hilarant de constater qu’après que l’Iran et ses mandataires se sont donné beaucoup de mal pour créer des entités fantômes comme Ashab al-Kahf ou Saraya Awliya al-Dam afin de revendiquer la responsabilité des attaques contre les forces américaines, des chefs de faction mégalomanes comme Akram al-Kaabi et Abu Hussein al-Hamidawi, des Kataëb Hezbollah, n’ont pas pu s’empêcher de vanter leurs propres prouesses dans l’organisation de ces assauts. Comme l’a judicieusement souligné Michael Knights, chercheur spécialiste du Hachd: «La stratégie de façade nécessite un sacrifice de l’ego, ce qu’ils ne peuvent pas maintenir très longtemps.» Ces identités clandestines n’ont jamais empêché l’armée américaine de cibler directement les Kataëb Hezbollah et le Hezbollah al-Nujaba – même si la riposte était trop faible et trop tardive.
Ces factions rendent uniquement des comptes à la force Al-Qods, dont le personnel est intégré au Conseil de la Choura des Kataëb Hezbollah et d’autres factions, qui les manipulent en coulisses.
En cas de nouvelle escalade, il est peu probable que les dirigeants iraniens et les responsables paramilitaires puissent échapper à la tempête qui gronde. Malheureusement, une telle stupidité est susceptible de coûter la vie à d’innombrables Arabes et d’entraîner une grande destruction à l’échelle de la région. Par ailleurs, un très grand nombre de civils iraniens innocents risqueront de perdre la vie lorsque la bataille se retrouvera finalement aux portes de Téhéran à cause des erreurs de calcul et des mésaventures de ces ignorants.
Les ayatollahs croient avoir été très intelligents en se servant de ces mensonges grotesques et des revendications de neutralité. Mais l’identité des marionnettistes qui mobilisent ces armées mandataires et enflamment le champ de bataille régional sur tous les fronts n’est un secret pour personne.
Baria Alamuddin est une journaliste et animatrice ayant reçu de nombreux prix au Moyen-Orient et au Royaume-Uni. Elle est rédactrice en chef du Media Services Syndicate et a interviewé de nombreux chefs d’État.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com