À qui profite la crise à Gaza?

Une chose est sûre: comme l'a déclaré Benjamin Netanyahou après les attaques du Hamas le 7 octobre, la riposte d'Israël «transformera le Moyen-Orient». Ce sont peut-être les seules paroles de sagesse que le Premier ministre israélien ait prononcées depuis le début de cette crise.

Le premier de ces changements pourrait concerner sa propre fonction. Les sondages montrent que la cote de popularité de Netanyahou est tombée à 27%, des manifestations ont lieu devant son domicile pour dénoncer ce que les Israéliens considèrent en grande majorité comme un manquement à la sécurité sous sa direction, et une série d'articles d'opinion dans les médias le tiennent personnellement responsable. Comme l'a dit le journal Haaretz: «Le désastre qui s'est abattu sur Israël [...] est clairement la responsabilité d'une seule personne: Benjamin Netanyahou.»

Deuxièmement, comme nous l'avions prédit dans cette colonne, les dirigeants du Hamas qui ont déclaré leur victoire le 7 octobre pensaient pouvoir négocier de meilleures conditions en prenant des otages. Au lieu de cela, ils ont placé le monde dans une situation où il doit uniquement négocier les limites de la réaction israélienne – une situation que le Hamas aurait dû prévoir, après de longues années d'expérience et cinq guerres depuis 2006, qu'elle ne serait jamais proportionnée.

Cela ne veut pas dire que la poursuite de l'occupation israélienne des terres palestiniennes et l'affaissement croissant des droits des Palestiniens ne sont pas à blâmer pour l'escalade à laquelle nous assistons aujourd'hui, mais plutôt que le gain stratégique que le Hamas a follement imaginé obtenir ne se concrétisera pas.

En d'autres termes, quelle que soit la manière dont cela se termine, les dirigeants actuels du Hamas et d'Israël sont finis – une fin appropriée pour un couple qui a été pendant si longtemps des partenaires improbables dans leur engagement inébranlable à anéantir toute perspective de paix.

En fait, Netanyahou – que l'on pourrait qualifier de Francis Underwood (personnage principal de la série américaine House of Cards) de la politique israélienne – a non seulement survécu jusqu'ici, mais est devenu le Premier ministre de son pays qui est resté le plus longtemps en fonction en déployant une tactique simple: éviter tout engagement sérieux dans la résolution de la question palestinienne et faire tout ce qui est en son pouvoir pour saper une solution à ce problème.

Il est allé jusqu'à donner du pouvoir à son ennemi juré, le Hamas, à Gaza, et à discréditer l'Autorité palestinienne en Cisjordanie, où le Hamas n'existe pas.

Mais ne me croyez pas sur parole. «Pendant des années, Netanyahou a soutenu le Hamas. Maintenant, cela nous explose à la figure», titrait le Times of Israel. Pire encore, en 2019, Netanyahou aurait déclaré: «Ceux qui veulent contrecarrer la création d'un État palestinien devraient soutenir le pouvoir du Hamas.»

«Pendant des années, Netanyahou a soutenu le Hamas. Maintenant, cela nous explose à la figure», titrait le Times of Israel.

Faisal Abbas

Cependant, même un survivant acharné comme Francis Underwood finit par manquer de chance: tout s'effondre comme un château de cartes lorsque vous contrariez 80% de vos électeurs, les membres de votre propre Cabinet et les 131 pays qui se sont opposés à Israël aux Nations unies le mois dernier, même lors d'un vote non contraignant – tout cela sans compter les accusations de corruption encore en suspens qui signifient que lorsque Netanyahou quittera ses fonctions, sa prochaine destination pourrait bien être une cellule de prison.

Pour le Hamas, en revanche, l'équation est différente. Même si Israël réussit sa mission impossible de tuer tous les combattants du groupe, dont le nombre est estimé à 40 000, ou de les expulser de Gaza avec leurs chefs (en ignorant totalement les conséquences juridiques, humanitaires et politiques), il n'aura «tué que les combattants, mais pas la cause», comme l'a déclaré la reine Rania de Jordanie à Becky Anderson lors de son interview sur CNN.

Peut-on donc déceler des vainqueurs à cette crise ? Mis à part les extrémistes qui trouvent dans les événements actuels une justification pour attaquer les mosquées et les synagogues, on peut espérer que l'intensité, le nombre élevé de victimes et la laideur de cette guerre – et ses ramifications déjà mondiales – forceront désormais la communauté internationale à accepter qu'il n'y a plus de solutions de fortune possibles. La seule façon de s'assurer que cela ne se reproduira pas est de parvenir enfin à une paix juste et équitable qui donne aux Palestiniens la terre, la liberté et l'espoir. Comme nous l'avons déjà souligné ici, il est temps de redoubler d'efforts en faveur de la paix, en commençant par mettre un terme à l'occupation illégale, ce qui n'est pas chose aisée étant donné que le seul pays ayant une véritable influence sur Israël a opposé son veto à ne serait-ce qu’un cessez-le-feu.

Même si Israël réussit sa mission impossible de tuer tous les combattants du groupe, dont le nombre est estimé à 40 000, ou de les expulser de Gaza avec leurs chefs, il n'aura «tué que les combattants, mais pas la cause», comme l'a déclaré la reine Rania de Jordanie lors de son interview sur CNN.

Faisal Abbas

De fait, comme si nous ne le savions pas déjà, lorsque le gouvernement américain actuel soutient sans vergogne une puissance occupante qui a tué plus de 10 000 Palestiniens à Gaza, dont de nombreux enfants, il n'est plus en position morale de prêcher aux autres qu'ils n'en font pas assez pour condamner l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

En fin de compte, personne ne l'a mieux exprimé que le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, lorsqu'il a déclaré: «Le cauchemar de Gaza est plus qu'une crise humanitaire. C'est une crise de l'humanité.»

Faisal J. Abbas est le rédacteur en chef d'Arab News.

X : @FaisalJAbbas

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com