Le conflit soudanais soulève le spectre d'un terrain contaminé par les mines

Le Soudan et le Sud-Soudan sont parmi les pays les plus touchés par les engins non explosés (Photo, UNMAS).
Le Soudan et le Sud-Soudan sont parmi les pays les plus touchés par les engins non explosés (Photo, UNMAS).
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Publié le Mardi 30 janvier 2024

Le conflit soudanais soulève le spectre d'un terrain contaminé par les mines

  • Les publications sur les réseaux sociaux et la récente tragédie indiquent que l'utilisation des mines est de plus en plus courante par les parties belligérantes
  • Les armes aveugles et autres engins non explosés ne font aucune distinction entre les combattants et les civils

NOUAKCHOTT, Mauritanie: Dix civils soudanais ont été tués le 20 janvier lorsque le bus dans lequel ils voyageaient a heurté une mine terrestre sur une route de l’État d’Al-Jazirah, au sud de la capitale soudanaise, Khartoum, où des combats entre factions militaires rivales se poursuivent depuis avril dernier.

Les suites de la tragédie ont été marquées par un silence assourdissant de la part des parties belligérantes, des forces armées soudanaises et des Forces de soutien rapide. Cependant, l'incident, qui serait le premier du genre dans cette guerre, a révélé une nouvelle réalité périlleuse pour le Soudan.

Le Service de lutte antimines des Nations unies (UNMAS) doit encore examiner le site de l'explosion, car le type d'engin explosif utilisé n'a pas été confirmé. Les internautes au Soudan affirment toutefois que l'utilisation de mines terrestres antipersonnel est de plus en plus courante, ce qui représente une nouvelle menace mortelle pour les civils.

« Avant le début de la crise actuelle, les Nations unies aidaient les victimes de mines terrestres et d’explosifs de guerre », affirme à Arab News Mohammad Sediq Rachid, chef du programme d'action contre les mines au Soudan, qui fait partie de l'opération de paix des Nations unies.

Alors que le Soudan subit le précédent inquiétant créé par la tragédie du bus du 20 janvier, son combat n'est que trop familier dans d'autres pays de la région (Photo, AFP/Archives).

« Depuis le début du conflit, nous menons des campagnes de sensibilisation auprès des personnes déplacées, des réfugiés et des acteurs humanitaires de première ligne en alertant sur les risques et en promouvant des comportements sûrs », indique-t-il.

Le véhicule pris dans l'explosion transportait apparemment des passagers de l'est de l'État, saisi par les Forces de soutien rapide en fin décembre, vers Shendi, une petite ville de l'État du Nil, connue pour ses anciennes pyramides.

Comme il n'y a pas d'antécédents d'utilisation de mines terrestres dans cette zone, des allégations circulent sur les réseaux sociaux, indiquant que l'engin pourrait avoir été posé relativement récemment par les forces armées soudanaises dans le but d'entraver l'avancée des Forces de soutien rapide dans la région.

Étant donné l'impossibilité de vérifier les faits de manière indépendante, il est impossible d'attribuer les responsabilités. Toutefois, si d'autres engins de ce type ont été placés à Al-Jazirah et ailleurs, l'expérience amère signifie que cette tragédie ne sera pas la dernière.

Produites pour seulement un dollar, ces armes aveugles ne font aucune distinction entre les combattants et les civils et restent amorcées dans le sol pendant plusieurs décennies, longtemps après la fin d'un conflit.

L'impact dévastateur des mines terrestres et autres engins non explosés va au-delà des pertes immédiates en vies humaines et en membres. Elles peuvent empêcher les communautés d'accéder à des terres précieuses, entravant ainsi les activités agricoles et la construction d'installations essentielles telles que les hôpitaux et les écoles.

Produites pour seulement un dollar, ces armes aveugles ne font aucune distinction entre les combattants et les civils (Photo, UNMAS).

Selon M. Rachid, l'éducation est un élément essentiel de la lutte contre les mines terrestres. « Les enfants, en particulier, sont vulnérables, attirés par l'aspect curieux des restes de mines sans en mesurer pleinement le danger », précise-t-il.

L'impact de l'explosion des mines antipersonnel peut être durable. « Les conséquences englobent non seulement les blessures physiques, mais aussi les traumatismes psychologiques, les privations économiques et l'exclusion sociale », indique-t-il.

Dans le contexte mondial, environ 61 pays et régions sont actuellement confrontés à la menace persistante de la contamination par les mines terrestres, exposant des milliers de personnes au risque quotidien de blessures et de décès qui peuvent changer leur vie.

Parmi ces pays, le Soudan est l'un des plus gravement touchés par les mines antipersonnel et les engins non explosés, selon la classification des Nations unies.

Malgré ce défi de taille, le Soudan n'a pas encore ratifié la convention d'Ottawa de 1997, communément appelée « Convention sur l'interdiction des mines ». Il en va de même pour la Chine, l'Inde, le Pakistan, la Russie et les États-Unis. 

Les mines terrestres antipersonnel ont été utilisées par les combattants au Soudan lors de multiples conflits. Au cours de ces périodes de conflit prolongé, toutes les parties impliquées ont déployé ces engins, laissant derrière elles un héritage de contamination.

Le Soudan est l'un des pays les plus gravement touchés par les mines antipersonnel et les munitions non explosées, selon la classification des Nations unies (Photo, UNMAS).

Avant la crise actuelle, qui a fait plus de 13 000 morts, le Soudan avait entrepris la tâche ardue de déminer le pays. Mais avec une zone contaminée couvrant plus de 172 millions de mètres carrés, il a fallu plus de deux décennies pour en déminer seulement 80 %.

La dernière vague de violence a introduit une nouvelle contamination, prolongeant le calendrier de déminage, les experts estimant que le temps nécessaire pour éliminer toutes les engins explosifs au Soudan pourrait prendre des générations.

La complexité s'accroît lorsque les mines sont posées dans des zones urbaines. Les villes, qui joueront un rôle essentiel dans la reconstruction après le conflit, seront confrontées à la tâche colossale d'éliminer les restes d'explosifs après la fin de la guerre.

Étant donné que le déminage au Soudan s'est surtout concentré sur les zones rurales, une formation supplémentaire sera nécessaire pour gérer les opérations de déminage en milieu urbain.

De même, au Sud-Soudan, qui a déclaré son indépendance du Soudan en 2011, les engins non explosés continuent de mutiler et de tuer malgré les efforts louables déployés pour les éliminer.

« Nos communautés ont appris à vivre avec les mines terrestres et à les éviter. Pourtant, les mines terrestres continuent de ravager les vies humaines, les animaux et la végétation », révèle Suzanne Jambo, analyste politique du Sud-Soudan, à Arab News.

De plus, les engins non explosés compliquent l'acheminement déjà difficile de l'aide humanitaire et des marchandises.

Le Soudan a plongé dans le chaos après que des tensions de plusieurs mois entre l'armée, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhan (à gauche), et les Forces de soutien rapide, commandées par Mohamed Hamdan Dagalo, ont dégénéré en combats ouverts en avril dernier (Photo, AFP/Archives).

Mukesh Kapila, l'ancien représentant des Nations unies au Soudan, qui a dirigé une initiative visant à déminer les principales routes menant au Sud-Soudan, a souligné « la nature cruciale de ces programmes pour le rapatriement des réfugiés des pays voisins en toute sécurité ».

Étant donné que le Soudan a vu le déplacement de quelque 1,4 million de personnes à travers ses frontières depuis la mi-avril, beaucoup d'entre elles cherchant la sécurité au Tchad, au Sud-Soudan et en Égypte, il est devenu impératif de rétablir ces efforts de déminage.

« À l'époque, nous devions renforcer les véhicules d'aide de l'ONU avec des couvertures balistiques avant d'envoyer des convois de nourriture », rappelle M. Kapila à Arab News. « Dans les monts Nouba, les mines terrestres étaient basiques et fabriquées au Soudan à l'aide de la technologie iranienne. »

EN BREF

- 13 000 morts au Soudan estimés par l'Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED).

- 10 mois de combats à partir de janvier entre les forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide.

- 10,7 millions de personnes forcées de quitter leur foyer depuis avril 2023, selon l’Organisation internationale pour la migration.

La communauté internationale, par l'intermédiaire d'organisations telles que le Service de lutte antimines des Nations unies (UNMAS), a toujours joué un rôle dans l'assistance aux victimes d'explosions de mines terrestres et d'autres restes de guerre.

Les efforts de réhabilitation comprennent le soutien médical, la formation professionnelle et la sensibilisation de la communauté.

Toutefois, le conflit en cours au Soudan a rendu la situation encore plus compliquée. Les hôpitaux et les prestataires de services essentiels, déjà mis à rude épreuve par la violence, ont du mal à offrir leur aide.

La vulnérabilité des victimes des mines terrestres s'est intensifiée à mesure que l'accès à l'aide humanitaire devenait difficile.

La situation est similaire dans d'autres régions du monde arabe où les conflits ont laissé des terres saturées de restes d'explosifs.

Le général de division A.K. Bardalai, ancien chef de mission adjoint et commandant adjoint de la Force intérimaire des Nations unies au Liban, a déclaré que l'un des principaux défis consistait à identifier avec précision les zones touchées et la quantité de mines.

« En l'absence d'archives, les agences de déminage doivent procéder avec prudence, ce qui rend le processus long et laborieux », a-t-il déclaré à Arab News. « Il est également difficile de déterminer des délais précis pour un déminage complet en Afrique. »

S'appuyant sur son expérience au Liban, où les armes à sous-munitions ont été laissées par les combats avec Israël, M. Bardalai a révélé que les efforts de déminage peuvent prendre des décennies, même lorsque les combattants fournissent aux équipes de déminage des dossiers détaillés sur les sites où les mines terrestres antipersonnel ont été posées et où les engins explosifs sont tombés.

Lorsque ces documents ne sont pas fournis ou ne sont pas du tout effectués, les opérations de déminage peuvent prendre encore plus de temps.

Le Service de lutte antimines des Nations unies doit encore examiner le site de l'explosion du 20 janvier dans l'État d'Al-Jazirah (Photo, UNMAS).

Alors que le Soudan absorbe le précédent inquiétant créé par la tragédie du bus du 20 janvier, son combat n'est que trop familier dans d'autres pays de la région. Les expériences parallèles du Liban, de l'Irak, de l'Afghanistan et de Gaza soulignent les défis universels posés par les mines terrestres.

Le Mines Advisory Group, une organisation non gouvernementale britannique, affirme que Gaza devra faire face à des années de travail de déminage en raison de la densité des engins non explosés. La Cisjordanie a, elle aussi, souffert de la contamination par les mines terrestres pendant plus de 60 ans.

À moins qu'un cessez-le-feu durable ne soit conclu entre les forces armées soudanaises et les Forces de soutien raide, le Soudan sera sans aucun doute contaminé davantage, ce qui retardera son redressement de plusieurs décennies et mettra en danger les générations futures.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


La Défense civile fait état de 42 morts dans la bande de Gaza

La Défense civile fait état de 42 morts dans la bande de Gaza
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  • Mahmoud Bassal, porte-parole de la Défense civile à Gaza, a déclaré à l'AFP que "le bilan total s'élève désormais à 42 morts depuis l'aube"
  • Il a fait état notamment de plusieurs frappes aériennes sur la ville de Gaza ainsi que dans plusieurs zones du territoire, au centre, au nord et au sud

GAZA: La Défense civile de la bande de Gaza a fait état d'au moins 42 personnes tuées dimanche par des frappes et tirs israéliens dans le territoire palestinien, au moment où l'armée israélienne se prépare à prendre d'assaut la ville de Gaza.

Sollicitée par l'AFP, l'armée israélienne n'a pas commenté dans l'immédiat.

Mahmoud Bassal, porte-parole de la Défense civile à Gaza, a déclaré à l'AFP que "le bilan total s'élève désormais à 42 morts depuis l'aube".

Il a fait état notamment de plusieurs frappes aériennes sur la ville de Gaza ainsi que dans plusieurs zones du territoire, au centre, au nord et au sud.

La frappe la plus meurtrière, selon la Défense civile, a eu lieu à Al-Sabra, un quartier de Gaza-ville, et a fait huit morts.

"La situation est extrêmement dangereuse, dans tous les sens du terme. Chaque jour, chaque minute, il y a des bombardements, des martyrs, la mort et le sang, nous ne pouvons plus le supporter", a dit à l'AFP Ibrahim Al-Shurafa, un habitant d'Al-Sabra.

"Les frappes se poursuivent dans le quartier d'Al-Sabra, et l'artillerie continue de viser des quartiers résidentiels et des maisons de civils à cet instant même. Nous ne savons pas où aller, la mort nous poursuit partout", a-t-il ajouté.

Compte tenu des restrictions imposées par Israël aux médias à Gaza et des difficultés d'accès sur le terrain, l'AFP n'est pas en mesure de vérifier de manière indépendante les affirmations de la Défense civile ou de l’armée.

La guerre à Gaza a été déclenchée par l'attaque sans précédent menée par le mouvement islamiste palestinien Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, entraînant la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

La campagne de représailles israéliennes a fait au moins 62.686 morts dans la bande de Gaza, en majorité des civils, selon le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas, dont les chiffres sont jugés fiables par l'ONU.

 


Frappes israéliennes meurtrières au Yémen contre des cibles houthies

L'armée de l'air israélienne a bombardé dimanche des sites des rebelles houthis à Sanaa, faisant six morts et 86 blessés, une semaine après des raids similaires sur la capitale yéménite, ont indiqué les insurgés pro-iraniens. (AFP)
L'armée de l'air israélienne a bombardé dimanche des sites des rebelles houthis à Sanaa, faisant six morts et 86 blessés, une semaine après des raids similaires sur la capitale yéménite, ont indiqué les insurgés pro-iraniens. (AFP)
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  • Affirmant agir en solidarité avec les Palestiniens de Gaza, en proie à la guerre entre Israël et le Hamas, les Houthis lancent régulièrement des attaques aux missiles et drones en direction du territoire israélien
  • Après les frappes, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a prévenu que "le régime terroriste houthi paiera un prix très élevé pour son agression contre l'Etat d'Israël", alors que les Houthis ont averti qu'ils "riposteront"

SANAA: L'armée de l'air israélienne a bombardé dimanche des sites des rebelles houthis à Sanaa, faisant six morts et 86 blessés, une semaine après des raids similaires sur la capitale yéménite, ont indiqué les insurgés pro-iraniens.

Affirmant agir en solidarité avec les Palestiniens de Gaza, en proie à la guerre entre Israël et le Hamas, les Houthis lancent régulièrement des attaques aux missiles et drones en direction du territoire israélien, mais la plupart sont interceptés.

Après les frappes, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a prévenu que "le régime terroriste houthi paiera un prix très élevé pour son agression contre l'Etat d'Israël", alors que les Houthis ont averti qu'ils "riposteront" à l'attaque israélienne.

"Agression israélienne sur la capitale Sanaa", la capitale aux mains des Houthis, a écrit la chaîne des rebelles, Al-Massirah, sur X. "Plusieurs frappes ont visé une station de la compagnie pétrolière rue al-Sittine" et une "centrale électrique" dans le sud de Sanaa, déjà bombardée par Israël il y a une semaine.

L'agence de presse des insurgés, Saba, a fait état d'un bilan de six morts et 86 blessés, dont 21 dans un état grave, citant le ministère de la Santé.

En Israël, l'armée a indiqué dans un communiqué avoir frappé "un site militaire situé dans le palais présidentiel, les centrales électriques d'Assar et de Hezyaz, ainsi qu'un site de stockage de carburant, tous utilisés pour les activités militaires".

"La puissance d'Israël" 

Le ministère israélien de la Défense a diffusé une photo montrant le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le ministre de la Défense Israël Katz et le chef d'état-major, le lieutenant-général Herzi Halevi, suivant l'opération militaire au Yémen depuis un bunker de commandement.

"Celui qui nous attaque — nous l'attaquons. Celui qui prévoit de nous attaquer — nous l'attaquons. Je pense que toute la région apprend à connaître la puissance et la détermination de l'Etat d'Israël", a prévenu M. Netanyahu dans un communiqué de son bureau.

"Nous ne dévierons pas de la lutte contre le projet américano-sioniste et poursuivront l'escalade jusqu'à l'arrêt de l'agression et la levée du blocus (israélien) contre Gaza", a averti de son côté le bureau politique des Houthis dans un communiqué.

Vendredi soir, les Houthis ont tiré un missile en direction d'Israël, situé à quelque 1.800 km. Les autorités israéliennes ont indiqué qu'il s'était "très probablement désintégré en plein vol".

Le Times of Israel et le site d'information israélien Ynet, citant un rapport de l'armée, ont affirmé dimanche que le missile tiré vendredi était pour la première fois équipé d'une ogive à fragmentation.

Outre les tirs contre Israël, les Houthis ont repris en juillet, après une pause de plusieurs mois, leurs attaques au large du Yémen, lancées après le début de la guerre à Gaza, contre les navires qu'ils accusent de liens avec Israël.

En mai, ils avaient conclu une trêve avec les Etats-Unis ayant mis fin à des mois de bombardements américains au Yémen.

L'Iran condamne 

Les Houthis, qui contrôlent de larges pans du Yémen, en guerre depuis 2014, font partie d'une alliance contre Israël mise en place par l'Iran, qui comprend d'autres groupes comme le Hezbollah au Liban et le Hamas palestinien.

En Iran, ennemi juré d'Israël, le ministère des Affaires étrangères a condamné "avec force" les frappes israéliennes au Yémen.

Israël a mené plusieurs frappes de représailles au Yémen, ciblant des régions sous contrôle des Houthis, notamment des ports de l'ouest du pays et l'aéroport de Sanaa.

Au Yémen, la guerre a fait des centaines de milliers de morts et plongé le pays le plus pauvre de la péninsule arabique dans l'une des pires crises humanitaires au monde.

La guerre à Gaza a été déclenchée par une attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, qui a entraîné la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

La campagne de représailles israélienne a fait des dizaines de milliers de morts dans le territoire palestinien, frappé par la famine selon l'ONU.


Frankly Speaking : Le point de vue de l'ancien Premier ministre israélien Olmert sur la guerre

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  • Olmert avertit que la guerre de Gaza met en danger la position d'Israël dans le monde et accuse Netanyahou de mener des politiques imprudentes guidées par l'intérêt personnel
  • A la question de savoir si Smotrich et Ben-Gvir sont des terroristes, Olmert est allé encore plus loin, les qualifiant de "messianiques" et d'"extrémistes"

RIYADH : L'ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert n'a pas ménagé ses critiques à l'égard de Benjamin Netanyahu. S'il n'a pas accusé son successeur d'avoir commis un génocide, il a déclaré à plusieurs reprises que ce qui se passait à Gaza constituait des crimes de guerre.

S'adressant à Katie Jensen, animatrice de l'émission d'actualité Arab News "Frankly Speaking", M. Olmert a déclaré que, bien que la réponse d'Israël ait été justifiée à la suite de l'attaque menée par le Hamas le 7 octobre 2023, le conflit était devenu intenable et constituait un "piège mortel pour les Israéliens".

"Toute la guerre qui a commencé après la violation de l'accord de cessez-le-feu temporaire en mars 2025 est une guerre illégitime", a déclaré M. Olmert, qui a été premier ministre de 2006 à 2009.

"Et dans cette guerre illégitime, à laquelle s'oppose la majorité des Israéliens, plus de 70 %, dans laquelle de nombreux soldats israéliens seront tués, alors que la vie des otages est gravement menacée et que des milliers de Palestiniens seront tués pour une guerre qui n'a aucun objectif, qui ne peut atteindre aucun but, qui n'apportera rien de bon à aucune des parties impliquées, une telle guerre est un crime, et j'ai accusé le gouvernement israélien de l'avoir commise."

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L'ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert interviewé par Katie Jensen dans l'émission "Frankly Speaking". (Photo AN)


Il a ajouté que de nombreux Israéliens pensent aujourd'hui que la guerre sert avant tout les intérêts personnels de M. Netanyahou plutôt que les familles des otages restants et la sécurité de l'ensemble de la société israélienne.

"C'est ce que tout le monde dit aujourd'hui en Israël", a-t-il déclaré. "Il s'agit d'une guerre inutile et superflue, et il n'y a aucun intérêt national pour Israël qui puisse être servi par la poursuite de la guerre. La conclusion inévitable est donc qu'elle sert les intérêts personnels du premier ministre. Tout le monde l'a dit.

"L'extension de la guerre contre Gaza, qui compte plus d'un million d'habitants et où le Hamas se cache dans les zones les plus densément peuplées de citoyens non impliqués, est un piège mortel pour les Israéliens, car quelque chose qui ne sert aucun intérêt national est un crime, et il faut se poser la question : À quoi cela sert-il ? C'est pourquoi de nombreuses personnes concluent qu'il s'agit d'un intérêt personnel".

Lorsque Jensen lui a demandé s'il pensait toujours que M. Netanyahou devait être inculpé de crimes de guerre à La Haye, M. Olmert a répondu qu'il ne se souvenait pas d'avoir fait une telle déclaration. Et ce, en dépit d'un extrait largement diffusé d'une interview avec le journaliste britannique Piers Morgan, le 2 juin, dans lequel Olmert était directement interrogé sur la question de savoir si Netanyahou devait être jugé à La Haye.

"Ecoutez, il faut qu'il y ait une voix. Et si, du fait que j'ai été Premier ministre et que je suis assez bien connu dans la communauté internationale, les gens veulent entendre ce que j'ai à dire, je dois le dire. Oui", a déclaré M. Olmert à M. Morgan dans le clip.

Bien qu'il semble maintenant être revenu sur ces commentaires, Olmert a approuvé la description du ministre israélien de la sécurité nationale Itamar Ben-Gvir et du ministre des finances Bezalel Smotrich comme des terroristes, les qualifiant de "messianiques" et d'"extrémistes".

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M. Ben-Gvir a suscité l'indignation en conduisant des prières juives à la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem, violant ainsi des accords de longue date et suscitant la condamnation des dirigeants palestiniens, arabes et internationaux.

Il a également plaidé en faveur de la souveraineté israélienne sur Gaza et encouragé l'émigration "volontaire" massive des Palestiniens. Les gouvernements occidentaux l'ont sanctionné pour incitation à la violence et pour des condamnations pénales antérieures pour soutien au terrorisme et au racisme.

M. Smotrich, également sanctionné par les États occidentaux, a été critiqué pour ses déclarations incendiaires soutenant l'expansion des colonies en Cisjordanie, ses incitations à l'encontre des Palestiniens et ses positions considérées par les partenaires de l'UE et les groupes de défense des droits comme portant atteinte aux droits des Palestiniens et aux perspectives de paix.

M. Jensen a abordé le sujet en posant la question suivante : Lorsque nous examinons certains commentaires des ministres (de M. Netanyahou), des personnes comme M. Smotrich, qui a déclaré que le peuple palestinien n'existait pas - il s'est tenu sous une carte du "Grand Israël" en disant cela - il a également déclaré que le village palestinien de Huwara devrait être rayé de la carte.

"Ou des commentaires de Ben-Gvir, qui a déclaré à la télévision israélienne que son droit de se déplacer librement en Cisjordanie était plus important que la liberté de mouvement des Palestiniens... Si nous considérons les paroles et les actions de ces hommes, à votre avis, ces hommes sont-ils des terroristes ?

La réponse de M. Olmert a été sans équivoque.

"Ecoutez, c'est une partie facile de la question", a-t-il dit. "Oui, ils le sont d'une certaine manière, dans la mesure où Ben-Gvir a été condamné pour avoir pris part à ce qui est considéré comme des actions terroristes dans le passé. Mais je pense que la situation est plus complexe.

"Regardons les choses en face. D'un côté, il y a ces groupes messianiques, qui sont totalement, totalement inacceptables. Pour la majorité des Israéliens, cela ne fait aucun doute. Ils sont extrêmes, ils sont messianiques.

"Oui, en effet, ils veulent expulser tous les Palestiniens de Cisjordanie et annexer la Cisjordanie. Ils veulent aussi le faire à Gaza. Mais je pense que la majorité des Israéliens s'y opposent".

Contrairement à M. Netanyahou, qui s'est rallié à la rhétorique de ses ministres d'extrême droite, M. Olmert a déclaré qu'il n'aurait jamais soutenu la notion de "Grand Israël", un concept politique épousé par les extrémistes qui envisagent d'étendre le territoire israélien pour y inclure des pans entiers de la Palestine, du Liban, de la Jordanie, de la Syrie et même des terres situées entre le Nil et l'Euphrate.

Olmert a averti que cette rhétorique et ces politiques coûtaient à Israël des amis et des alliés.

"Il y a une profonde division entre une grande partie de l'opinion publique, qui est en faveur d'un changement de cap, et une partie qui est maintenant gouvernée par les Netanyahus et le groupe de voyous qui sont connus pour être les ministres du cabinet", a-t-il déclaré.

"Maintenant, ce qu'ils font, c'est causer un très grand dommage à la réputation de l'État d'Israël, à l'intégrité de l'État d'Israël, et à la perception de ce qu'Israël représente.

"Et cela crée d'énormes difficultés dans les relations d'Israël avec ses amis traditionnels, les pays européens, la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, le Canada et d'autres pays. Et cela crée également des difficultés qui deviendront de plus en plus difficiles à gérer avec l'Amérique.

"Malheureusement, cela crée aussi des difficultés avec nos amis très importants en Égypte et en Jordanie, ainsi que dans les Émirats. Et cela empêche certainement l'évolution possible vers un processus de normalisation avec l'Arabie Saoudite".

Depuis 2019, M. Netanyahou fait face à des accusations de corruption, y compris des allégations de corruption, de fraude et d'abus de confiance. Son procès, qui a débuté en 2020, a été reporté à plusieurs reprises pour des raisons de sécurité. Il nie toutes les accusations.

Des mandats d'arrêt émis par la Cour pénale internationale à l'encontre de M. Netanyahou et de son ancien ministre de la défense, Yoav Gallant, concernant des crimes de guerre présumés à Gaza, n'ont pas encore été exécutés. Israël est lui-même accusé de génocide par la Cour internationale de justice.

Olmert lui-même a démissionné de son poste de premier ministre en 2009 à la suite d'allégations de corruption et a ensuite été condamné et emprisonné pour corruption et abus de confiance. Malgré cela, il insiste sur le fait que sa voix a du poids, arguant que la plupart des Israéliens s'opposent désormais à Netanyahou.

En effet, les manifestations massives qui ont eu lieu ces dernières semaines dans tout Israël pour s'opposer à l'extension de la guerre à Gaza mettent en évidence un changement radical dans l'attitude du public à l'égard de la trajectoire du gouvernement de coalition de droite.

"Si j'avais été Premier ministre, la situation aurait été totalement différente", a déclaré M. Olmert. "J'aurais adopté ce que je représentais à l'époque où j'étais premier ministre, en parlant de la solution à deux États, en négociant, (et) en espérant essayer de forcer les dirigeants palestiniens à se conformer".

M. Olmert a déclaré que l'échec du processus de paix israélo-palestinien à ce jour ne pouvait pas être entièrement imputé à Israël. Il a rappelé qu'au cours de son mandat, il avait proposé un État aux Palestiniens, mais que ceux-ci avaient rejeté la proposition.

"N'oublions pas qu'en 2008 et 2009, lorsque j'étais premier ministre, j'ai proposé au président de l'Autorité palestinienne un plan de paix global basé sur les frontières de 1967", a-t-il déclaré.

Ce plan prévoyait un retrait israélien de la majeure partie de la Cisjordanie, des échanges de terres pour les colonies annexées, un corridor reliant Gaza et la Cisjordanie, une administration partagée ou internationale des lieux saints de Jérusalem et l'acceptation symbolique d'un nombre limité de réfugiés palestiniens en Israël, avec une compensation et une réinstallation pour les autres.

Les Palestiniens ont rejeté l'accord en raison de leurs préoccupations concernant le droit au retour, le calendrier précipité de l'examen, les doutes quant à la survie politique d'Olmert et l'insatisfaction concernant les conditions relatives à Jérusalem et à l'attribution des terres.

Quelle que soit la faute, l'échec répété des efforts de paix au cours de cette période a culminé avec l'attaque menée par le Hamas le 7 octobre 2023 et la guerre d'Israël contre Gaza qui s'en est suivie et qui, depuis, a tué au moins 60 000 Palestiniens et laissé l'enclave dévastée.

L'un des plus grands scandales de la guerre à ce jour a été la création de la Fondation humanitaire de Gaza au début de l'année 2025. Les critiques ont dénoncé la GHF pour avoir mis de côté les mécanismes d'aide de l'ONU en faveur d'un plan soutenu par les États-Unis et Israël qui a placé le personnel militaire et les entrepreneurs privés américains en charge de la distribution de l'aide dans les zones militarisées.

Des rapports ont fait état de centaines de morts et de blessés parmi les Palestiniens cherchant de la nourriture sur les sites d'aide du GHF. Des groupes, dont Médecins sans frontières, ont décrit ces sites comme des scènes de "tueries orchestrées" et ont demandé la suspension immédiate du programme.

M. Olmert a déclaré qu'il ne savait pas si les Israéliens avaient délibérément ciblé les civils sur les sites de la GHF, mais il a insisté sur le fait qu'il était de la responsabilité d'Israël de nourrir les habitants de Gaza.

"Je pense qu'il y a beaucoup de fausses informations sur les circonstances précises concernant les fournitures humanitaires et sur la façon dont le Hamas essaie de provoquer afin d'obtenir de la nourriture pour ses propres besoins, sachant que le Hamas n'est pas particulièrement attentif à la vie des Palestiniens et ... dans quelle mesure cela résulte des pratiques très inacceptables des soldats israéliens. Je ne sais pas", a-t-il déclaré.

"Je ne dis qu'une chose, et c'est le fond du problème, qui est, je pense, ce qui compte. Israël contrôle Gaza, c'est nous qui sommes responsables là-bas. Par conséquent, il incombe à Israël de répondre aux besoins humanitaires à Gaza pour tous ceux qui en ont besoin, de manière efficace, complète et sans interférence ou provocation de la part de quiconque veut perturber cette situation. C'est notre responsabilité.