Quand nous repensons à certains des événements tragiques de 2023 et à la manière dont ils auraient pu être évités, comment ne pas se souvenir d’une citation de feu le Premier ministre britannique Winston Churchill. En effet, il avait vu juste lorsqu’il avait déclaré : «On peut toujours compter sur les Américains pour faire ce qu’il faut — après avoir essayé toutes les autres options.»
La catastrophe en cours à Gaza en est un parfait exemple. Plutôt que d’écouter les conseils de ses amis et partenaires de longue date dans la région, l’administration américaine a opté pour un soutien biaisé et sans fond à Israël, que de nombreux politiciens et observateurs accusent de commettre un génocide. Le conflit sévit depuis près de trois mois et plus de 21 000 Palestiniens ont été tués, pour la plupart des civils, en particulier des femmes et des enfants. Par ailleurs, la majorité des otages israéliens n’ont pas été libérés et les dirigeants du Hamas sont toujours en liberté.
Il va sans dire que tout ce conflit aurait pu être évité si Washington avait simplement écouté les conseils répétés de l’Arabie saoudite. C’est ce qu’a souligné le premier communiqué du ministère des Affaires étrangères publié à la suite de l’attaque du 7 octobre. Il indique que cette explosion de violence est précisément ce que Riyad avait prédit comme conséquence de la poursuite de l’occupation illégale des terres palestiniennes et de l’intimidation du peuple palestinien, en particulier par l’actuel gouvernement israélien d’extrême droite.
De même, si une solution à deux États — une initiative menée par le Royaume depuis la conférence de paix de Madrid en 1991 — avait été trouvée, nous aurions peut-être pu éviter la crise actuelle. Les critiques diront que «si quelqu’un doit être tenu pour responsable, ce sont les Palestiniens», ajoutant des affirmations clichées, bien que quelque peu vraies : «ils (les Palestiniens) ne manquent jamais une occasion de manquer une occasion» et «comment Israël peut-il négocier avec les Palestiniens s’ils sont eux-mêmes divisés ?»
Certes, mais les Israéliens ne sont pas innocents non plus. La construction constante de colonies illégales et les violations du droit international à chaque fois que des négociations étaient en cours n’ont pas aidé. Sans parler du secret de Polichinelle de la politique de survie du Premier ministre Benjamin Netanyahou, qui consiste à torpiller toute tentative de négociation pour la création d’un État palestinien, tout en sapant constamment l’Autorité palestinienne légitime en Cisjordanie et en donnant du pouvoir au Hamas, une entité qu’il considère comme un groupe terroriste, à Gaza. Cela a pour but d’aggraver les dissensions internes entre Palestiniens et de soutenir toute tentative de souiller la juste cause palestinienne par une idéologie extrémiste.
Alors, où les Américains se sont-ils trompés ? Tout a commencé par l’abominable déclaration anticipée selon laquelle il n’y avait pas de lignes rouges pour Israël et par le veto opposé à une résolution de cessez-le-feu du Conseil de sécurité de l’ONU. Si l’on fait abstraction du nombre effroyable de civils tués à Gaza, de la crise humanitaire massive et de la grave dévastation causée par ces positions, l’administration américaine a maintenant contribué, voire absolument garanti que l’extrémisme et la haine se répandront pendant plusieurs générations, pas seulement à Gaza, mais dans le monde entier.
«Tout ce conflit aurait pu être évité si Washington avait simplement écouté les conseils répétés de l’Arabie saoudite.»
Faisal J. Abbas | Rédacteur en chef
Après tout, comment voulez-vous qu’un enfant qui a perdu un parent, ou les deux, un membre ou sa famille se sente lorsqu’il grandit ? Tout ce qu’ils savent, c’est qu’ils étaient en train de jouer lorsque la maison dans laquelle ils vivaient a été bombardée sans discernement.
Le Hamas ne devrait-il pas en assumer la responsabilité, demanderont les détracteurs, tout en ajoutant que s’il (le Hamas) n’avait pas fait ce qu’il a fait le 7 octobre, cette guerre n’aurait peut-être pas éclaté. Cela pourrait être un argument, mais l’enfant ne l’utilisera certainement pas. Après tout, l’enfant n’a pas vu le Hamas tuer ses parents. Il a vu un avion israélien larguer une bombe sur sa maison, sur un hôpital et sur l’école locale. On lui dira alors que si Israël n’avait pas occupé les terres palestiniennes, le Hamas n’aurait pas existé.
Ensuite, il y a ce que ma collègue Mina al-Oraibi a récemment décrit, dans une chronique en arabe publiée dans Asharq Al-Awsat, comme «la chute libre des idéaux occidentaux». Cette chute ne pouvait être plus évidente que lorsque le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a critiqué Israël parce qu’il ne déployait pas plus d’efforts pour éviter de prendre des civils pour cible, alors que le mois suivant, le département d’État lui-même a contourné le Congrès à deux reprises pour garantir de nouvelles ventes d’armes à Israël.
Puis, lorsque les Houthis (dont le slogan a toujours été «Mort à l’Amérique... Malédiction sur les Juifs») ont commencé à attaquer des navires en mer Rouge en représailles à ce qui se passe à Gaza, les États-Unis se sont soudainement réveillés face à cette menace, même si la coalition dirigée par l’Arabie saoudite au Yémen les avertissait depuis huit ans de l’existence de cette menace. Plus récemment, le ministre yéménite des Affaires étrangères, Ahmad Awad ben Moubarak, a déclaré à Badr al-Qahtani d’Asharq Al-Awsat : «Nous avons à plusieurs reprises mis en garde contre le danger de permettre à un groupe idéologique armé de saper la sécurité et la stabilité et de menacer la navigation internationale.»
Il est ironique que les mêmes législateurs qui ont retiré les Houthis des listes de terroristes, ont interdit la vente d’armes à l’Arabie saoudite et l’ont critiquée pour une guerre menée à la demande du gouvernement légitime du Yémen, soutenu par l’ONU, veuillent maintenant que le Royaume rejoigne sa coalition de la mer Rouge. Hélas, il est trop tard. Les espoirs du Royaume se portent désormais sur la trêve en cours au Yémen et sur la possibilité qu’elle se transforme en un accord de paix permanent dans un avenir proche.
Que va-t-il advenir ensuite ? Il est évident que l’on aurait souhaité que ce conseil soit pris au sérieux à un stade plus précoce, d’autant plus que, dès septembre dernier, des discussions sérieuses ont eu lieu au sujet d’un accord de normalisation israélo-saoudien qui aurait garanti les droits des Palestiniens à la création de leur État. Plus la guerre se prolonge et le nombre de morts s’accroît, plus il devient difficile de parvenir à une paix régionale (n’oublions pas que l’Arabie saoudite exerce également une influence sur les pays musulmans et sur la Ligue arabe). En effet, les exigences palestiniennes vont naturellement évoluer et le coût pour Israël va augmenter.
Dans l’immédiat, il est conseillé à l’administration Biden d’écouter Thomas Friedman, qui estime que les États-Unis devraient faire preuve de fermeté à l’égard d’Israël. La Maison Blanche devrait se rendre compte que la seule personne qui bénéficie de la prolongation de la guerre est Netanyahou. C’est un homme politique qui, selon moi, devrait être derrière les barreaux, que ce soit pour corruption ou pour les crimes contre l’humanité incontestables commis à Gaza.
Un cessez-le-feu doit être conclu, les otages doivent être libérés et un effort d’aide internationale pour reconstruire Gaza et soigner les blessés doit être mobilisé immédiatement. Après cela, il pourrait encore y avoir un espoir de poursuivre les pourparlers. Les Palestiniens doivent également coopérer et former un gouvernement unifié sous l’autorité légitime de la Cisjordanie.
Espérons que 2024 verra la fin des hostilités et la naissance — ou du moins l’embryon— d’un État palestinien.
Faisal J. Abbas est le rédacteur en chef d'Arab News.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com