ADEN : Le ministre yéménite des Affaires étrangères Ahmed ben Moubarak s'est engagé jeudi à « rétablir la stabilité » dans son pays ravagé par la guerre, au lendemain d'une attaque meurtrière à l'aéroport d'Aden (sud) qui a visé les membres du nouveau gouvernement d'union nationale.
Des explosions ont fait au moins 26 morts, dont trois humanitaires et un journaliste, ainsi que plus de 50 blessés mercredi à l'aéroport d'Aden, capitale provisoire du Yémen, où venait d'arriver le nouveau gouvernement d'union, sans faire de victime parmi les ministres.
« Le gouvernement est déterminé à remplir ses devoirs et à oeuvrer pour restaurer la stabilité au Yémen. Cet acte terroriste ne l'en dissuadera pas », a déclaré à l'AFP le chef de la diplomatie, Ahmed ben Moubarak.
Malgré ces promesses, dans un pays mis à genoux par les conflits, les habitants d'Aden ne cachent pas leur colère. À l'instar de Nour, une jeune femme de 28 ans qui dénonce « la stupidité" du gouvernement en matière sécuritaire, responsable selon elle de cette "journée douloureuse et effrayante ».
« Nous étions optimistes avec l'arrivée du gouvernement, non pas car ce sont des hommes dévoués à la nation, mais parce que cela pouvait signifier le retour des services et la fin des crises », confie-t-elle à l'AFP.
« Mais ils ont annoncé leur arrivée à l'avance et dans un aéroport civil plein de monde. C'est ce qui a causé cette catastrophe », estime-t-elle. « La plupart d'entre nous se dit: si seulement ces missiles les avaient touchés eux et non des civils innocents. »
« Attaque la plus importante »
Le conflit au Yémen oppose le gouvernement reconnu par la communauté internationale aux rebelles Houthis, qui lui ont raflé une grande partie du nord du pays, dont la capitale historique Sanaa en 2014.
Les forces fidèles au pouvoir sont appuyées depuis 2015 par une coalition militaire dirigée par la puissante Arabie saoudite voisine, qui souhaite contrer les rebelles soutenus par son grand rival régional, l'Iran.
Le conflit a plongé le Yémen, pays le plus pauvre de la péninsule arabique, dans la pire crise humanitaire au monde selon l'ONU, avec des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et une population au bord de la famine.
« Les informations et enquêtes préliminaires confirment que la milice des Houthis a commis cet acte terroriste odieux, en lançant des missiles à partir des zones qu'elle contrôle », a assuré Ahmed ben Moubarak.
Des preuves et détails seront rendus publics à l'issue d'une enquête menée sous l'égide du ministère de l'Intérieur, a ajouté le chef de la diplomatie yéménite.
D'autres responsables ont refusé d'accuser directement les Houthis, préférant attendre les conclusions de l'enquête, le gouvernement ayant également été par le passé pris pour cible par les organisations jihadistes Al-Qaïda et Etat islamique.
Les Houthis n'ont jusqu'ici pas réagi.
Pour l'analyste yéménite Maged al-Madhaji, l'attaque de mercredi est tout simplement « la plus importante de la guerre au Yémen ».
« Elle aurait pu anéantir le gouvernement légitime dans sa totalité », explique à l'AFP le directeur du centre de réflexion Sana'a Center for Strategic Studies.
« Dernier espoir »
Le gouvernement d'union réunit différentes factions rivales au sein du camp anti-Houthis.
Les divergences entre les partisans du pouvoir central et les séparatistes du Sud avaient dégénéré en violences armées sur le terrain. Pour resserrer les rangs, Ryad a négocié un accord de partage du pouvoir dans le Sud et a chapeauté la formation du nouveau gouvernement afin de maintenir l'unité de la coalition face aux rebelles.
À Aden, Bassem al-Qadhi, qui a perdu son cousin dans l'attaque de mercredi, veut pourtant garder espoir.
« Nous sommes optimistes vis-à-vis du gouvernement d'union. C'est le dernier espoir pour sortir Aden de son état d'épuisement et de tristesse », dit à l'AFP ce jeune journaliste.
« Les gens veulent vivre. Ils n'en peuvent plus de la mort, des destructions et du terrorisme », ajoute-t-il.
L'attaque de mercredi a été condamnée à travers le monde, notamment par l'ONU et le Comité international de la Croix rouge (CICR), qui a perdu trois humanitaires dans les explosions.
« Une très triste fin d'une année difficile », a déploré dans un communiqué Katharina Ritz, cheffe de la délégation du CICR au Yémen, espérant de « meilleurs » lendemains pour ce pays aux abois.