2023, «année terrifiante» pour les droits humains à travers le monde, dénonce HRW

Tirana Hassan, directrice exécutive par intérim de Human Rights Watch (HRW), pose pour un portrait après un entretien avec l'AFP à New York le 9 janvier 2024. (AFP)
Tirana Hassan, directrice exécutive par intérim de Human Rights Watch (HRW), pose pour un portrait après un entretien avec l'AFP à New York le 9 janvier 2024. (AFP)
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Publié le Vendredi 12 janvier 2024

2023, «année terrifiante» pour les droits humains à travers le monde, dénonce HRW

  • HRW catalogue les «immenses souffrances» provoquées par la guerre Israël-Hamas, par celle entre les deux généraux rivaux au Soudan, ou par la poursuite des conflits en Ukraine, en Birmanie, en Ethiopie et au Sahel
  • Concernant Gaza, «l'un des crimes les plus importants commis est la punition collective» de tous les civils, «qui correspond à un crime de guerre», tout comme le fait d'«affamer» la population

NATIONS UNIES: De Gaza à l'Ukraine et au Soudan, 2023 a été une "année terrifiante" pour les droits humains qui se sont encore dégradés dans le monde, déplore Human Rights Watch dans son rapport annuel publié jeudi.

Dans ce document de plus de 700 pages passant en revue près de 100 pays, l'organisation catalogue les "immenses souffrances" provoquées par la guerre entre Israël et le Hamas, par celle entre les deux généraux rivaux au Soudan, ou par la poursuite des conflits en Ukraine, en Birmanie, en Ethiopie et au Sahel.

"En 2023, les civils ont été pris pour cibles, attaqués et tués à une échelle sans précédent dans l'histoire récente d'Israël et de la Palestine", note ainsi le rapport.

Il accuse de "crimes de guerre" à la fois le Hamas pour les attaques sans précédent du 7 octobre contre Israël, et les forces israéliennes pour les représailles contre la population de Gaza.

Concernant Gaza, "l'un des crimes les plus importants commis est la punition collective" de tous les civils, "qui correspond à un crime de guerre", tout comme le fait d'"affamer" la population, souligne dans un entretien à l'AFP la patronne de HRW Tirana Hassan.

Au delà de Gaza, "nous avons documenté des tendances alarmantes concernant les droits humains dans la région Moyen-Orient-Afrique-du-Nord, qui, si elles ne sont pas maitrisées, vont plonger la région dans plus d'instabilité, avec des ramifications internationales", a commenté Lama Fakih, responsable de l'ONU pour cette région qui "se vide de son sang".

Human Rights Watch dénonce également les "violations massives" des droits des civils au Soudan par les deux généraux rivaux Abdel Fattah al-Burhane et Mohamed Hamdane Daglo, fustigeant l'"impunité" qui a entraîné des "cycles de violence répétés" dans le pays depuis vingt ans.

Hors conflits armés, l'ONG note les impacts catastrophiques du changement climatique lors de cette année 2023 la plus chaude de l'Histoire, et identifie plusieurs tendances marquant l'"érosion des droits humains".

Ainsi, "cela a été une année terrifiante non seulement pour la répression des droits humains et les atrocités en temps de guerre, mais aussi pour la colère sélective des gouvernements et la diplomatie transactionnelle", insiste le rapport.

Droits humains: la patronne de HRW dénonce l'«hypocrisie» de nombreux Etats

Les droits humains ne sont ni "accessoires" ni contournables au gré des intérêts des Etats, s'insurge la patronne de Human Rights Watch dans un entretien à l'AFP, dénonçant l'"hypocrisie" de gouvernements qui ferment les yeux sur les violations quand ça les arrange.

"2023 a été une année incroyablement difficile pour les droits humains. Nous avons vu plusieurs tendances d'érosion des droits humains", explique Tirana Hassan.

"Nous avons vu, même dans les démocraties florissantes, de plus en plus d'attaques contre les institutions sur lesquelles nous nous appuyons (...) pour assurer les droits humains de tous", ajoute-t-elle, évoquant les "signaux d'alarme" de menaces contre les droits des migrants en Europe.

"L'Inde est un excellent exemple", estime-t-elle, déplorant, dans ce pays parfois qualifié de "plus grande démocratie du monde", "une répression importante des minorités religieuses" ou les actions du gouvernement contre ceux qui le critiquent.

L'année 2023 a également vu "une augmentation de la répression transnationale", explique-t-elle, accusant la Chine ou le Rwanda de s'en être pris à leurs opposants même en dehors de leurs frontières.

Résultat selon elle d'un encouragement tacite lié l'absence de critiques des gouvernements de la planète.

"Ce que nous avons vu en 2023, c'est des gouvernements fermant de plus en plus les yeux sur les violations, de la Thaïlande au Vietnam ou à la Tunisie, pour créer de nouvelles relations. C'est ce que nous appelons la diplomatie transactionnelle".

«Impact destructeur»

"Quand les Occidentaux ferment les yeux sur des violations des droits humains, au niveau national ou international, juste pour promouvoir leur propre intérêt, ce n'est rien de moins que de l'hypocrisie", dénonce-t-elle.

Et "cette sélectivité, ce deux poids-deux mesures ont été remarqués dans les pays du Sud et ont un impact destructeur sur les institutions internationales de protection des droits humains".

C'est même "utilisé comme arme par certains acteurs comme la Chine et la Russie" qui disent "+vous voyez, ces institutions ne sont pas pour nous, les droits humains ne s'appliquent pas à tout le monde+. Et ce n'est pas vrai", poursuit-elle.

Un des exemples frappant de cette "sélectivité" concerne selon elle le conflit entre Israël et le Hamas.

"Il y a eu des condamnations sévères des attaques du 7 octobre quand le Hamas et d'autres groupes islamistes ont attaqué des civils et des communautés en Israël. Mais les réactions des Etats-Unis, de l'UE et d'autres pays ont été beaucoup plus contenues pour condamner les bombardements par les autorités israéliennes et les morts de civils à Gaza", regrette-t-elle.

Alors "si nous devons tirer une leçon de 2023, c'est que les droits humains ne pourront survivre que s'il y a une application égale de leur autorité morale".

"Les droits humains ne sont pas accessoires", mais "des normes qui définissent fondamentalement notre humanité morale", plaide-t-elle encore.

Malgré les menaces qui pèsent sur le système international des droits humains et les violations massives des droits des populations civiles à Gaza ou en Ukraine, elle ne renonce pas.

"2024 est une année où nous ne devrons pas fuir devant les atrocités qui se produisent dans le monde et les défis qui se présentent".

"C'est l'année où nous attendons des organisations de défense des droits humains, des journalistes et surtout des gouvernements qui ont des obligations, qu'ils fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour garder le cap et protéger les droits humains".

«Hypocrisie»

Ces comportements envoient "le message que la dignité de certains mérite d'être protégée, mais pas celle de tous, que certaines vies valent plus que d'autres".

Une situation que la patronne de l'ONG résume d'un mot: "hypocrisie". Hypocrisie des Occidentaux "qui ferment les yeux sur des violations des droits humains, au niveau national ou international, juste pour promouvoir leur propre intérêt".

Le rapport critique notamment l'Union européenne dont "la priorité de politique extérieure avec ses voisins du Sud reste de contenir les départs de migrants vers l'Europe à tout prix, persévérant dans une approche ratée qui a mis en lumière l'érosion des engagements du bloc envers les droits humains".

Cible également de ce "deux poids, deux mesures", la différence entre la "condamnation rapide et justifiée" par de nombreux pays des attaques du Hamas du 7 octobre mais les réponses "beaucoup plus contenues" notamment des Etats-Unis et de l'UE face aux bombardements israéliens de Gaza.

Ou encore l'absence de condamnations de "l'intensification de la répression" en Chine, notamment au Xinjiang et au Tibet.

Dans ce contexte, Human Rights Watch décrit un système international des droits humains "menacé". Mais pas brisé.

"Nous avons aussi vu que les institutions peuvent se mobiliser pour résister et se battre", assure Tirana Hassan, évoquant notamment le mandat d'arrêt émis par la Cour pénale internationale contre le président russe Vladimir Poutine.

Et lors d'une conférence de presse au siège de l'ONU, elle a mis en avant le combat des femmes et des filles afghanes comme modèle de la nécessité de garder espoir.

"Alors que les talibans essaient d'effacer les femmes de la société afghane, nous avons vu des femmes et des filles descendre dans la rue", a-t-elle noté.

"Si ces femmes et ces filles sont prêtes à risquer d'être arrêtées par les talibans", personne "ne peut abandonner et lever les mains au ciel en disant +les droits humains ne sont pas importants+".


Selon une source ukrainienne , Zelensky ne serait pas prêt à signer un accord sur les minerais avec Washington

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo AFP )
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'est « pas prêt » à signer un accord avec les États-Unis qui leur offrirait un accès préférentiel aux minerais du pays, a affirmé samedi à l'AFP une source ukrainienne proche du dossier, alors que les deux pays sont en pleines tensions.

Donald Trump réclame depuis plusieurs semaines l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares, en guise de dédommagement, selon lui, du soutien américain à Kiev face à l'invasion russe, une condition qu'Ukraine ne peut accepter pour l'instant.

« Le président ukrainien n'est pas prêt à accepter le projet dans sa forme actuelle. Nous essayons toujours de faire des changements de manière constructive », a expliqué cette source ukrainienne qui a requis l'anonymat.

« Ils veulent nous soutirer 500 milliards de dollars », a-t-elle accusé.

« Quel genre de partenariat est-ce là ? (...) Et pourquoi devons-nous donner 500 milliards, il n'y a pas de réponse », a-t-elle encore dit, affirmant que Kiev avait « proposé des amendements. Ils ont été soumis ».

Depuis l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine le 12 février, Moscou et Washington ont exprimé leur volonté de repartir sur de nouvelles bases, et le président américain a complètement renversé la position de son pays concernant la guerre en Ukraine, en reprenant la rhétorique du Kremlin sur la responsabilité de Kiev.

Le 24 février 2022, l'Ukraine a été envahie par la Russie, le Kremlin affirmant agir pour protéger le pays contre la menace de l'OTAN et empêcher un élargissement de l'organisation.

Donald Trump souhaite négocier un accord avec l'Ukraine afin d'obtenir un accès à 50 % de ses minerais stratégiques, en guise de compensation pour l'aide militaire et économique déjà fournie à Kiev.

Le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump, Mike Waltz, s'est montré très pressant vendredi.

« Le président Zelensky va signer cet accord, et vous le verrez à très court terme, et c'est bon pour l'Ukraine », a-t-il insisté lors d'un rassemblement de conservateurs près de Washington.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rejeté avec vigueur la première proposition américaine d'accord, arguant qu'il ne pouvait « pas vendre » son pays.

Il a toutefois laissé la porte ouverte à des « investissements » américains en échange de telles garanties.

De son côté, Donald Trump affirme que les États-Unis ont dépensé 350 milliards de dollars pour s'engager dans une guerre qui ne pouvait pas être gagnée. Or, selon l'institut économique IfW Kiel, l'aide américaine globale à l'Ukraine, financière, humanitaire et militaire, a atteint 114,2 milliards d'euros (près de 120 milliards de dollars au cours actuel) entre début 2022 et fin 2024, dont 64 milliards d'euros en assistance militaire.

Le 1er février, M. Zelensky a assuré que l'Ukraine n'avait reçu à ce stade que 75 des 177 milliards de dollars d'aide votée par le Congrès américain.


Les États-Unis proposent à l'ONU une résolution pour « une fin rapide » du conflit en Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine.  (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) accueille l'envoyé américain Keith Kellogg dans ses bureaux à Kiev le 20 février 2025, dans le contexte de l'invasion russe de l'Ukraine. (Photo par Sergei SUPINSKY / AFP)
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  • Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
  • Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE.

NATIONS-UNIES : Les États-Unis ont proposé un projet de résolution à l'Assemblée générale de l'ONU qui ne mentionne pas le respect de l'intégrité territoriale du pays, après une nouvelle attaque du président américain Donald Trump contre son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Dans un communiqué, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio, a exhorté les pays membres de l'ONU à approuver cette nouvelle résolution « simple » et « historique », et « tous les États membres à la soutenir, afin de tracer un chemin vers la paix ».

« Cette résolution est une bonne idée », a rapidement commenté l'ambassadeur russe à l'ONU, Vassili Nebenzia, déplorant toutefois l'absence de référence « aux racines » du conflit.

Les Européens, désarçonnés par l'ouverture du dialogue américano-russe sur l'Ukraine, n'avaient pas réagi samedi matin à la proposition américaine.

« Nous n'avons pas de commentaire pour l'instant », a simplement indiqué l'ambassadeur français à l'ONU Nicolas de Rivière, alors que l'Assemblée générale doit se réunir lundi.

Le texte proposé par les États-Unis ne condamne pas l'agression russe ni ne fait référence explicite à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ce qui ressemble à une trahison de la part de Kiev et à un coup bas contre l'UE, mais aussi à un mépris pour les principes fondamentaux du droit international », a déclaré à l'AFP Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

L'Assemblée générale de l'ONU se réunit lundi pour marquer le troisième anniversaire de l'invasion russe de l'Ukraine.

À cette occasion, l'Ukraine et les Européens ont préparé un projet de résolution qui souligne la nécessité de « redoubler » d'efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre « cette année », et prend note des initiatives de plusieurs États membres ayant présenté « leur vision pour un accord de paix complet et durable ».

Le texte réitère également les précédentes demandes de l'Assemblée générale, appelant à un retrait immédiat et inconditionnel des troupes russes d'Ukraine ainsi qu'à la cessation des attaques de la Russie contre l'Ukraine.

Ces précédents votes avaient rassemblé plus de 140 voix sur les 193 États membres.

Les nouvelles salves de M. Trump contre M. Zelensky interviennent alors que la visite de l'émissaire du président américain, Keith Kellogg, semblait avoir apaisé la situation. Ces nouvelles attaques de M. Trump contre M. Zelensky font suite à des premières invectives virulentes plus tôt dans la semaine, qui avaient suscité une vive réaction de la part de Kiev et la stupéfaction de ses alliés européens.

M. Zelensky avait déclaré avoir eu des échanges « productifs » avec M. Kellogg, et ce dernier l'avait qualifié de « dirigeant courageux et assiégé d'une nation en guerre ».

Vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a réaffirmé que le président Vladimir Poutine était « ouvert » à des pourparlers de paix.

La Russie exige notamment que l'Ukraine lui cède quatre régions ukrainiennes, en plus de la Crimée qu'elle a annexée en 2014, et qu'elle n'adhère jamais à l'Otan. Des conditions jugées inacceptables par les autorités ukrainiennes qui demandent à leurs alliés des garanties de sécurité solides.

M. Trump et ses collaborateurs ont jugé « irréaliste » l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan et son ambition de reprendre ses territoires perdus à la Russie.

Sur le terrain, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes. L'armée russe a revendiqué vendredi la prise de deux localités dans l'est de l'Ukraine.


60 ans après, l'assassinat de Malcolm X continue de secouer l'Amérique

L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
L'avocat Ben Crump (à droite) et la fille de Malcolm X, Ilyasah Shabazz, s'adressent à la presse pour demander la déclassification des documents du pasteur musulman afro-américain et militant des droits de l'homme Malcolm X, à l'occasion du 60e anniversaire de son assassinat, à Harlem, dans l'État de New York, le 21 février 2025. La conférence de presse s'est tenue au Malcolm X and Dr Betty Shabazz Memorial and Educational Center, dans la salle de bal où Malcolm X a été assassiné le 21 février 1965. (Photo de CHARLY TRIBALLEAU / AFP)
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  • Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ».
  • « Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

NEW-YORK : Six décennies jour pour jour après sa mort, un hommage est rendu vendredi à la figure de proue du mouvement « Black Power », notamment pour son héritage en matière de « justice sociale ». C'est ce que rappelle le Shabazz Center, le mémorial et centre éducatif installé dans l'ancienne salle de bal de Harlem où il a été abattu à 39 ans, au faîte de son influence, et ce quelques mois seulement après l'abolition de la ségrégation raciale.

Qui a commandité le meurtre ? Comment le drame a-t-il pu survenir en pleine réunion publique, alors que les menaces pesant sur le militant, porte-voix de la « Nation of Islam » puis de l'abolition des discriminations, étaient connues des autorités ?

Pour obtenir des réponses, sa famille a engagé en novembre 2024 des poursuites au civil spectaculaires, réclamant 100 millions de dollars aux forces de l'ordre et aux agences fédérales qu'elle accuse, selon elle, d'avoir joué un rôle à divers degrés dans son assassinat.

Dans ce dossier qui doit entrer dans le vif du sujet début mars devant un tribunal de Manhattan, la famille assure disposer d'éléments nouveaux lui permettant d'assigner en justice la police de New York (NYPD), le FBI ou encore la CIA.

« Nous espérons que la vérité tant attendue éclatera, après 60 ans d'attente, et que ce qui s'est passé sera documenté », explique à l'AFP Ilyasah Shabazz, la fille de Malcolm X.

- « Qui a donné l'ordre ? » -

Selon l'assignation en justice, la famille du leader afro-américain, également connu sous le nom d'El-Hajj Malik El-Shabazz, estime que les forces de l'ordre et les services de renseignement américains ont sciemment désengagé les policiers dont la mission était de le protéger la nuit du drame.

Des agents en civil ne sont pas non plus intervenus au moment des faits et, depuis sa mort, les agences de renseignement s'emploieraient à dissimuler leurs agissements, selon la plainte.

Contactée par l'AFP, la police de New York n'a pas souhaité s'exprimer pour l'instant.

« Cette dissimulation a duré des décennies, privant la famille Shabazz de la vérité et de leur droit à obtenir justice », estime auprès de l'AFP Me Ben Crump, qui défend le dossier pour les filles de Malcolm X.

« Nous écrivons l'histoire en nous dressant ici face à ces torts et en demandant des comptes devant les tribunaux », se félicite le conseil, qui a demandé vendredi la « déclassification de documents » liés à ce dossier.

L'affaire avait déjà rebondi en 2021, lorsque deux des trois anciens hommes reconnus coupables de l'assassinat et ayant passé plus de vingt ans derrière les barreaux ont finalement été innocentés, ce qui constitue l'une des plus grandes erreurs judiciaires des États-Unis. En réparation, les deux Afro-Américains ont touché 36 millions de dollars de la part de la ville et de l'État de New York.

« On sait déjà assez précisément comment l'assassinat de Malcolm X s'est déroulé. On sait qui en est responsable : cinq membres de la Nation of Islam. La seule chose qu'on ignore, c'est qui a donné l'ordre », observe Abdur-Rahman Muhammad, historien et spécialiste reconnu du dossier, dont les travaux pendant des décennies ont contribué à disculper les deux accusés à tort.

Selon lui, les éléments mis en avant aujourd'hui par la famille de Malcolm X sont « peu crédibles ».

Il concède toutefois que « si la plainte permet de déterminer qui a donné l'ordre final, alors elle aura de la valeur ».

Cet énième rebondissement aura au moins permis de remettre en avant « l'héritage » de Malcolm X, plus important que jamais sous le second mandat de Donald Trump, « ennemi implacable » de la communauté noire, affirme l'historien.

« Cela va inciter les Afro-Américains à se serrer les coudes », anticipe Abdur-Rahman Muhammad. « En résumé, la communauté noire doit revenir au message de Malcolm : lutter. »