BOBIGNY: Le parquet de Bobigny a requis mardi jusqu'à deux ans de prison à l'encontre de Claude Khayat et Eric Robic, au cœur d'une vaste escroquerie à un million d'euros liée à une dette contractée après la mort accidentelle d'une Israélienne en 2011.
A l'encontre d'Eric Robic, le ministère public a requis 18 mois de prison aménageable et 50.000 euros d'amende, estimant qu'il a montré "des signes d'amendement au cours de l'audience".
"Le manager" de la fraude "a fourni des explications cohérentes", selon le procureur Antoine Haushalter.
Une peine de deux ans de prison ferme avec mandat d'arrêt et une amende 75.000 euros ont été requises contre Claude Khayat, considéré comme "le financier" de l'escroquerie et jugé en son absence.
En préambule de son interrogatoire, Eric Robic, 49 ans, a raconté "l'histoire de (s)a vie, celle "d'une caution de 200.000 euros à rembourser". Ce Français est poursuivi avec sept autres personnes pour une arnaque à un million d'euros d'il y a près de 10 ans.
Pour justifier cette escroquerie qui a fait une centaine de victimes en 2013-2014, le mis en cause est revenu longuement sur sa matinée du 16 septembre 2011 à Tel-Aviv.
Ce jour-là, "je commets un accident de la circulation et je suis pris de panique", raconte d'une voix rauque M. Robic, élégant pantalon gris et baskets blanches dernier cri.
Ivre dans son bolide lancé à toute vitesse, il fauche mortellement Lee Zeitouni, une professeure de yoga de 25 ans.
Avec son passager Claude Khayat, l'autre tête pensante de la fraude, ils fuient Israël et provoquent un imbroglio diplomatique puisque la France n'extrade pas ses ressortissants hors Union européenne.
Rattrapé par un procès à Paris, M. Robic séjourne quelques mois en prison avant d'être jugé.
Pour sortir de détention, une caution est fixée à 200.000 euros "que je peux pas payer", confie l'escroc, qui a aussi plusieurs créanciers israéliens à ses trousses pour ne pas avoir honoré un projet dans le domaine du prêt-à-porter.
C'est Claude Khayat qui va finalement emprunter 333.000 euros auprès d'un membre du clan Hornec, du nom de figures du grand banditisme.
«Faillite, dépression, divorce»
Craignant que les deux arnaqueurs repartent en prison pour d'autres affaires, le clan Hornec les presse de rembourser cette somme.
"Et là je rentre dans une spirale, je rentre dans toutes ces escroqueries", assume dans son intégralité Eric Robic auprès de la présidente du tribunal qui résume ses combines.
Lui et Claude Khayat réactivent des sociétés dormantes afin d'appuyer leur crédibilité auprès des banques.
A la tête de ces compagnies, ils vont placer des gérants de paille, souvent des proches comme une sœur ou un oncle. Des peines avec sursis et des amendes ont été demandées à leur encontre.
Ces prête-noms vont ouvrir des comptes bancaires grâce à des bilans comptables falsifiés et la complicité de "Manu le banquier".
L'ex-banquier à la HSBC obtient des cotations favorables aux sociétés fictives auprès de la Banque de France, précieux sésame pour faciliter l'obtention d'un crédit.
L'argent en poche, une flopée d'entreprises vont pouvoir acheter des voitures, changer les plaques, puis les revendre à des prix défiant toute concurrence à des garages peu scrupuleux.
L'escroquerie qui "marche" est dupliquée sur de faux sites internet destinés à des artisans repérés sur les pages jaunes.
Une des rares victimes à témoigner à la barre confie d'une voix à peine audible avoir engagé "la totalité" de sa trésorerie, près de 7.000 euros.
Cet artisan croule sous les dettes jusqu'à faire faillite. Dans "son cauchemar" s'ajoutent "une dépression" et "un divorce".
Le million d'euros récolté par les fraudeurs va "blanchir" entre la Pologne, la Chine et Israël et par le truchement d'un comptable, M.H. alias "Majax", en référence au célèbre magicien, pour qui le parquet a demandé une peine de 18 mois de prison avec sursis et 30.000 euros d'amende.
Le cash blanchi est récupéré en France auprès de grossistes chinois de Seine-Saint-Denis, a précisé M. Robic, père de quatre enfants et aujourd'hui chargé du personnel dans une entreprise informatique.
Condamné dix fois, M. Robic jure avoir "tout arrêté, le jour où on (l)'a arrêté".
En détention, il écrit même au juge d'instruction pour lui indiquer qu'"il a oublié une société" dans ses poursuites.
La décision sera mise en délibéré.