«Deux poids deux mesures». On ne saurait mieux qualifier l’approche américaine en matière de politique, de violence ou de paix au Moyen-Orient. En effet, les États-Unis ont décidé, depuis bien longtemps déjà, de soutenir Israël, quoi que l’État hébreu fasse ou exige. La relation des États-Unis avec Israël est basée sur l’hypocrisie et les exceptions – une hypocrisie en termes de violence et des exceptions qui seraient bénéfiques pour Israël plutôt que les autres.
Cette politique du deux poids deux mesures est particulièrement évidente dans l’attaque brutale et continue d’Israël contre les deux millions de civils coincés dans la bande de Gaza, d’où les militants du Hamas ont lancé le 7 octobre un assaut épouvantable contre des cibles israéliennes. Cette offensive a surpris le monde, en particulier Israël lui-même. Indépendamment des exagérations faites concernant l’attaque, de nombreux civils innocents et soldats israéliens qui n’étaient pas en service ont été tués, blessés ou kidnappés.
Étant donné que l’armée israélienne contrôle et censure étroitement la couverture médiatique de ses comportements envers les Palestiniens, il est difficile de savoir où s’arrête la vérité et où commencent les mensonges. Mais le «deux poids deux mesures» s’impose assez rapidement.
À titre d’exemple, les États-Unis adoptent cette approche à l’égard des informations découlant du conflit. Quels que soient les propos tenus par Israël dans ses campagnes de propagande médiatique, ils sont acceptés par les responsables américains qui ne se posent pas de questions et s’y tiennent même lorsque les preuves montrent finalement qu’il s’agit d’une exagération ou d’un pur mensonge. Cette approche de la violence est stupéfiante. L’attaque menée par le Hamas contre Israël le 7 octobre a coûté la vie à plus de mille civils et trois cents soldats israéliens. Les responsables américains se sont joints à Israël pour exprimer leur indignation face au «carnage», tout en considérant tous les morts comme des «victimes», y compris ceux qui sont dans l’armée israélienne.
Quels que soient les propos tenus par Israël dans ses campagnes de propagande médiatique, ils sont acceptés par les responsables américains.
Ray Hanania
Cette approche ressurgit lorsque les mêmes responsables américains écartent le bilan encore plus stupéfiant du bombardement israélien de la population de Gaza, qui a détruit des centaines de bâtiments résidentiels, d’hôpitaux, de mosquées et d’églises, en plus de tuer plus de six mille Palestiniens. Ce chiffre continuera d’augmenter tant que les États-Unis bloqueront les appels à un cessez-le-feu.
Le président, Joe Biden, et le secrétaire d’État, Antony Blinken, ont tous deux rejeté les appels à un cessez-le-feu qui mettrait fin au massacre de civils innocents – un reflet de la politique du deux poids deux mesures américaine, qui accorde de l’importance à la vie des Israéliens, mais pas à celle des Palestiniens. Pour masquer cette dualité, MM. Biden et Blinken ont tous deux exprimé la nécessité de mettre un terme aux meurtres de civils, sans mentionner que les seuls meurtres qui ont lieu actuellement sont ceux des Palestiniens ciblés sans discernement par Israël.
Un autre exemple de cette politique américaine est que l’administration Biden déploie des efforts considérables pour évacuer les Américains qui souhaitent quitter Israël. En réalité, le président Biden a accéléré l’entrée de Tel-Aviv au programme d’exemption de visa qui permettra aux Israéliens d’entrer aux États-Unis sans avoir besoin de visa, malgré les inquiétudes concernant l’engagement d’Israël à l’appliquer équitablement. Mais ce que l’administration Biden ne fait pas, c’est évacuer les Américains qui se trouvent à Gaza. Des centaines de citoyens américains sont rassemblés au poste-frontière de Rafah. Ils ne peuvent pas traverser la frontière et les États-Unis n’ont rien fait pour les aider.
L’expression «deux poids deux mesures» a également une incidence sur la loyauté envers la citoyenneté. De nombreux Israéliens ont la double nationalité, américaine et israélienne. Quelle que soit leur origine, tous les Israéliens de plus de 18 ans doivent servir dans l’armée israélienne. En revanche, il n’existe pas de service militaire obligatoire pour les citoyens américains. Ainsi, les Américano-Israéliens n’ont pas à défendre les États-Unis, mais seulement Israël. Lorsque les États-Unis se disent préoccupés par «les vies américaines en Israël», en particulier celles des otages, ils n’abordent pas cette question.
Les expressions déséquilibrées d’inquiétude du gouvernement américain reflètent une morale à deux vitesses à tous les niveaux.
Ray Hanania
En tant qu’Américain d’origine palestinienne ayant fièrement servi dans l’armée américaine pendant la guerre du Vietnam, j’estime que les Américains qui souhaitent servir dans l’armée devraient le faire dans les forces armées américaines et non dans celles d’un pays étranger.
Une question que ni Joe Biden ni Antony Blinken n’aborderont est de savoir si les otages américains détenus par le Hamas sont réellement des Américains ou s’il s’agit d’Israéliens jouissant de la double nationalité et qui servent dans l’armée israélienne, mais pas dans celle des États-Unis. Est-il juste donc de les qualifier d’«Américains?»
Enfin, les États-Unis adoptent une politique du «deux poids deux mesures» distincte à l’égard des Américains tués dans le conflit. Si vous êtes un Israélo-Américain, votre vie est sacrée. MM. Biden et Blinken ont exprimé à plusieurs reprises et avec force leurs inquiétudes pour ces Américains. Mais comment le gouvernement américain a-t-il réagi lorsque des Palestino-Américains ont été tués? Dans presque tous les cas, il a exprimé une faible inquiétude quant à leur sort tragique.
L’année dernière, deux Américains ont été tués par des soldats israéliens. En janvier 2022, Omar Assad, un citoyen palestino-américain de 78 ans, a été brutalement battu, cagoulé et maltraité lors d’un raid nocturne dans un village palestinien de Cisjordanie. Il n’était impliqué dans aucune activité terroriste. Embarrassé, le gouvernement israélien a déclaré qu’il enquêterait et punirait les soldats impliqués. Quelques mois plus tard, Israël a annoncé que les soldats feraient l'objet de mesures disciplinaires, mais qu'aucune charge ne serait retenue contre eux.
En mai 2022, un soldat israélien a abattu Shireen Abu Akleh, une citoyenne palestino-américaine qui travaillait comme journaliste couvrant une attaque israélienne contre la ville palestinienne de Jénine. Aucune justice n’a été rendue pour ce meurtre. Il n'y a même pas eu de mots durs sur la volonté de faire toute la lumière sur cette affaire. Les États-Unis se sont contentés d’accepter la version d’Israël selon laquelle la journaliste avait été abattue accidentellement.
En remontant plus loin, la militante américaine Rachel Corrie a été écrasée à mort par un bulldozer israélien en 2003, mais son assassinat n’a jamais fait l’objet d’une enquête de la part du gouvernement américain. En 2010, Furkan Dogan, un Américain d’origine turque âgé de 18 ans, a été tué par des soldats israéliens sur le Mavi Marmara lors du raid de la flottille à Gaza. Et, en 2016, Mahmoud Shaalan, Palestino-Américain de 16 ans, a été tué par les troupes israéliennes alors qu’il traversait un point de contrôle en Cisjordanie.
Les expressions déséquilibrées d’inquiétude du gouvernement américain reflètent une morale à deux vitesses à tous les niveaux – une morale plus élevée pour Israël et presque inexistante pour les Palestiniens.
Nombreux sont ceux qui reconnaissent que cette approche, dans le contexte du conflit israélo-palestinien, est en réalité synonyme d’hypocrisie.
Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur primé de la mairie de Chicago. Il peut être joint sur son site Web personnel à l’adresse suivante: www.Hanania.com.
X: @RayHanania
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com