ISTANBUL: Le président turc Recep Tayyip Erdogan a promis "succès et victoire" à la Turquie, "qu'aucune puissance impérialiste" ne pourra empêcher, à l'occasion du centenaire de la République turque célébré dimanche.
"Aucune puissance impérialiste ne pourra empêcher le bonheur, le succès et la victoire de la République turque", a affirmé le chef de l'Etat lors d'un discours prononcé depuis un palais ottoman surplombant le détroit du Bosphore, à Istanbul, à 19H23 locales (16H23 GMT), clin d'oeil à la date de la création de la république, en 1923.
Critiqué par ses opposants de tenter d'effacer l'héritage de Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur de la Turquie moderne, le président Erdogan a assuré chérir "chaque étape de notre glorieux passé".
Des feux d'artifices et des jeux de lumière réalisés avec des drones ont illuminé le Bosphore, après le discours du président turc.
Plus tôt dans la journée, une parade aéronavale à Istanbul a fourni à la république centenaire et à son armée, la deuxième de l’OTAN en effectifs et la huitième du monde, l'occasion de montrer ses muscles.
Après les passages répétés des F16 américains qui ont multiplié les figures et écrit des 100, comme 100 ans, dans le ciel, c'est le port-aéronef Anadolu, spécialement aménagé pour accueillir des drones, qui a ouvert la voie à la "plus grande parade navale" de l'histoire, remontant le détroit toutes sirènes dehors en direction de la Mer Noire, à la tête d'une flotte de cent bâtiments.
Feux d'artifices, parade navale sur le Bosphore, démonstrations de drones dans les cieux d'Istanbul, illuminations des lieux emblématiques, de la mosquée Sainte-Sophie au site antique grec d'Ephèse et aux concrétions de Cappadoce: le programme des célébrations du centenaire n'a été dévoilé qu'à une semaine des festivités.
Cette réticence à fêter un siècle de république laïque de la part du gouvernement et du parti islamo-conservateur au pouvoir n'empêche pas les Turcs de sortir les drapeaux turcs, frappés du croissant et de l'étoile, qu'ils claquent sur les voitures, dans les vitrines et aux façades des bâtiments publics et privés.
Le rouge le dispute aux portraits du fondateur de la république Mustafa Kemal Atatürk - "le père des Turcs".
Deux défilés militaires, devant l'Assemblée nationale dans la capitale et à Istanbul, seront suivis d'une parade navale sur le Bosphore. Le chef de l'Etat a prévu de prendre la parole à 19H23 - clin d'oeil à l'année de la fondation de la république, 1923 - avant les feux d'artifice et les drones.
A la veille de ce rendez-vous historique, Recep Tayyip Erdogan a choisi de rejoindre samedi le grand meeting organisé par son parti, l'AKP, "en soutien à la Palestine" sur l'ancien aéroport Atatürk d'Istanbul.
Une marée humaine agitant des drapeaux turcs et palestiniens, - un million et demi de personnes, a-t-il assuré - l'a écouté conspuer l'Occident, "principal coupable des massacres à Gaza", qu'il a soupçonné de vouloir créer une "atmosphère de croisade" contre les musulmans.
"Vous avez pleuré les enfants tués en Ukraine, pourquoi ce silence face aux enfants tués à Gaza?", a-t-il accusé qualifiant l'Etat d'Israël "d'envahisseur et d'occupant".
«Neutralité impossible»
"Israël, nous vous déclarons devant le monde entier criminel de guerre", a-t-il également martelé au 22e jour des bombardements sur la bande de Gaza en représailles aux massacres de 1 400 Israéliens, majoritairement civils, perpétrés par le Hamas le 7 octobre.
Une virulence qui contraste avec sa retenue des premiers jours, alors que la Turquie vient tout juste de renouer avec Israël, relève Bayram Balci, chercheur au CERI-Sciences Po à Paris.
"Sa neutralité devenait impossible en raison du positionnement traditionnel d'Ankara et de son parti, AKP, en faveur de la cause palestinienne", estime-t-il en rappelant la proximité du président avec les Frères musulmans -- dont le Hamas s'est réclamé à sa création, en 2007 - et les liens historiques de la Turquie avec Jérusalem, qui fut pendant quatre siècles sous la domination de l'Empire ottoman.
Le chef de l'Etat a également accusé Israël de "génocide" après la frappe sur un hôpital de Gaza le 17 octobre, qu'il avait aussitôt attribuée à l'armée de l'Etat hébreu - sans jamais revenir dessus malgré l'absence de preuves. Et il a refusé de qualifier de "terroristes" les islamistes du Hamas.
"Est-ce que (ce meeting) ne pouvait pas attendre la semaine prochaine? le Centenaire c'est une fois par siècle", s'insurgeait cette semaine Soli Özel, professeur de Relations Internationales à l'université Kadir Has d'Istanbul.
L'universitaire y voit une volonté manifeste du chef de l'Etat de ne pas rendre un hommage trop appuyé à Mustafa Kemal Atatürk, dont il attaque peu à peu l'héritage laïque.
La chaîne de télévision publique TRT a de son côté annoncé qu'en raison de la guerre à Gaza, elle annulait toutes les émissions de divertissement initialement prévues.