Maghreb: l’interminable errance de la Tunisie

Mohamed Abbou, ministre tunisien de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, jadis proche du parti islamiste et aujourd’hui l’un de ses plus farouches adversaires (Photo, AFP).
Mohamed Abbou, ministre tunisien de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, jadis proche du parti islamiste et aujourd’hui l’un de ses plus farouches adversaires (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 01 janvier 2021

Maghreb: l’interminable errance de la Tunisie

  • Le bilan des dix années écoulées est catastrophique sur bien des plans: politique, économique et social
  • Où va la Tunisie? Certains évoquent parfois l’éventualité d’une deuxième révolution, celle des affamés

TUNIS: Dix ans après Ben Ali, la Tunisie continue de tourner en rond. Le bilan de la décennie écoulée est globalement négatif sur les plans politique, économique et social. Et rien ne laisse entrevoir la sortie prochaine du pays d’une situation qui se dégrade sans cesse au fil des ans.

 Au lendemain du 14 janvier 2011, date de la chute du régime Ben Ali, le moral des Tunisiens était au zénith. Dans la première enquête d’opinion du cabinet Sigma Conseil, en avril 2012, 65 % d’entre eux se déclaraient optimistes pour l’avenir de la Tunisie et 56,3 % estimaient que leur niveau de vie était meilleur. Dix ans après, les acteurs de la «révolution du jasmin» ont le moral en berne. D’après le baromètre politique réalisé en août 2020 par le même cabinet, le pessimisme en Tunisie a atteint son niveau le plus élevé depuis plusieurs mois: 79,6 % des personnes interrogées pensent que le pays «va dans la mauvaise direction».

Ce n’est guère étonnant. Car le bilan des dix années écoulées est catastrophique sur bien des plans: politique, économique et social. Question inéluctable: pourquoi la révolution du 14 janvier 2011 a-t-elle débouché sur un paysage aussi désolant là où elle était supposée ouvrir la voie à la relance du pays et contribuer à améliorer le niveau et la qualité de vie des Tunisiens? En fait, divers facteurs ont contribué à transformer le rêve et l’espoir en cauchemar et en désespoir.  

La chute du régime Ben Ali, le 14 janvier 2011, était une occasion – peut-être unique – pour les Tunisiens de rattraper le temps perdu et de reconstruire leur pays sur des bases saines et solides. Pour cela, il aurait fallu tout d’abord que l’élite, politique en particulier, ait à cœur d’engager et de faire aboutir un chantier aussi énorme. Malheureusement, ce ne fut pas le cas. Car, comme l’a récemment déploré Habib Essid – qui connaît bien cette faune-là pour avoir fait l’essentiel de sa carrière politique après le 14 janvier 2011 (ministre de l’Intérieur puis chef du gouvernement) –, la classe politique actuelle se soucie exclusivement de profiter des avantages du pouvoir – richesse et prestige – et d’en faire aussi profiter parents, alliés et amis. 

La quête de pouvoir peut aussi être motivée par le souci de se mettre à l’abri d’éventuelles poursuites judiciaires. Plusieurs députés ont profité de l’immunité liée à leur fonction pour s’y soustraire.

Les islamistes d’Ennahdha, qui exercent le pouvoir sans discontinuer depuis neuf ans, sont probablement ceux qui en ont le plus profité, notamment sur le plan personnel. Leur situation patrimoniale aujourd’hui n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était avant leur accès au pouvoir.

Un témoignage de Mohamed Abbou, jadis proche du parti islamiste et aujourd’hui l’un de ses plus farouches adversaires, bien placé pour savoir de quoi il parle car il a été ministre de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, le donne à penser. Au début de décembre, cet avocat a révélé que la plupart des 54 députés du parti islamiste résident à Mutuelleville, l’un des quartiers huppés de Tunis. Faisant remarquer au passage qu’«on ne peut pas s’offrir en seulement dix ans des villas» dans cette partie de la capitale qui était, sous l’occupation, un fief des colons français.

La deuxième cause du nouveau départ raté de la Tunisie tient dans la résistance au changement. Généralement, les Tunisiens ont tendance à freiner des quatre fers lorsque des réformes dérangent leurs habitudes politico-idéologiques ou, surtout, risquent de porter atteinte un tant soit peu à leurs intérêts. Le manque de volonté et de courage politiques des autorités a fait le reste.

Trois corps sont particulièrement rétifs au changement: l’administration, le secteur privé et l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), le syndicat historique. Une des bizarreries tunisiennes est que le secteur privé qui, par ailleurs, se plaint des lourdeurs de la bureaucratie dans certains domaines, partage l’opposition de l’administration à alléger le mille-feuilles bureaucratique.

Mme Mouna Hamden, spécialiste senior du secteur privé, au sein du bureau de la Banque mondiale à Tunis, a illustré cette connivence ponctuelle lors d’un débat le 14 décembre 2020 avec les membres de la Commission des finances de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). 

En 2018, la Banque s’était entendue avec les autorités pour que 27 autorisations conditionnant l’accès à certaines activités soient annulées ou remplacées par des cahiers des charges dans les six mois. Plus de deux ans plus tard, seul le tiers l’a été. Car, explique Mme Hamden, «il y a beaucoup de résistance du secteur privé et des administrations sectorielles». L’économie de rente, c’est-à-dire celle des copains et des «coquins», dont la Banque mondiale avait démonté les ressorts en 2014 dans un rapport intitulé «La Révolution inachevée», a encore de beaux jours devant elle en Tunisie. 

En matière de résistance aux réformes, l’UGTT n’est pas en reste. Profitant de la faiblesse des gouvernements successifs, elle a réussi, du moins jusqu’ici, le double tour de force de les obliger à ne pas traiter avec les nouveaux syndicats créés après le 14 janvier 2011, et d’entraver la mise en œuvre des réformes nécessaires au sauvetage des entreprises publiques dont la plupart ont notamment besoin d’un dégraissage de leurs effectifs. Ce qui n’arrange pas ce syndicat beaucoup plus présent dans le secteur public que dans le privé.

Face à ce blocage, où va la Tunisie? Certains évoquent parfois l’éventualité d’une deuxième révolution, celle des affamés. Au vu des nombreuses grèves, sit-in et barrages de routes auxquels on assiste, ce n’est peut-être plus qu’une question de temps avant qu’une nouvelle déflagration sociale vienne tout emporter sur son chemin. À moins que la Tunisie ne trouve enfin son Gerhard Schröder – le chancelier allemand qui, au début des années 2000, avait mis en œuvre un train de réformes économiques radicales – pour qu’il arrête la descente aux enfers du pays et essaie de le redresser.


Les Houthis font état de quatre morts dans des frappes attribuées aux Etats-Unis

Les rebelles houthis du Yémen ont fait état mercredi d'un nouveau bilan de quatre morts dans des frappes sur Hodeida (ouest), attribuées aux Etats-Unis, et dit avoir mené une nouvelle attaque contre un porte-avion américain. (AFP)
Les rebelles houthis du Yémen ont fait état mercredi d'un nouveau bilan de quatre morts dans des frappes sur Hodeida (ouest), attribuées aux Etats-Unis, et dit avoir mené une nouvelle attaque contre un porte-avion américain. (AFP)
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  • Selon les médias houthis, des frappes américaines ont visé dans la nuit plusieurs localités sous contrôle des rebelles houthis, soutenus par l'Iran, notamment des infrastructures hydrauliques dans le gouvernorat de Hodeida
  • Trois raids ont également été rapportés dans le gouvernorat de Hajjah (nord-ouest) et trois autres dans le bastion du groupe rebelle, Saada, dans le nord du Yémen

SANAA: Les rebelles houthis du Yémen ont fait état mercredi d'un nouveau bilan de quatre morts dans des frappes sur Hodeida (ouest), attribuées aux Etats-Unis, et dit avoir mené une nouvelle attaque contre un porte-avion américain.

"Le bilan de l'agression américaine qui a visé mardi soir le bâtiment de la gestion de l'eau dans le district d'al-Mansouriyah, dans le gouvernorat de Hodeida, est monté à quatre morts et trois blessés", a déclaré le porte-parole du ministère de la Santé houthi, Anis Alasbahi.

Selon les médias houthis, des frappes américaines ont visé dans la nuit plusieurs localités sous contrôle des rebelles houthis, soutenus par l'Iran, notamment des infrastructures hydrauliques dans le gouvernorat de Hodeida.

Trois raids ont également été rapportés dans le gouvernorat de Hajjah (nord-ouest) et trois autres dans le bastion du groupe rebelle, Saada, dans le nord du Yémen. Les Etats-Unis n'ont pas confirmé avoir mené ces frappes.

Le 15 mars, Washington a annoncé une nouvelle offensive militaire, promettant de recourir à une force écrasante tant que les rebelles continueront de viser des navires circulant sur les routes maritimes clefs de la mer Rouge et du golfe d'Aden.

"Les frappes contre les Houthis ont été incroyablement efficaces", a déclaré mardi la porte-parole de la Maison Blanche Karoline Leavitt, précisant qu'il y avait eu "plus de 200 frappes réussies contre les Houthis".

Les frappes américaines visent à neutraliser les menaces des Houthis en mer Rouge, une zone maritime essentielle pour le commerce mondial, où les rebelles yéménites ont mené de nombreuses attaques depuis fin 2023 affirmant s'en prendre à des navires liés à Israël, en solidarité avec les Palestiniens.

Les Houthis ciblent également les navires de guerre américains au large du Yémen. Ils ont affirmé tôt mercredi avoir mené une attaque contre le porte-avions Harry S. Truman, "la troisième en 24 heures", selon leur porte-parole militaire, Yahya Saree.

De leur côté, les Etats-Unis ont annoncé mardi l'envoi d'un deuxième porte-avions au Moyen-Orient, le Carl Vinson, "afin de continuer à promouvoir la stabilité régionale, dissuader toute agression et protéger les flux commerciaux dans la région".

Le Pentagone n'a pas précisé de date ni la zone où navigueront les deux groupes aéronavals.

Le président Donald Trump a assuré lundi sur son réseau Truth Social que "le plus dur (était) à venir pour les Houthis et leurs soutiens en Iran". "Nos attaques continueront jusqu'à ce qu'ils ne soient plus une menace pour la liberté de navigation", a encore écrit le président américain.

 


Les Etats-Unis envoient un deuxième porte-avions au Moyen-Orient 

Selon le Pentagone, le Harry S. Truman sera rejoint par le Carl Vinson, actuellement dans la zone indopacifique, "afin de continuer à promouvoir la stabilité régionale, dissuader toute agression et protéger les flux commerciaux dans la région", a déclaré M. Parnell dans un communiqué. (AFP)
Selon le Pentagone, le Harry S. Truman sera rejoint par le Carl Vinson, actuellement dans la zone indopacifique, "afin de continuer à promouvoir la stabilité régionale, dissuader toute agression et protéger les flux commerciaux dans la région", a déclaré M. Parnell dans un communiqué. (AFP)
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  • Cette annonce survient alors que les Houthis, rebelles yéménites soutenus par l'Iran, ont revendiqué le mois dernier des attaques contre le porte-avions Harry S. Truman en mer Rouge
  • Washington, qui a procédé ces dernières semaines à des frappes au Yémen, n'a pas confirmé ces attaques

WASHINGTON: Les Etats-Unis envoient un deuxième porte-avions au Moyen-Orient, a annoncé mardi le porte-parole du ministère de la Défense Sean Parnell, évoquant la protection des flux commerciaux.

Cette annonce survient alors que les Houthis, rebelles yéménites soutenus par l'Iran, ont revendiqué le mois dernier des attaques contre le porte-avions Harry S. Truman en mer Rouge. Washington, qui a procédé ces dernières semaines à des frappes au Yémen, n'a pas confirmé ces attaques.

Les Houthis visent la navigation commerciale en mer Rouge depuis le début de la guerre à Gaza en octobre 2023.

Selon le Pentagone, le Harry S. Truman sera rejoint par le Carl Vinson, actuellement dans la zone indopacifique, "afin de continuer à promouvoir la stabilité régionale, dissuader toute agression et protéger les flux commerciaux dans la région", a déclaré M. Parnell dans un communiqué.

Le ministère n'a pas précisé où exactement navigueraient les deux groupes aéronavals.

Parallèlement, le secrétaire à la Défense Pete Hegseth a ordonné le déploiement dans la région "d'escadrons additionnels et d'autres actifs aériens qui renforceront nos capacités défensives de soutien aérien", selon M. Parnell.

La marine américaine compte une dizaine de porte-avions.

 


Trump s'entretient avec Sissi des Houthis et de Gaza

L'Egypte a récemment présenté un plan soutenu par les pays arabes qui permettrait de maintenir les habitants de Gaza sur leur terre. Le président américain a lui proposé leur expulsion vers l'Egypte et la Jordanie pour faire du territoire la "Riviera du Moyen-Orient". (AFP)
L'Egypte a récemment présenté un plan soutenu par les pays arabes qui permettrait de maintenir les habitants de Gaza sur leur terre. Le président américain a lui proposé leur expulsion vers l'Egypte et la Jordanie pour faire du territoire la "Riviera du Moyen-Orient". (AFP)
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  • Lundi, Donald Trump avait assuré que "le plus dur (était) à venir pour les Houthis et leurs soutiens en Iran", alors que les Etats-Unis ont déjà mené plusieurs frappes contre les rebelles du Yémen
  • Donald Trump a indiqué mardi s'être entretenu avec son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi, évoquant un appel téléphonique qui s'est "très bien passé"

WASHINGTON: Donald Trump a indiqué mardi s'être entretenu avec son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi, évoquant un appel téléphonique qui s'est "très bien passé".

"Nous avons abordé de nombreux sujets, notamment les progrès militaires considérables que nous avons réalisés contre les Houthis au Yémen qui détruisent les navires", a écrit le président américain sur son réseau Truth Social.

Il n'a pas précisé quand cet appel a eu lieu.

Lundi, Donald Trump avait assuré que "le plus dur (était) à venir pour les Houthis et leurs soutiens en Iran", alors que les Etats-Unis ont déjà mené plusieurs frappes contre les rebelles du Yémen.

Rapidement après le début de la guerre à Gaza, déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas sur Israël le 7 octobre 2023, les rebelles houthis du Yémen, soutenus par l'Iran et affirmant agir en solidarité avec les Palestiniens, ont mené des dizaines d'attaques de missiles contre Israël et en mer Rouge - zone essentielle pour le commerce mondial - contre des navires auxquels ils reprochent des liens divers avec Israël.

Le président américain a également dit avoir discuté avec le dirigeant égyptien de "Gaza et des solutions possibles, de l'état de préparation militaire, etc".

Israël a repris sa campagne militaire le 18 mars avec d'intenses bombardements et une nouvelle offensive au sol, rompant deux mois de trêve avec le Hamas, entrée en vigueur le 19 janvier.

Le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas pour la bande de Gaza a annoncé mardi que 1.042 personnes avaient été tuées depuis la reprise le 18 mars des bombardements israéliens sur ce territoire palestinien.

L'Egypte a récemment présenté un plan soutenu par les pays arabes qui permettrait de maintenir les habitants de Gaza sur leur terre. Le président américain a lui proposé leur expulsion vers l'Egypte et la Jordanie pour faire du territoire la "Riviera du Moyen-Orient".