PARIS : La polémique autour de Karim Benzema, ancien attaquant des Bleus et Ballon d'or 2022, se poursuivait vendredi, le ministre français de l'Intérieur se voyant reprocher d'avoir instrumentalisé le joueur en l'accusant d'islamisme pour ne pas avoir exprimé de compassion envers les victimes israéliennes du Hamas.
Dernier épisode en date entre l'ex-star du Real Madrid et le ministre, Gérald Darmanin a affirmé jeudi soir qu'il retirerait ses propos accusant Karim Benzema d'être "en lien notoire avec les Frères musulmans" s'il "tweetait" pour "pleurer également" l'assassinat du professeur de français d'Arras (nord) par un jeune radicalisé.
M. Darmanin a reproché à l'ancien international (97 sélections) de "tweeter de manière sélective".
Une référence au message dimanche du joueur franco-algérien adressant "toutes (ses) prières pour les habitants de Gaza victimes une fois de plus de ces bombardements injustes qui n'épargnent ni femmes, ni enfants", sans mention des victimes israéliennes du Hamas.
"Si M. Benzema veut montrer sa bonne foi, qu'il est capable (...) de montrer devant 20 millions de personnes qui le suivent (sur X, anciennement Twitter), qu'il pleure également la mort de ce professeur, je retirerai mes propos", a déclaré M. Darmanin.
La guerre déclenchée par l'attaque du Hamas a entraîné la mort de milliers de personnes, en majorité des civils côté israélien comme palestinien.
Ces propos ont stupéfait le Premier secrétaire du Parti socialiste (opposition) Olivier Faure. "Un ministre de l’Interieur peut accuser publiquement et sans preuves ? Se justifier ensuite sur la base hasardeuse de tweets postés ou non? On quitte l’Etat de droit pour entrer dans l’ère du soupçon", a-t-il réagi sur X.
«Contrôle de tweet au faciès»
"Le ministre de l'Intérieur, il n'a rien d'autre à faire que de lire les tweets de Benzema ?", a renchéri vendredi l'écologiste Sandrine Rousseau tandis qu'Alexis Corbière (La France Insoumise, gauche radicale) estimait que Gérald Darmanin avait inventé "le contrôle de tweet au faciès".
Pour étayer ses propos, le ministre de l'Intérieur s'appuie, selon son entourage, sur "une lente dérive des prises de position de Karim Benzema vers un islam dur, rigoriste, caractéristique de l'idéologie frériste", avec notamment "un prosélytisme sur les réseaux sociaux autour du culte musulman, comme le jeûne, la prière, le pèlerinage à La Mecque".
Le joueur de 35 ans s'est défendu via son avocat.
"Prier le 15 octobre pour des populations civiles sous les bombes qui n'épargnent ni les femmes ni les enfants ne constitue évidemment ni 'propagande pour le Hamas', ni 'complicité de terrorisme ni actes de collaboration'", a soutenu Me Hugues Vigier.
Karim Benzema "n'a jamais eu la moindre relation" avec les Frères musulmans, a insisté l'avocat qui compte déposer plainte contre M. Darmanin et les politiques de d'extrême droite et de droite qui se sont engouffrés dans la polémique comme Eric Zemmour ou Nadine Morano.
Considéré comme une légende en Espagne, "KB9" n'a jamais eu la même popularité en France pour de multiples controverses, dont son implication dans le chantage à la sex-tape de son coéquipier en sélection Mathieu Valbuena. Il est de longue date une cible de l'extrême droite mettant en doute le patriotisme de l'international, né à Lyon de parents algériens.
Tout en jugeant que "la mise en cause de Monsieur Benzema, qui ne vit même plus en France, est une diversion", la cheffe de file des députés du Rassemblement national (extrême droite), Marine Le Pen, lui a reproché à son tour vendredi d'avoir "manifestement une complaisance pour l'islamisme le plus radical".
Autre reproche fréquemment exprimé, le fait de ne pas chanter la Marseillaise, l'hymne national français, en sélection.
Le joueur s'était défendu en affirmant ne pas avoir d'obligation de le faire et avait reçu le soutien de Michel Platini soulignant que l'équipe de France des années 80 ne chantait pas l'hymne national sans qu'on leur ait jamais reproché.