PARIS: Le marathon budgétaire commence mardi dans l'hémicycle de l'Assemblée avec de rudes batailles en perspective sur le logement, le pouvoir d'achat et les "superprofits", qui devraient être écourtées, comme en 2022, par l'arme constitutionnelle du 49.3.
En l'absence de majorité absolue au Palais Bourbon, "il y aura un 49.3" pour faire adopter sans vote le projet de loi de finances (PLF) 2024, a convenu le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave, qui va défendre son premier budget.
Au total, le gouvernement devrait recourir une dizaine de fois à cet outil pour faire passer le budget de l’État (PLF) et celui de la Sécurité sociale (PLFSS) avant Noël, avec la possibilité de retenir ou d'écarter les amendements de son choix.
Les oppositions pourront répliquer par des motions de censure, aux chances de succès très minces tant que les LR ne s'y associent pas.
Mardi soir, les députés s'attaqueront à la première partie du PLF, consacrée aux recettes de l’État.
Ils ont eu un avant goût des batailles à venir lors de l'examen en commission des Finances, marqué par une série de revers pour les macronistes et un rejet du texte, qui pourraient inciter Élisabeth Borne à dégainer plus vite que prévu le 49.3.
"Cela sent plutôt le (déclenchement) tôt", estimait vendredi une source Renaissance au vu des déconvenues en commission.
Parmi les points sensibles du budget 2024, le logement figure en bonne place. Nombre d'élus, y compris dans le camp présidentiel, s'alarment d'une "bombe sociale", entre le coût des locations et les difficultés qui s'amoncellent pour accéder aux crédits immobiliers, tant les taux d'intérêt sont élevés.
Pour redynamiser le secteur, Thomas Cazenave a indiqué que certaines propositions des alliés du camp présidentiel, MoDem et Horizons, seront retenues, comme le passage de 71% à 50% de l'abattement sur les revenus des meublés touristiques (type Airbnb), alors que nombre de villes côtières se plaignent du peu de logements disponibles, en raison de l'explosion des locations de courte durée.
Insuffisant pour la gauche qui voudrait s'attaquer plus fortement à cette "niche fiscale Airbnb".
Le MoDem, certains Renaissance et les oppositions mettent aussi la pression pour empêcher le gouvernement de recentrer dans les "zones tendues" le dispositif du "prêt à taux zéro". "Cela va encore empêcher un certain nombre de personnes d’acquérir" un logement, estime la LR Véronique Louwagie.
Autre gros morceau, la gauche veut revenir à la charge sur la "justice fiscale", en appelant à taxer les "superprofits" des grandes entreprises.
«Tant qu'ils payent»
Les élus de gauche prennent volontiers appui sur les propositions du chef du groupe MoDem Jean-Paul Mattei, qui plaidait l'an dernier pour une taxation des "superdividendes" et demande cette année d'augmenter la fiscalité lors du rachat par les plus grandes entreprises de leurs propres actions.
"Le camarade Mattei dit superdividendes. On prend !", sourit l'insoumis Hadrien Clouet.
Mais le gouvernement est attaché à sa politique de "l'offre" pro entreprise, et avait écarté l'amendement sur les superdividendes l'an dernier, malgré son adoption dans l'hémicycle.
Il pourrait en revanche soutenir la proposition du rapporteur général du budget Jean-René Cazeneuve (Renaissance) de reconduire pour un an la contribution de solidarité sur les profits des énergéticiens.
Au PS, Christine Pirès Beaune reprendra son bras de fer sur la prise en charge des personnes en Ehpad, après un succès en commission. Elle demande de remplacer une réduction d'impôt par un crédit d’impôt, accessible aux plus modestes.
Mais les amendements "rompant l'équilibre" du budget ne seront pas acceptés, a déjà prévenu Thomas Cazenave, soucieux de présenter à la Commission européenne et aux agences de notation une "trajectoire sérieuse" de retour du déficit public sous 3% du PIB en 2027 (2,7%), avec une étape à 4,4% dès 2024.
Le gouvernement est sur une ligne de crête entre ses promesses d'économie, d'investissements dans la transition écologique, d'indemnité carburant et d'augmentation du nombre de fonctionnaires. Sa prévision de croissance, de 1,4% du PIB en 2024, est en outre jugée "élevée" par le Haut Conseil des Finances publiques.
Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a souhaité qu'un milliard d'euros d'économies supplémentaires soit inscrit au budget 2024 "à l'issue du travail parlementaire", au-delà des quelque 16 milliards prévus par le texte du gouvernement.