DUBAI: Deux des plus grandes compagnies maritimes du monde, Maersk et Hapag-Lloyd, ont récemment suspendu le passage des porte-conteneurs par le détroit de Bab al-Mandab, en mer Rouge, à la suite d'une série d'attaques menées par la milice houthies du Yémen contre les navires commerciaux.
La perturbation de la route maritime, qui relie l'océan Indien à la mer Rouge, a interrompu les flux commerciaux et accru les tensions géopolitiques au Moyen-Orient. L'une des économies de la région particulièrement exposée est celle d'Israël.
«Il est certain qu'il y aura un impact économique. Ce n'est pas bon pour les économies de tous les pays riverains de la mer Rouge», a-t-il expliqué.
Et ce ne sont pas seulement les routes maritimes proches de chez nous qui sont touchées.
Ce mercredi, le gouvernement malaisien a annoncé qu'il interdisait à tous les navires appartenant à des Israéliens ou battant pavillon israélien, ainsi qu'à tous les navires à destination d'Israël, d'accoster dans ses ports, en réponse à la conduite d'Israël dans son conflit avec le Hamas.
Les attaques contre les navires de commerce en mer Rouge se sont multipliées depuis la mi-novembre en réponse aux bombardements israéliens sur Gaza, ce qui a incité certains navires à interrompre leurs opérations dans la région ou à se dérouter via la pointe sud de l'Afrique.
Outre Maersk et Hapag-Lloyd, la compagnie pétrolière BP et le groupe pétrolier Frontline ont également annoncé qu'ils éviteraient la route de la mer Rouge pour passer par le cap de Bonne-Espérance, en Afrique, un détour qui peut prendre dix jours de plus et ajouter quelque 3 500 milles nautiques au voyage.
Les prix du pétrole et du gaz ont grimpé et les primes d’assurance de transport ont presque doublé pour certains transporteurs à cause des perturbations.
La milice Houthi, qui fait partie du même axe de résistance que le groupe militant palestinien Hamas, a déclaré que les attaques contre la navigation commerciale étaient un acte de représailles pour «l'oppression du peuple palestinien».
Lors d'un incident très médiatisé survenu le 19 novembre, des hommes armés houthis se sont filmés en train de descendre en rappel d'un hélicoptère sur le pont du cargo Galaxy Leader, prenant ainsi le contrôle du navire et de ses 25 membres d'équipage internationaux.
Le navire britannique battant pavillon des Bahamas, exploité par une société japonaise mais ayant des liens avec un homme d'affaires israélien, se dirigeait de la Turquie vers l'Inde lorsqu'il a été saisi et dérouté vers le port d’Al-Hodeïda, au Yémen, où il est devenu une attraction touristique.
Les experts avertissent que ces attaques ont augmenté la possibilité que la guerre d'Israël contre le Hamas à Gaza, lancée en réponse à l'attaque du groupe militant palestinien contre le sud d'Israël le 7 octobre, s'étende à l'ensemble de la région.
Le 15 décembre, la compagnie maritime danoise Maersk a demandé à tous ses navires en mer Rouge d'interrompre leurs voyages dans le détroit de Bab al-Mandab après un «incident évité de justesse» impliquant le navire Maersk Gibraltar et «une nouvelle attaque contre un porte-conteneurs».
Les attaques de vendredi contre le Maersk Gibraltar et l'Al-Jasrah de Hapag-Lloyd se sont produites près du Bab al-Mandab, par lequel passent chaque année quelque 20 000 navires desservant les ports des États riverains, dont le port israélien d'Eilat.
Le navire Maersk Gibraltar a été la cible d'un missile alors qu'il se rendait de Salalah (Oman) à Djeddah (Arabie Saoudite). L'équipage et le navire ont été déclarés sains et saufs.
Le 19 décembre, le gouvernement américain a annoncé l'opération «Prosperity Guardian», une coalition maritime internationale incluant des pays occidentaux et arabes pour protéger la navigation en mer Rouge.
Lloyd Austin, le secrétaire américain à la défense, a tenu une réunion virtuelle avec les ministres de plus de 40 pays mardi, et a appelé davantage de pays à contribuer aux efforts visant à assurer la sécurité de la navigation dans la région.
«Actuellement, nous avons une force multinationale dirigée par les États-Unis. Il a donc été demandé aux Israéliens de ne pas régler la situation, mais de permettre à une force d'intervention internationale de s'en occuper afin de ne pas transformer la situation en une confrontation entre les Houthis et l'Iran avec les Israéliens», a indiqué Kahwaji.
«Le prétexte de cette nouvelle force est qu'il s'agit d'une attaque contre la navigation internationale, et donc d'une réponse globale. Aujourd'hui, nous avons une coalition de neuf pays qui va probablement s'élargir, et qui mènera des opérations pour protéger les voies maritimes et ripostera probablement aux attaques contre les navires», a-t-il précisé.
EN CHIFFRES
* 12% = Proportion du commerce mondial annuel qui passe par la mer Rouge.
* 1 000 milliards de dollars (1 dollar américain = 0,91 euro) = Valeur des marchandises commerciales transitant par la mer Rouge chaque année.
* 20 000 = Nombre de navires qui passent par le détroit de Bab al-Mandab chaque année.
* 3 500 milles nautiques = Distance supplémentaire autour du cap de Bonne-Espérance.
Dans certains cas, les miliciens houthis ont abordé ou tenté d'aborder des navires marchands, tandis que dans d'autres cas, ils ont ciblé des cargos avec des missiles et des drones. Bien que les dégâts soient minimes, la situation reste tendue.
Selon Reuters, plusieurs porte-conteneurs ancrés en mer Rouge ont désactivé leurs systèmes de repérage pendant qu'ils ajustent leur trajectoire.
De nombreux navires continuent d'emprunter la voie maritime, dont plusieurs ont des gardes armés à bord, selon l'agence de presse Reuters, citant des données du London Stock Exchange Group.
Bien que les attaques des Houthis et les perturbations du transport maritime commercial qui en découlent auront probablement un impact sur l'économie israélienne, les experts estiment qu'il est peu probable que le pays connaisse des pénuries ou une inflation importante des prix.
«Israël a des débouchés sur la mer Rouge et la Méditerranée», a déclaré Kahwaji, prédisant que les autorités israéliennes détourneront tous les navires vers le port de Haïfa, le plus grand des trois grands ports maritimes internationaux d'Israël.
«Oui, l'économie israélienne sera affectée, mais cela signifie-t-il qu'Israël ne pourra rien obtenir? Non», a-t-il ajouté.
En tant que l’une des voies maritimes les plus fréquentées au monde, la mer Rouge est située au sud du canal de Suez et constitue la plus importante voie navigable reliant l'Europe à l'Asie et à l'Afrique de l'Est.
Tout navire passant par le canal de Suez en direction ou en provenance de l'océan Indien doit passer par le détroit de Bab al-Mandab et la mer Rouge.
Le canal de Suez est la voie maritime la plus rapide entre l'Asie et l'Europe. Il est particulièrement important pour le transport du pétrole et du gaz naturel liquéfié.
Environ 12% du commerce mondial passe par la mer Rouge, dont 30% du trafic mondial de conteneurs et des marchandises d'une valeur de 1 000 milliards de dollars chaque année.
Des milliards de dollars de marchandises et de fournitures commerciales transitent chaque année par la mer Rouge. Cela signifie que les retards ou les perturbations peuvent avoir un impact sur les prix du pétrole, la disponibilité des produits électroniques et d'autres aspects du commerce mondial.
Le détroit de Bab al-Mandab est un point d'étranglement particulièrement vulnérable le long de la route maritime, ce qui en fait une cible pour la piraterie et le terrorisme. Situé à l'extrémité sud de la mer Rouge, entre Djibouti et le Yémen, le détroit mesure 18 milles nautique de large à son point le plus étroit.
Si l'opération navale menée par les États-Unis en mer Rouge ne parvient pas à dissuader les Houthis de lancer de nouvelles attaques contre la navigation commerciale, entraînant des perturbations prolongées, Israël pourrait se sentir contraint d'agir contre la milice yéménite, ce qui marquerait une escalade régionale potentiellement dangereuse.
En effet, étant donné que les États-Unis souhaitent éviter une implication directe dans un conflit potentiel ou une escalade impliquant l'Iran et ses nombreuses milices mandataires dans la région, peu de gens s'attendent à ce que la force navale conjointe fasse plus que des patrouilles.
«Tout dépend des règles d'engagement qui seront adoptées par cette nouvelle force navale conjointe», a précisé Kahwaji.
«Adopteront-ils des règles d'engagement restreintes qui les limitent à la protection des navires et à la défense contre les drones ou les missiles? Ou prendront-ils des mesures proactives, en menant des frappes préventives, en ripostant aux attaques en s'attaquant aux lanceurs de missiles, en ciblant les bases à partir desquelles les houthis lancent les drones?»
À l'heure actuelle, les attaques contre la navigation commerciale constituent une menace pour les économies régionales, dont beaucoup sont encore en train d'ajuster leurs chaînes d'approvisionnement après les perturbations causées par la pandémie de la Covid-19 et l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Si les attaques des Houthis en mer Rouge se poursuivent ou s'intensifient, entraînant des pertes parmi les équipages, le naufrage de navires ou des attaques contre des cibles militaires, le conflit a toutes les chances de s'étendre au-delà de Gaza et d'embraser la région.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com