TUNIS: En plus d’autres défis, en 2024, l’État tunisien va être confronté, plus qu’au cours des dernières années, à un double défi: rembourser une grande partie de sa dette, qui avoisine au total les 40 milliards d’euros, et financer son budget.
Le pire des scénarios serait que les autorités ne parviennent pas à mobiliser les financements dont le pays a besoin en 2024. Cela réduirait encore plus sa capacité à importer les produits de base en quantité suffisante et entraînerait une aggravation des pénuries. Une situation que les Tunisiens pourraient ne plus accepter.
La dette, d’abord. Les remboursements programmés s’élèvent à 5,2 milliards d’euros, dont 1,7 milliard d’euros en janvier et février (d’après l’expert financier Ezzeddine Saïdane).
La Tunisie va devoir emprunter près de 8,3 milliards d’euros, dont 3,4 milliards d’euros proviendront d’emprunts obligataires – comme l’État a pris l’habitude d’en programmer régulièrement depuis trois ans – et de prêts auprès des banques locales; cette dernière option présente le double inconvénient d’accroître les risques pour ces établissements et d’aggraver les difficultés d’accès des entreprises aux financements.
En 2023, la Tunisie a pu respecter l’échéancier des remboursements grâce aux transferts des Tunisiens résidents à l’étranger (TRE) et aux recettes du tourisme et des exportations de phosphate. Pour qu’il en soit de même en 2024, il faudrait que ces trois secteurs fassent au moins aussi bien qu’en 2023.
À la fin du mois d’octobre de l’année écoulée, les transferts s’élevaient à 2 milliards d’euros. Les recettes du tourisme devraient elles aussi se situer à ce niveau. Cependant, l'incertitude réside dans les recettes du phosphate. En 2010, la Tunisie a engrangé 2,4 milliards de dollars (1 dollar = 0,92 euro) en exportant 8 millions de tonnes de phosphate. Or, au mois de novembre 2023, les exportations n’atteignaient que 2,3 millions de tonnes.
Le financement du budget, ensuite. La Tunisie sera en moins bonne posture pour relever ce deuxième défi, en raison de la décision du président, Kaïs Saïed, de se passer des bailleurs de fonds traditionnels de la Tunisie, notamment le Fonds monétaire international (FMI) et ses principaux membres, plus particulièrement les États-Unis et les pays de l’Union européenne.
Motif de cette rupture: le refus du chef de l’État tunisien de mettre en œuvre des réformes structurelles douloureuses – dont la révision du système de subvention des produits de base et la restructuration des entreprises – en échange d’un prêt de 1,9 milliard de dollars, de crainte qu’elles ne mettent en péril la paix sociale.
La Tunisie va devoir emprunter près de 8,3 milliards d’euros, dont 3,4 milliards d’euros proviendront d’emprunts obligataires – comme l’État a pris l’habitude d’en programmer régulièrement depuis trois ans – et de prêts auprès des banques locales. Cette dernière option présente le double inconvénient d’accroître les risques pour ces établissements et d’aggraver les difficultés d’accès des entreprises aux financements.
En raison du refus du président Saïed de solliciter les grands bailleurs de fonds internationaux, un analyste financier (qui demande à rester anonyme) se demande d’où vont provenir les 4,8 milliards d’euros à lever à l’étranger.
Les dirigeants ont cru pouvoir compter sur des pays comme la Chine et la Russie – que la Tunisie courtise depuis que ses relations avec les pays occidentaux se sont détériorées en raison de leurs critiques de la politique du président Saïed. Mais Li Wan, l’ambassadeur de Chine à Tunis, a déclaré, en mai 2023, qu’«il sera difficile pour la Tunisie de trouver une alternative au FMI et que le recours à cette institution mondiale est indispensable».
À moins que la Tunisie ne parvienne à un accord avec le FMI, son seul recours serait d’emprunter auprès de pays amis, comme l’Algérie. Une solution dont l’inconvénient est d’être parfois politiquement coûteuse.