Dans le Landerneau politique français, mi-désabusé, mi-excité, tout le monde se pose une seule question: que mijote Emmanuel Macron pour l’année à venir, alors qu’il a évoqué un grand rendez-vous avec les Français en janvier 2024? Quelle promesse d’accélération pourra-t-il faire pour donner un nouveau souffle à son second mandat, ou du moins une nouvelle physionomie aux trois années qui lui restent au pouvoir?
Les politologues de profession et les analystes du dimanche se triturent les méninges. Va-t-il annoncer l’organisation d’un référendum sur une thématique essentielle répondant aux préoccupations des Français? Va-t-il déclencher une dissolution du Parlement pour appeler à des élections anticipées à la recherche d’une majorité absolue perdue? Va-t-il promettre les assises d’un nouveau dialogue social entre les autorités et les Français, ce dont Emmanuel Macron a usé et abusé sans grand succès lors de son premier mandat?
Toutes ces pistes sont évoquées mais sans grande conviction. La piste du référendum, notamment sur l’immigration, demandée par l’opposition, a été envisagée un temps par l’Élysée avant d’être écartée par crainte de se transformer en référendum pour ou contre Macron. L’idée d’une dissolution du Parlement a été brandie dans un coup de sang par Emmanuel Macron dans l’hypothèse où les oppositions, de gauche comme de droite, se ligueraient contre son gouvernement pour le faire tomber au Parlement en votant une motion de censure. Enfin, les fameuses assises pour un dialogue national sont souvent présentées comme des moulins à vents destinés à enfumer les opinions et à camoufler les indécisions.
La grande surprise de janvier promise par Emmanuel Macron n’engloberait pas donc un de ces scénarios à forte teneur disruptive. Reste donc la piste évoquée à plusieurs reprises et jamais mise en œuvre: celle du changement de Premier ministre et la recherche d’une alternative à Elisabeth Borne. Ce scénario aurait coulé de source si le ministre de l’Intérieur avait réussi du premier coup à faire adopter sa loi sur l’immigration sans devoir faire d’importantes concessions à la Commission paritaire mixte. Gérald Darmanin aurait alors endossé les habits du seul ministre capable de trouver une coalition majoritaire, là où Elisabeth Borne a spectaculairement échoué, comme en témoignent les convulsions sur la réforme des retraites et les recours abusifs au fameux article 49.3.
Le nouveau Premier ou la nouvelle Première ministre devra avoir une qualité cardinale: être capable de forger des majorités parlementaires permettant à Emmanuel Macron de faire passer de manière naturelle ses projets de réformes
- Mustapha Tossa
Aujourd’hui, Darmanin a échoué dans cet exercice de démonstration d’autorité et se voit fermer les portes de Matignon. Emmanuel Macron ne pourra donc pas choisir un homme qui n’a pas fait mieux que l’actuelle locataire de Matignon, sauf à procéder à une greffe politique dont tous les indicateurs annoncent qu’elle ne prendrait pas.
Si la surprise de janvier était la recherche d’une nouvelle tête de l’exécutif, la tâche s’avérerait particulièrement ardue, l’oiseau étant rare et difficile à trouver. Le nouveau Premier ou la nouvelle Première ministre devra avoir une qualité cardinale: être capable de forger des majorités parlementaires permettant à Emmanuel Macron de faire passer de manière naturelle ses projets de réformes, sans être obligé à chaque fois de recourir aux dispositions d’exception offertes par la Constitution. Un outil certes efficace, mais politiquement mortel, tant Macron est accusé de tuer l’esprit démocratique des institutions de la VIe République en recourant abusivement au 49.3.
Le changement de Premier ministre, même s’il n’interviendra pas au cours du mois de janvier –incarnant cette surprise promise par Macron –, est une nécessité inscrite dans le temps pour le président de la République. Donner aux Français un nouveau Premier ministre, avec un nouveau gouvernement, est la seule piste susceptible de donner un nouveau souffle à son second mandat.
Le défi majeur pour Macron est de chasser cette terrible impression qu’en France, à trois années de la prochaine élection présidentielle s’est installée une atmosphère de fin de règne au sommet de l’État. Une situation qui verrait Emmanuel Macron et sa majorité relative au Parlement paralysés au point d’attendre la délivrance de 2027. Dans tous les cas de figure, Emmanuel Macron n’a pas le profil politique pour gérer une séquence politique aussi lourde qu’incapacitante.
Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.