Immigration et punaises de lit: un lien scandaleux!

Alors que la France vit dans l’angoisse de voir ses foyers envahis par les punaises de lit, que sa réputation internationale court le risque d’en pâtir, surtout à la veille de l’organisation des mythiques Jeux olympiques, il s’est trouvé des voix médiatiques et politiques pour établir un lien direct entre la propagation de punaises de lit et la présence d’immigrés en France.

Ce lien a été tellement choquant et scandaleux que les médias et les réseaux sociaux en ont fait leurs choux gras, dévoilant au passage une dangereuse dérive raciste. Pour certains milieux de la droite et de l’extrême droite, toutes les misères de la France doivent avoir pour origine l’immigration. C’est là une solution facile et un argument de mobilisation et de séduction tout trouvé. Une manière, aussi, de rendre présentable une xénophobie rampante.

La première fois que le lien entre punaises de lit et immigration a été établi, c’était sur la plateau d’une chaîne de télévision, CNews, par la voix de l’un de ses journalistes vedettes, Pascal Praud. Il est vrai qu’il l’a formulé sous forme d’interrogation, mais l’intention de nuire et de salir était là, avec ses gros sabots racistes et des propos tout à fait insultants à l’égard des immigrés. La chaîne CNews n’en était pas à son coup d’essai. Depuis son apparition, cette chaîne a fait le choix éditorial de soutenir et de divulguer les idées de l’extrême droite, au point qu’elle est perçue par les Français comme la chaîne de Marine Le Pen. Avec ses débats, ses harangues, cette chaîne s’est donné pour mission de lustrer l’image des forces politiques de l’extrême droite, qu’elles soient incarnées par Marine Le Pen, Éric Zemmour ou Marion Maréchal.

Pour tenter de désamorcer cette vive polémique, Pascal Praud avait essayé de se cacher derrière la liberté d’expression qui lui garantit la liberté de se poser toutes les interrogations possibles et imaginables, mais personne n’a avalé un semblable argumentaire. Cette association de l’immigration et des punaises de lit épouse bel et bien la doctrine éditoriale de cette chaîne, qui milite ouvertement pour aider l’extrême droite à gagner le prochain scrutin et  à conquérir l’Élysée lors de l’élection présidentielle de 2027.

Dans les milieux politiques, le lien entre immigration et punaises de lit a été établi par le président du groupe parlementaire des républicains, Olivier Marleix, à qui le journaliste qui l’interviewait n’avait même pas posé la question, mais qui a tenu, à la surprise générale, à indiquer sa position en ces termes: «Il ne faut pas être tartuffe, il y a un sujet, bien sûr», entre les punaises et «la situation de camps de réfugiés de migrants».

Olivier Marleix a provoqué un énorme malaise au sein du parti Les Républicains. Ce parti a la particularité de prétendre être à la fois une alternative à l’extrême droite, ce qui expliquerait ce genre de pulsion politique, mais aussi une alternative à la Macronie, dont le chef ne pourra pas concourir pour un troisième mandat.

Sur le plan politique et de manière générale, si les groupes qui utilisent cette parole raciste pour assouvir leurs ambitions électorales et tenter d’élargir le socle de leurs adhérents dans la perspective des différents scrutins ont réussi leur coup, c’est parce que les autres forces politiques ont abandonné la lutte antiraciste. La droite traditionnelle est saisie d’effroi de devoir se démarquer de l’idéologie de l’extrême droite; elle redoute de se voir ostracisée par son électorat naturel. Quant à la gauche, radicale ou classique, depuis qu’elle s’est volontairement coupée des classes populaire et ouvrière, elle n’est plus audible sur les questions de société comme le racisme ou les discriminations.

Face à cette dangereuse libération de la parole raciste, Emmanuel Macron et son gouvernement observent un silence assourdissant. Il est vrai que la solution pour eux est sans doute de privilégier les réponses judiciaires, tant au niveau des tribunaux, qui doivent traiter les violations confirmées de règles, qu’au niveau des structures de l’État, qui exercent une forme de contrôle sur les médias publics et privés en leur indiquant les lignes rouges à ne pas dépasser.

Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine. X: @tossamus

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.