Pour quelqu’un qui se vantait de représenter brillamment la France à l’international, d’incarner une personnalité active sur les grandes crises qui secouent la planète, être cloué au pilori en raison de son ambiguïté sur le Proche-Orient par la presse et par l’opposition en France doit être un insoutenable calvaire. C’est ce que vit actuellement le président français, Emmanuel Macron.
Alors que les questions de politique interne étaient si bloquées, si paralysées que le gouvernement n’a eu d’autre choix que de recourir au fameux article 49.3 de la Constitution, la politique internationale, son domaine réservé, était pour Macron une occasion précieuse de montrer l’immensité de son talent, la sincérité de son engagement, notamment quand il s’agissait de défendre des préoccupations écologiques ou de magnifier le principe de solidarité internationale.
Aujourd’hui, cette image de dynamisme volontaire est brouillée. Parce qu’il avait tenté de faire le grand écart entre une position de soutien total à Israël dans sa guerre contre le Hamas et son exigence d’un cessez-le-feu pour mettre fin aux massacres des civils palestiniens par l’armée israélienne, Emmanuel Macron est apparu comme zigzaguant au gré des humeurs quotidiennes.
De fait, il rencontre une certaine difficulté à convaincre de la cohérence de deux de ses positions jugées extrêmes par ses détracteurs. La première est celle d’avoir formulé lors de sa visite en Israël l’hallucinante idée de lancer une coalition militaire internationale contre Hamas sur le modèle de celle qui avait démantelé Daech. La seconde est d’être le premier chef d’un État occidental à avoir vertement critiqué la stratégie de l’armée israélienne à Gaza et le premier à exiger un cessez-le-feu, alors que ces pairs américains et européens évoquent à peine une trêve provisoire avec des couloirs humanitaires.
Brusquement, alors qu’elle avait l’habitude de lui tresser des lauriers avec des articles laudateurs sur son dynamisme à l’international, la presse française tire à boulets rouges sur Emmanuel Macron avec une étrange unanimité. Certains articles frisent la crucifixion d’un président présenté sans boussole, réduit à l’improvisation totale. Ce qui est l’ultime critique pour un homme qui se vantait non seulement de maîtriser ses dossiers internationaux, mais aussi d’avoir apporté un peu d’air frais dans un monde engoncé dans ses lourdeurs et ses impuissances.
Pour l’opposition de droite et d’extrême droite, ces faits démontrent la chute de la gouvernance Macron
Mustpha Tossa
Les critiques de la posture de Macron sur le Proche-Orient ne sont pas seulement venues de la presse: elles ont aussi débordé de la machine diplomatique française. Pour avoir entretenu une certaine ambiguïté, voire une forme d’incohérence sur cette crise, Emmanuel Macron est aujourd’hui l’objet de sourdes critiques. Démarche inédite, plusieurs ambassadeurs français accrédités dans des pays arabes ont rédigé à destination de leurs hiérarchies, le Quai d’Orsay et l’Élysée, une missive dans laquelle ils font part de leurs critiques sur le positionnement ouvertement pro-israélien des choix du président Macron.
Ces derniers constituent une rupture avec le traditionnel héritage de la politique française, faite de neutralité et de distance par rapport aux protagonistes de ce conflit. Ces ambassadeurs rappellent les conséquences néfastes de ces positions sur l’influence et la crédibilité de la France dans le monde arabe.
Sans aller jusqu’à constituer un mouvement de rébellion au sein du ministère des Affaires étrangères, cette démarche est inédite et elle reflète un profond malaise de ces ambassadeurs obligés de subir les conséquences politiques des choix pro-israéliens d’Emmanuel Macron.
Sur un sujet différent, mais directement relié à la guerre au Proche-Orient, Emmanuel Macron subit un tourbillon de critiques: on lui reproche de ne pas avoir participé à la marche pour la république et contre l’antisémitisme. Macron avait tenté de justifier cette absence par le fait qu’il ne participe jamais en tant que président de la république à des marches ou à des manifestations et que son engagement dans la lutte contre l’antisémitisme n’était pas à démontrer.
Toutefois, une information a contribué à rendre cette polémique plus vive encore: la réception à l’Élysée de l’humoriste franco-marocain Yassine Belattar, connu pour ses positions qui pourfendent l’extrême droite. Emmanuel Macron est accusé d’avoir été influencé par Yassine Belattar dans sa décision de ne pas participer à la marche. Pour l’opposition de droite et d’extrême droite, ces faits démontrent la chute de la gouvernance Macron, contraint de prendre des conseils sur des questions cruciales auprès de personnalités au pedigree douteux et problématique. L’Élysée a démenti ces accusations et a affirmé que la décision de Macron sur la marche était prise bien avant la visite de l’humoriste.
Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.