L’attentat terroriste commis au pied de la tour Eiffel par un jeune français de parents iraniens va compliquer une situation politique et sociale déjà très tendue. Au-delà des questionnements proprement sécuritaires sur le suivi des radicalisés que pose cet attentat, cet événement va rajouter de la crainte à l’angoisse et de la méfiance à la tension au sein de la société française.
En effet, il règne en France une atmosphère politique étrange, avec une forme de course vers l’extrême, une compétition vers la radicalité du discours politique. Avec cette nouvelle réalité en ligne de mire: ce qui était impossible à imaginer il y a à peine quelques années devient une hypothèse fort plausible – la victoire politique de l’extrême droite et sa possible accession au pouvoir, qui viendrait confirmer une tendance mondiale, le triomphe du populisme et de la démagogie.
En France, Marine Le Pen, icône de l’extrême droite, donne cette inquiétante impression de réussir la mue de son mouvement. Elle a enterré le parti de son père, le Front national, ouvertement antisémite, raciste sans aucun complexe, avec la xénophobie comme fonds de commerce et comme arme de séduction. En créant le Rassemblement national, elle est parvenue à afficher une expression politique plus maîtrisée et ses obsessions identitaires sont apparues plus intériorisées. Preuve importante de la réussite de cette transformation: l’entrée massive de l’extrême droite au Parlement français, avec 89 députés.
Ce qui était jadis un discours de niche, minoritaire et presque inoffensif est en train de devenir celui qui structure le débat politique dans sa globalité et détermine les choix des uns et des autres.
- Mustapha Tossa
Cette nouvelle donne politique a donné naissance à une nouvelle réalité médiatique: l’apparition et le renforcement de groupes de communication français dont la mission première est de vendre une nouvelle image de cette extrême droite. Leurs choix éditoriaux sont centrés sur un seul point, vulgariser la normalité du discours et l’expurger de toute la charge angoissante qui empêche les Français de le trouver majoritairement convaincant.
Ce qui était jadis un discours de niche, minoritaire et presque inoffensif est en train de devenir celui qui structure le débat politique dans sa globalité et détermine les choix des uns et des autres. Au cœur de ce débat se trouve la question migratoire, du pain béni pour cette extrême droite, un sujet en or pour sa stratégie de conquête du pouvoir. L’immigration, associée à l’insécurité, à la dégradation du pouvoir d’achat des Français, forme un cocktail politique qui écrase tout sur son passage et montre l’extrême droite comme la championne de la défense des intérêts des Français.
C’est la raison pour laquelle les avocats du Rassemblement national jettent régulièrement l’huile sur le feu. Il s’agit d’entretenir les craintes et les angoisses. Deux événements majeurs ont été surexploités à cette fin. La guerre israélienne contre la bande de Gaza, perçue et présentée par l’extrême droite française comme une guerre contre l’islamisme et l’immigration. Avec, au passage, un bonus à saisir: soutenir Israël de manière aussi nette équivaut à se dédouaner à bon compte des accusations d’antisémitisme qui entachent l’héritage politique de ce parti.
Le second événement est la mort du jeune Thomas, dans le village de Crépol. Ce fait divers a été également surexploité afin de tenter de décrire une réalité dans laquelle l’immigration ou les Français d’origine immigrée sont devenus un danger pour la sécurité des Français de souche. Cet événement a fait sortir de l’ombre des groupuscules de l’ultradroite qui prêchent la violence contre les immigrés et trouvent dans la rhétorique du Rassemblement national une couverture et une justification.
L’ultradroite multiplie les provocations et les menaces. Elle profite d’un contexte électoral effervescent: on assiste à une course vers la radicalité avec l’immigration et l’insécurité pour colonne vertébrale du débat.
- Mustapha Tossa
La situation était tellement alarmante que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a été dans l’obligation de réagir. Il l’a fait en envisageant de dissoudre des structures de l’ultradroite. Il a été aussi le responsable politique qui a évoqué le risque de déclenchement de guerre civile en France entre des radicalisés qui s’affirment de plus en plus.
On le voit, la situation sociale et politique se tend dangereusement en France. Gérald Darmanin a prétendu que nous avions évité une guerre civile. Dans la bouche du premier responsable de la sécurité du pays, un tel constat fait l’effet d’un avertissement majeur. L’ultradroite multiplie les provocations et les menaces. Elle profite d’un contexte électoral effervescent: on assiste à une course vers la radicalité avec l’immigration et l’insécurité pour colonne vertébrale du débat. Les scénarios de l’escalade et les ingrédients d’une confrontation communautaire sont là, imposant au gouvernement d’Emmanuel Macron et d’Élisabeth Borne de prendre toutes les mesures pour empêcher sa déflagration.
Cette politique passe d’abord par la capacité du gouvernement à stopper la propagande de l’extrême droite en utilisant tous les moyens légaux pour la vider de sa substance et en prenant des mesures sécuritaires pour protéger les Français. La dissolution de ces groupes qui menacent la paix sociale est une première mesure indispensable. Il s’agira ensuite de mettre en avant le vivre-ensemble plutôt que de souffler sur les braises de la division.
Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.