Émeutes: Jusqu'à cinq ans de prison ferme requis pour l'incendie d'un tribunal

Des manifestants fuient un feu d'artifice explosif dans une rue de Nice, dans le sud-est de la France, en juillet 2023, au cours de la cinquième nuit d'émeutes suite à la fusillade d'un adolescent dans la banlieue parisienne de Nanterre le 27 juin (Photo, AFP).
Des manifestants fuient un feu d'artifice explosif dans une rue de Nice, dans le sud-est de la France, en juillet 2023, au cours de la cinquième nuit d'émeutes suite à la fusillade d'un adolescent dans la banlieue parisienne de Nanterre le 27 juin (Photo, AFP).
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Publié le Jeudi 08 février 2024

Émeutes: Jusqu'à cinq ans de prison ferme requis pour l'incendie d'un tribunal

  • Le ministère public a requis la peine la plus sévère - cinq ans d'emprisonnement ferme avec maintien en détention - contre le plus jeune, quatre ans et une année de sursis pour les autres
  • Les prévenus ont un casier judiciaire plus ou moins fourni, notamment pour détention et acquisition de stupéfiants ou pour violences sur personne dépositaire de l'autorité publique

NANTERRE: "Je vous demande une peine qui punit et une peine qui dissuade": le parquet de Nanterre a requis jusqu'à cinq ans de prison ferme mercredi contre trois jeunes majeurs accusés de l'incendie du tribunal d'Asnières (Hauts-de-Seine) au cours d'une nuit d'émeutes fin juin 2023.

"Que faut-il à cette jeunesse pour qu'elle comprenne qu'il y a des sanctuaires ?", s'est interrogé le procureur lors de son réquisitoire contre les prévenus, âgés de 19 ans pour l'un, 20 ans pour les deux autres.

Le ministère public a requis la peine la plus sévère - cinq ans d'emprisonnement ferme avec maintien en détention - contre le plus jeune, quatre ans et une année de sursis pour les autres. Il a demandé que ces peines soient assorties de plusieurs obligations (soins psychologiques, stage de citoyenneté et indemnisation).

Les prévenus ont un casier judiciaire plus ou moins fourni, notamment pour détention et acquisition de stupéfiants ou pour violences sur personne dépositaire de l'autorité publique.

Peu avant 2H00 du matin lors de cette nuit du 28 au 29 juin, au lendemain de la mort de Nahel tué par un policier à Nanterre, le tribunal de proximité d'Asnières est attaqué par plusieurs individus, selon les images de vidéosurveillance versées au dossier.

Ses vitres sont brisées, des cocktails molotov sont lancés sur le bâtiment. Le feu prend rapidement et dévaste l'intégralité du rez-de-chaussée du tribunal, sans se propager aux trois étages.

Au lendemain de ces dégradations, le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti se rend sur place. Au troisième jour des émeutes urbaines, il dénonce "ceux qui crachent sur la police et sur la justice", des "complices moraux" des auteurs des violences commises lors de ces événements.

«Odeur d’hydrocarbure»

Au cours de l'audience, qui a duré plus de trois heures, les débats ont notamment porté sur les nombreux scellés et traces d'ADN, qui confondent selon le parquet les trois jeunes hommes.

Pour le ministère public, ces indices biologiques sont sans équivoque; pour la défense au contraire, le "travail d'enquête n'a pas été fait".

"Une odeur d'hydrocarbure a été relevée dans la bouteille" sur laquelle on a retrouvé la trace ADN d'un des prévenus, relève le procureur.

"Pas au moment des faits !", intervient son avocate, Me Emma Lesigne, qui souligne que cette mention ne figure pas dans les premières constatations.

L'ADN d'un autre prévenu a été retrouvé sur la mèche – un morceau de Sopalin – d'un cocktail molotov non brisé, retrouvé à l'intérieur de l'enceinte du tribunal. "Si c'était moi qui avait lancé cet engin explosif, mon ADN serait sur la bouteille, pas que sur le mouchoir !", s'écrie le mis en cause depuis le box.

Aux contestations des prévenus et de leurs avocats s'ajoute l'impossibilité d'exploiter la téléphonie, les mis en cause habitant trop près du tribunal pour que le bornage puisse être interprété, remarque le président.

"On peut très bien s'être créé un alibi, qui ne souffre pas la découverte d'ADN", balaye le ministère public, regrettant que les débats ne s'attardent pas sur la présence d'un vigile lors des faits, sain et sauf car il a pu sortir de justesse du tribunal en feu.

"[Le procureur] vous a demandé une vraie punition, moi je veux un vrai coupable", a cinglé Me Lesigne, qui a plaidé la relaxe pour son client et dénoncé un manque d'éléments matériels.

"La justice du symbole, c'est la justice du bouc-émissaire", a insisté un autre avocat de la défense, Me Etame Sone, en plaidant également la relaxe.

Selon l'avocate de l'agent judiciaire de l'Etat, les dégâts causés se chiffrent "à des millions d'euros". Depuis les faits, les activités du tribunal de proximité ont été délocalisées à Colombes pour une durée prévisionnelle de quatre ans.


Après les tensions, Paris et Alger entament un nouveau chapitre

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
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  • Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont décidé de relancer les échanges bilatéraux
  • L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique

Après avoir frôlé la rupture, un nouveau chapitre s'ouvre dans les relations entre la France et l'Algérie.

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise.

Le communiqué publié par le palais de l'Élysée fait suite à plusieurs signes récents de rapprochement, notamment l'entretien accordé par Tebboune aux journalistes des médias publics algériens, où il a exprimé sa volonté de renouer le dialogue avec son homologue français et de mettre fin à ce qu'il a qualifié de «période d'incompréhension» entre leurs deux pays.

L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique, centrée sur trois axes prioritaires: la coopération sécuritaire, la gestion des flux migratoires et les questions mémorielles.

Le communiqué conjoint, publié à l’issue de cet échange, souligne la volonté des deux chefs d’État de dépasser les crises récentes pour amorcer une relation apaisée et mutuellement bénéfique.

Premier résultat concret dans le cadre de cette volonté affichée, le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot se rend à Alger le 6 avril pour des entretiens avec son homologue algérien Ahmed Attal.

Les ministres devront détailler un programme de travail ambitieux et en décliner les modalités opérationnelles et le calendrier de mise en œuvre.

La coopération sécuritaire doit reprendre sans délai, notamment pour lutter contre le terrorisme au Sahel et sécuriser les frontières de la région.

La gestion des migrations irrégulières et la question des réadmissions de ressortissants algériens en situation irrégulière en France sont au cœur des discussions. 

Cette dynamique s’inscrit dans la continuité de l’engagement du président français, exprimé dès le début de son premier mandat et même avant, lors de sa campagne électorale en Algérie, où il avait qualifié la colonisation de «crime contre l’humanité».

Plus tard et dès son élection en 2017, Macron a affiché sa volonté de regarder «la vérité en face». Sa première visite officielle en Algérie marquait la priorité qu’il entend donner à la relation franco-algérienne, en posant les bases d’un dialogue sincère et apaisé. 

Cet engagement a été réaffirmé par la déclaration d’Alger en août 2022, qui prévoyait la mise en place d’une «commission mixte des historiens» chargée d’examiner les archives et de favoriser une meilleure compréhension mutuelle.

Les enjeux de ce rapprochement, dont l’objectif est la poursuite du travail de refondation des relations bilatérales, dépassent le cadre strictement bilatéral et s’inscrivent dans un contexte géopolitique et sécuritaire complexe.

La coopération entre Paris et Alger est essentielle pour répondre aux défis régionaux, notamment dans le Sahel, où le terrorisme et l’instabilité menacent la sécurité de l’Afrique du Nord et de l’Europe. 

La France et l’Algérie partagent un intérêt commun pour la lutte contre les groupes armés et leur coopération stratégique revêt une importance capitale pour stabiliser la région.

La gestion des flux migratoires reste un point de tension récurrent, car si la France souhaite des mécanismes de réadmission efficaces, l’Algérie demande le respect de la dignité et des droits de ses ressortissants. 

Malgré la volonté de réconciliation affichée, le dossier mémoriel reste un obstacle majeur.

La question des excuses officielles pour les crimes coloniaux demeure sensible. Si Emmanuel Macron a reconnu des «crimes contre l’humanité» en 2017, les demandes d’excuses formelles de l’Algérie n’ont pas encore été pleinement satisfaites. 

Les travaux de la commission mixte des historiens, lancés à l’été 2022, doivent permettre d’approfondir la recherche sur cette période sombre et de poser les bases d’un dialogue apaisé.

Malgré les gestes d’ouverture, les relations entre Paris et Alger restent fragiles, en partie en raison d’une méfiance réciproque, alimentée par des perceptions contradictoires des enjeux bilatéraux.

L’un des points de friction les plus marquants est la question du Sahara occidental. La position française, perçue comme favorable au Maroc, a suscité des crispations du côté algérien, allant jusqu’au rappel de l’ambassadeur d’Algérie en France. 

Pour Alger, le soutien implicite de Paris au plan d’autonomie marocain est perçu comme un alignement qui remet en cause l’équilibre diplomatique régional.

Bien que la France ait tenté de clarifier sa position, en affirmant vouloir accompagner une dynamique internationale de sortie de crise, ce dossier demeure une source de tension. 

Au-delà des relations diplomatiques, les opinions publiques des deux pays jouent un rôle crucial dans l’évolution du partenariat.

En Algérie, une partie de la population reste méfiante vis-à-vis des intentions françaises, nourrie par un sentiment de souveraineté exacerbée et par la mémoire toujours vive des exactions coloniales. 

En France, la question algérienne suscite également des clivages politiques. Certains considèrent les gestes mémoriels comme une forme de repentance excessive, tandis que d’autres appellent à une reconnaissance plus franche des torts commis pendant la colonisation. 

La relance des relations entre la France et l’Algérie repose sur un équilibre délicat entre la reconnaissance du passé, la gestion des défis actuels et la mise en œuvre d’une coopération tournée vers l’avenir. 

Malgré la volonté politique manifeste, la concrétisation de ce partenariat dépendra de la capacité des deux dirigeants à dépasser les clivages historiques et à impulser une dynamique durable.


Paris entend résoudre les tensions avec Alger « sans aucune faiblesse »

le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
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  • Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ».
  • « L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

PARIS : Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ». Il s'exprimait au lendemain d'un entretien entre les présidents français et algérien, qui visait à renouer le dialogue après huit mois de crise diplomatique sans précédent.

« Les tensions entre la France et l'Algérie, dont nous ne sommes pas à l'origine, ne sont dans l'intérêt de personne, ni de la France, ni de l'Algérie. Nous voulons les résoudre avec exigence et sans aucune faiblesse », a déclaré Jle chef de la diplomatie française devant l'Assemblée nationale, soulignant que « le dialogue et la fermeté ne sont en aucun cas contradictoires ».

« L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

Les Français « ont droit à des résultats, notamment en matière de coopération migratoire, de coopération en matière de renseignement, de lutte contre le terrorisme et au sujet bien évidemment de la détention sans fondement de notre compatriote Boualem Sansal », a affirmé le ministre en référence à l'écrivain franco-algérien condamné jeudi à cinq ans de prison ferme par un tribunal algérien. 


Algérie: Macron réunit ses ministres-clés au lendemain de la relance du dialogue

Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
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  • Emmanuel Macron  réunit mardi plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune
  • Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales.

PARIS : Emmanuel Macron  réunit mardi à 18H00 plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune pour relancer le dialogue, a appris l'AFP de sources au sein de l'exécutif.

Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales après des mois de crise, selon le communiqué conjoint publié lundi soir.

Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, effectuera de même une visite prochainement pour relancer la coopération judiciaire.

Le communiqué ne mentionne pas en revanche le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, figure du parti de droite Les Républicains, partisan d'une ligne dure à l'égard de l'Algérie ces derniers mois, notamment pour obtenir une nette augmentation des réadmissions par le pays de ressortissants algériens que la France souhaite expulser.

Bruno Retailleau sera présent à cette réunion à l'Élysée, avec ses deux collègues Barrot et Darmanin, ainsi que la ministre de la Culture, Rachida Dati, et celui de l'Économie, Éric Lombard, ont rapporté des sources au sein de l'exécutif.

 Dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, on affirme à l'AFP que si la relance des relations décidée par les deux présidents devait bien aboutir à une reprise des réadmissions, ce serait à mettre au crédit de la « riposte graduée » et du « rapport de force » prônés par Bruno Retailleau.