PARIS: L'ambassadeur français au Maroc qui fait un mea culpa public sur l'affaire des visas, une ambassadrice marocaine nommée en France: Paris et Rabat semblent vouloir mettre de côté leurs différends pour relancer leurs relations diplomatiques.
Ces deux dernières années ont été émaillées de tensions extrêmement fortes entre le Maroc et la France, ancienne puissance coloniale où vit une importante diaspora marocaine.
A l'origine des tensions: la politique de rapprochement avec l'Algérie voulue par le président français Emmanuel Macron, alors qu'Alger a rompu en 2021 ses relations diplomatiques avec Rabat.
"En septembre, après le tremblement de terre, on a assisté à l'apogée de la crise franco-marocaine puisqu'on est allé jusqu'à invectiver les chefs d'Etat", souligne Pierre Vermeren, historien et professeur à l'université de la Sorbonne à Paris.
Une polémique était née quand la France avait proposé son aide au Maroc, qui l'avait ignorée.
"Les relations étaient dans une impasse", estime Pierre Vermeren. Et la crise aurait pu monter "encore d'un cran", mais les deux pays sont revenus à la raison, dit-il.
Pour Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et la Méditerranée à Genève, le difficile rapprochement entre Paris et Alger explique en grande partie l'actuel apaisement avec Rabat.
Alger et Rabat
"La France ne peut pas se permettre d'avoir de mauvaises relations à la fois avec Alger et Rabat", résume-t-il. "Pour Paris, la valeur ajoutée de l'Algérie résidait dans la proximité de celle-ci avec les pays du Sahel et dans la coopération que pouvait offrir Alger".
Or, avec des forces françaises sur le départ dans cette région, une présence française remise en cause par l'Elysée même, il est plus aisé de faire des gestes en faveur du Maroc, l'allié traditionnel et historique de la France.
Aujourd'hui, "il y a clairement une mise en scène" de la volonté de retisser les liens avec Rabat, constate ainsi Hasni Abidi, en référence à l'entretien accordé par l'ambassadeur français Christophe Lecourtier à la télévision marocaine 2M.
"Quel gâchis de notre part", a déclaré le diplomate à propos de la décision prise en 2021 de restreindre la délivrance de visas aux Marocains.
La restriction a été levée il y a déjà près d'un an mais cette politique a "profondément abîmé et l'image et l'influence de la France", a-t-il reconnu. "On ne gère pas une relation aussi intime que celle entre la France et le Maroc avec des statistiques".
Les propos du diplomate ont été chaleureusement accueillis par la presse marocaine. Maroc Hebdo y a ainsi vu "un pas en plus vers la fin d'une période de tension diplomatique".
Hasni Abidi observe que des efforts sont aussi fournis du côté du Palais royal avec la nomination le 19 octobre d'une ambassadrice, ancienne journaliste, spécialiste des relations publiques, après neuf mois de vacances du poste à Paris.
Cette nomination marque la "volonté d'accélérer un peu les choses et d'ouvrir une nouvelle page", renchérit Zakaria Abouddahab, professeur de relations internationales à l'université Mohammed V de Rabat.
A Marrakech, lors des Assemblées générales du FMI et de la Banque mondiale, le chef de gouvernement marocain Aziz Akhannouch a reçu le ministre français de l'Economie Bruno Lemaire.
Pour Zakaria Abouddahab, les deux pays "ont tiré les leçons" d'une situation qui ne profitait "à personne". "Le couple Paris-Rabat est solide", dit-il.
"Plus les semaines passent, plus la guerre israélo-palestinienne fragilise la position marocaine", observe Pierre Vermeren, alors que le Maroc a normalisé ses relations avec Israël mais que "l'opinion commune de la rue est très sensible au sort des Palestiniens".