L’excitation collective autour de la nomination de Gabriel Attal au poste de Premier ministre s’explique sans doute dans le jeune âge de l’intéressé, l’empathie manifeste qu’il est capable de susciter, surtout si on la compare avec la distance et la sécheresse assumée d’Élisabeth Borne. Mais le fait de placer une jeune personnalité à Matignon est loin d’être le seul élément de rupture: Stéphane Séjourné, novice en diplomatie, a été nommé au Quai D’Orsay. En outre, Rachida Dati, un poids lourd des Républicains, a été sollicitée. De fait, les défis qui attendent Gabriel Attal paraissent immenses et sa mission presque impossible.
Il faut dire que, à travers sa stratégie de relance de son second mandat, le président a réussi à étonner les médias et la galaxie politique, ce qui prouve sans doute la pertinence de ses choix ou, en tout cas, son sens de la communication. L’onde de choc est là. Un nouveau souffle a été suscité. Oui, sur le plan de la «com», le second mandat est réellement relancé, et de nouvelles perspectives se dessinent.
Sans doute sans le vouloir, Emmanuel Macron a réussi à morceler davantage la majorité présidentielle, à créer des oppositions sourdes au sein même de l’architecture gouvernementale.
- Mustapha Tossa
Mais, en politique, la communication est comme l’écho d’un bruit strident: fort au début, et de plus en plus faible avec le temps et la distance. Une fois les effets magiques de la nouveauté consommés, restent les réalités politiques. Et elles n’ont rien de prometteur pour Gabriel Attal. Sans doute sans le vouloir, Emmanuel Macron a réussi à morceler davantage la majorité présidentielle, à créer des oppositions sourdes au sein même de l’architecture gouvernementale. Ce qui était déjà difficile pour Élisabeth Borne devient presque impossible pour Gabriel Attal.
Sauf s’il se résigne à recourir comme un métronome au fameux article 49.3, le gouvernement de Gabriel Attal ne semble pas être aujourd’hui en mesure d’arracher la moindre majorité, que ce soit sur une confiance hypothétique ou sur un projet sociétal important. Avec Élisabeth Borne, le gouvernement pariait souvent, pour faire l’appoint et éviter des blocages insurmontables, sur les députés du groupe Les Républicains. Ces derniers, malgré leur opposition à Macron, avaient de bonnes dispositions à l’égard du gouvernement. Leur stratégie était de ne pas faire le jeu des extrêmes pour préserver l’exécutif.
Aujourd’hui, avec la «prise» – non négociée avec l’actuelle direction des Républicains – de quelques poids lourds de la droite comme Rachida Dati ou Catherine Vautrin, le parti Les Républicains n’est plus dans la même disposition d’esprit. Il pourrait adopter des postures plus clivantes et plus distantes à l’égard du gouvernement Attal. Son amertume se trouve en outre accentuée par la découverte suivante: on cherche à le faire disparaître et à cannibaliser ses ressources humaines au profit de la majorité présidentielle.
On retrouve presque la même déception au sein du Modem, emmené par François Bayrou. Soutien habituel d’Emmanuel Macron, le parti centriste, déçu par le choix de Gabriel Attal et par son casting gouvernemental, pourrait prendre quelques distances qui affaibliraient davantage le Premier ministre.
D’autres formes d’opposition peuvent doucher les enthousiasmes d’Emmanuel Macron et de Gabriel Attal et rendre leurs missions difficiles.
La première est interne: les ambitieux poids lourds n’ont aucun intérêt à ce que le jeune Gabriel Attal réussisse. Gérald Darmanin et Bruno Le Maire, ministres respectifs de l’intérieur et de l’Économie, lorgnaient depuis longtemps le poste de Premier ministre, pour lequel ils s’estimaient plus légitimes; le choix de Gabriel Attal s’est fait contre leur volonté. Et il est loin d’être certain qu’ils lui dérouleront le tapis rouge pour qu’il réussisse. De plus, il y a une forte probabilité qu’on vive une forme de cohabitation politique au sein de ce gouvernement, avec des arbitrages régulièrement exigés par Emmanuel Macron.
La seconde forme d’opposition est externe et concerne les alliés politiques de la majorité. Un homme comme l’ancien Premier ministre Édouard Phillipe, qui avait créé un nouveau parti politique, Horizons, pour se préparer à succéder à Emmanuel Macron en 2027, se sent directement menacé par la fulgurante ascension de Gabriel Attal. Si ce dernier réussit sa mission, il s’imposera comme la personnalité de la majorité présidentielle qui pourra croiser le fer avec l’extrême droite. Le même schéma s’applique pour le parti Les Républicains, qui voient leur disparition programmée en cas de succès de Gabriel Attal dans sa mission de Premier ministre.
Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.