PARIS: Le Festival du film franco-arabe (FFFA), soutenu par la cinéaste et plasticienne Chloé Mazio et par son parrain d’honneur, Costa-Gavras, se tient du 17 au 28 novembre au cinéma Le Trianon de Romainville ainsi que dans les établissements culturels de la ville de Noisy-le-Sec. Il met cette année l’accent sur la vitalité de la création cinématographique libanaise d’hier et d’aujourd’hui.
«Le FFFA convie, comme chaque année, les cinéastes originaires des pays arabes et les réalisateurs français dont le parcours et les préoccupations sont liés pour une bonne part à ces régions du monde à échanger autour de leurs productions cinématographiques les plus récentes, loin des préjugés et des visions médiatiques stéréotypées», précisent les organisateurs.
Dans une interview accordée à Arab News en français, Mathilde Rouxel, directrice artistique du FFFA, souligne que cette programmation contient «des films de presque tous les pays de la région, du Maroc jusqu’au Yémen, qui couvrent plusieurs types de formes de cinéma». Du documentaire à la fiction, du court au long métrage, Mme Rouxel souhaite mettre en avant «le travail des réalisateurs, avec des premiers films qui méritent d’être vus et de circuler».
«Renouveau spectaculaire»
«Il y a un grand mouvement de cinéma qui se dessine dans cette programmation. On voit un renouveau spectaculaire de la fiction marocaine, incarné par des femmes comme Yasmine Benkiran et Leïla Kilani. La première d’entre elles présente Reines, un road-movie absolument remarquable. Ce film, réalisé avec beaucoup d’humour, de tendresse et d’humanité, raconte l’histoire de trois femmes qui partent dans le désert pour échapper au patriarcat. Leïla Kilani, quant à elle, propose Indivision, critique d’une bourgeoisie tangéroise qui vit dans un monde complètement détaché de la misère dans laquelle se retrouve le Maroc aujourd’hui. Cette nouvelle vitalité du cinéma marocain tranche complètement avec le misérabilisme dans lequel il a longtemps été cantonné. Aujourd’hui, il présente une ode à la liberté et une remise en question du système», nous confie Mathilde Rouxel.
Deux réalisatrices indissociables de l’histoire du cinéma du pays du Cèdre seront présentées lors de cette édition: Jocelyne Saab (1948-2019) et la cinéaste plasticienne Maï Masri.
La directrice artistique du FFFA précise que des documentaires et des films de fiction qui ont pour sujet la Palestine sont également à l’affiche. «L’actualité brûlante nous invite à nous poser des questions sur le sujet palestinien, qui date de soixante-quinze ans et, en réalité, se trouve interrogé par le cinéma depuis toujours. […] Toutes ces questions d’occupation, d’apartheid de la population palestinienne dans l’État israélien seront abordées dans les films que nous allons présenter», explique-t-elle en citant Cueilleurs de Jumana Manna et Bir’em de Camille Clavel. Au sujet de ce dernier, Mathilde Rouxel déclare: «Ce film est une très belle fiction sur une jeunesse qui se rend compte de ce que signifie une occupation israélienne de leurs territoires, alors que eux ont grandi en Israël, sur des terres palestiniennes. Ce sont des imaginaires qui s’ouvrent et qui permettent de réfléchir sur le monde et de discuter pour mieux comprendre les enjeux de la société.»
EN BREF
Inchallah un fils, un film du cinéaste jordanien Amjad al-Rasheed, présenté à la Semaine de la critique lors du dernier Festival de Cannes, sera projeté en avant-première en présence des parrain et marraine de cette édition ainsi que d’une délégation jordanienne et du producteur du film.
Le cinéma libanais à l’honneur
Deux réalisatrices indissociables de l’histoire du cinéma du pays du Cèdre seront présentées lors de cette édition: Jocelyne Saab (1948-2019) et la cinéaste plasticienne Maï Masri, avec la programmation de ses films Les Enfants de Chatila (1998) et Beyrouth, l’œil du cyclone (2022).
«Depuis 2019, le Liban a subi de nombreuses crises d’ordre politique, économique et social, des moments qui génèrent une grande créativité. Pour comprendre ce qui se passe et donner une voix à cette grande diversité de formes cinématographique, il me semblait important de mettre en perspective cette réalité de terrain», nous révèle Mathilde Rouxel. Cette dernière mentionne le travail de l’incontournable réalisatrice libanaise Jocelyne Saab, reporter de guerre pour la télévision française dans les années 1970. «Jocelyne Saab avait un regard d’une grande acuité. Elle a réalisé des films très engagés. Auprès des médias français, elle faisait entendre une autre voix que celle qu’on entendait en France, qui évoquait davantage l’est de Beyrouth et les milices chrétiennes. [Jocelyne Saab], elle, couvrait le sud du Liban envahi par Israël, la résidence des Palestiniens et de la gauche libanaise.»
Interrogée sur la rétrospective intégrale qui lui est consacrée, la directrice artistique du FFFA affirme qu’elle est composée de tous les films de la cinéaste et qu’elle se poursuivra après le festival dans une dizaine de lieux. Mathilde Rouxel évoque également le travail de la réalisatrice palestinienne Maï Masri, qui, elle aussi, a couvert la guerre. «Ce sont des femmes incroyables qui ont pris position pendant la guerre en se mobilisant pour couvrir des conflits et qui continuent à le faire jusqu’à aujourd’hui», conclut-elle.
Rappelons que la 12e édition du FFFA propose quinze longs métrages – dont huit inédits –, qu’il s’agisse de fictions ou de documentaires, six avant-premières, une sortie nationale et une compétition de courts métrages.