PARIS: Le budget de la Sécurité sociale a été définitivement adopté lundi via le rejet d'une ultime motion de censure à l'Assemblée après un parcours jalonné de 49.3 face aux tirs croisés des oppositions, mais la gauche a immédiatement déposé un recours au Conseil constitutionnel.
Riposte à la vingtième utilisation par Elisabeth Borne de l'outil constitutionnel décrié, qui permet d'adopter des textes sans vote, la motion cosignée par tous les groupes de gauche n'a recueilli que 108 voix sur les 289 requises pour faire tomber le gouvernement.
"Vous savez que ces 49.3 s'imposent, mais vous faites semblant, vous jouez les indignés", a lancé la Première ministre dans un hémicycle quasiment désert, rejetant la faute des débats tronqués à des oppositions qui refusent selon elle le dialogue.
Elle a vanté "un texte de progrès social" avec "640 milliards d'euros pour notre Sécurité sociale".
Sans convaincre la gauche, qui avait mis entre parenthèses ses divisions pour dénoncer dans une motion unitaire un "passage en force" sur ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) .
"Vous avez agité le chiffon rouge du déficit public pour mieux justifier les coupes budgétaires", a accusé Ségolène Amiot (LFI).
Les quatre groupes de gauche ont déposé un recours commun au Conseil constitutionnel. Ils y jugent les prévisions budgétaires du gouvernement sciemment insincères.
Ils critiquent également une disposition destinée à suspendre les indemnités d'un assuré quand un médecin mandaté par l'employeur juge l'arrêt de travail injustifié. Un contrôle pourra "suspendre le versement des indemnités" ou les remettre en cause "rétroactivement", "sans examen médical", s'insurgent-ils.
Ils dénoncent également certaines restrictions d'arrêts de travail délivrés par téléconsultation (pas plus de trois jours sauf délivrance par le médecin traitant), qui rendrait "difficile voire impossible" leur "obtention par les patients" sans médecin traitant.
Ils attaquent enfin une disposition qui permettrait selon eux au gouvernement de toucher aux caisses de l'Unédic pour financer des politiques d'emploi, "par arrêté", sans concertation ni "plafond".
«Situation alarmante»
Opposés au PLFSS, les autres groupes d'opposition n'ont pas voté la motion de censure.
Pour le Rassemblement national, il ne répond pas aux "grands enjeux de santé publique dans les territoires". Mais le député Christophe Bentz a dénoncé le "systématisme (...) fatigant" des motions de gauche.
La droite exclut de son côté de censurer le gouvernement sur un texte budgétaire. Le député LR Yannick Neuder a toutefois alerté sur les "postes non pourvus dans les hôpitaux publics" ou la "situation alarmante de la santé mentale".
Le Sénat, dominé par la droite, avait adopté une version largement remaniée. Mais le gouvernement a rejeté l'essentiel de ses ajouts.
Le déficit de la Sécurité sociale, désormais estimé à 8,7 milliards d'euros pour 2023, atteindrait 10,5 milliards en 2024, selon les dernières estimations du gouvernement qui conteste toute "austérité".
Les comptes sont notamment plombés par les dépenses de l'assurance maladie. L'exécutif prévoit de contenir leur hausse à 3,2%, grâce à des mesures d'économies sur les dépenses en médicaments, des laboratoires d'analyse ou les arrêts de maladie.
Incertitude sur les franchises
Deux dossiers ont plané sur les débats parlementaires, sans figurer dans le texte.
Après avoir agité la menace d'une ponction dans les réserves du régime de retraite complémentaire de l'Agirc-Arrco, géré par les partenaires sociaux, le gouvernement a fini par reculer.
Sans renoncer à demander une participation de ce régime aux revalorisations des petites pensions, il a décidé de s'en remettre à des négociations entre patronat et syndicats.
L'éventuelle hausse des franchises médicales et des participations forfaitaires, envisagée par le gouvernement sans être formalisée dans ce budget, a également cristallisé les débats.
"La décision n'est pas prise", a assuré le ministre de la Santé Aurélien Rousseau.