Le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, a clarifié quatre choses au sujet de la question israélo-palestinienne lors de sa récente interview sur Fox News:
Premièrement: oui, il est vrai que des pourparlers sont en cours en vue de parvenir à une solution potentielle qui améliorerait la vie des Palestiniens.
Deuxièmement: Riyad se rapproche de la normalisation avec Israël.
Troisièmement: l’administration Biden est à la tête de l’initiative.
Quatrièmement: non, il n’est pas vrai que les négociations israélo-saoudiennes ont été suspendues.
Cette clarification est intervenue après des mois de spéculation, de nombreux analystes de politique internationale étant apparemment déconcertés par les demandes légitimes et de longue date de l’Arabie saoudite concernant la conclusion d’un pacte de sécurité écrit avec les États-Unis, l’aide au développement de son programme nucléaire pacifique et la levée des restrictions antérieures sur les ventes d’armes au Royaume, aux dépens d’une solution acceptée par les dirigeants palestiniens. Ce qui a échappé à de nombreux experts, c’est que ces demandes de Washington sont le résultat naturel d’un accord de normalisation entre l’Arabie saoudite et Israël. Aucune de ces demandes n’aurait été possible sans cet accord, car il serait pratiquement impossible pour une administration américaine d’approuver de tels arrangements pour un pays qui n’a pas conclu d’accord avec Israël.
Il va sans dire que les pays ont le droit de se concentrer sur leurs propres intérêts et de les poursuivre. Dans le cas présent, nous observons une puissance régionale qui insiste pour inclure la cause palestinienne alors que personne ne l'y contraint. D’autres pays de la région n’ont pas hésité à conclure des accords de normalisation similaires en échange de la reconnaissance d’un territoire contesté, comme dans le cas du Maroc et de la reconnaissance du Sahara occidental à l’époque de Donald Trump, ou même le cas plus extrême du Liban, dominé par le Hezbollah, qui a tout de même réussi à signer un accord de frontière maritime avec Israël (bien qu’il ne le reconnaisse pas officiellement) en échange de droits sur des réserves de gaz offshore.
Toutefois, aucun des pays arabes ayant signé des accords avec Israël n’a le poids, l’importance et l’influence de l’Arabie saoudite. Les questions inévitables que les cyniques ne tarderont pas à soulever sont donc les suivantes: Qu’en est-il de la cause palestinienne? Cela signifie-t-il que l’Arabie saoudite a renoncé à ce principe essentiel? Personne n’a mieux répondu que le prince héritier lui-même: «Pour nous, la question palestinienne est très importante. Nous devons la résoudre (...). Nous espérons parvenir à une situation qui facilitera la vie des Palestiniens.» Cependant, les sceptiques et les bellicistes feront toujours tout ce qu’il faut pour brouiller les pistes. À mon avis, il ne faut pas y prêter attention car les actes vaudront toujours mieux que les mots.
«L’une des définitions de la folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent.»
Faisal J. Abbas | Rédacteur en chef
N’oublions pas que l'Arabie saoudite est à l'origine de l'Initiative de paix arabe présentée en 2002. Les déclarations du prince héritier sont en ligne avec les efforts déployés depuis cette époque pour favoriser la paix. En fin de compte, comme tout autre pays, l'Arabie saoudite ne peut ni négocier ni prendre des décisions au nom des Palestiniens ou des Israéliens. Ce sont eux seuls qui doivent convenir de la paix et de ses conditions.
Ce que l’Arabie saoudite peut faire — et elle le fait depuis deux ans, d’après ce que j’ai compris — c’est travailler sur une initiative visant à rendre la paix plus attrayante que la guerre pour les deux parties. En réalité, toute une équipe du ministère saoudien des Affaires étrangères travaille avec des parties sérieuses et intéressées, telles que l’UE et la Ligue arabe, afin de concevoir une version 2.0 de l’Initiative de paix arabe. À quoi ressemblerait la région si la paix était réalisable et comment pourrions-nous mettre en commun les ressources pour nous assurer que les deux parties en comprennent la valeur?
Je crois savoir que tous les détails imaginables ont été examinés, y compris la manière de stimuler l’économie palestinienne par le biais d’exportations vers Israël et d’autres voisins. En effet, on pourrait dire qu’il s’agit là d’une leçon tirée du plan de Jared Kushner. Oui, on pourrait dire que Kushner a fini par donner plus à Israël qu’à la Palestine et que son équipe aurait pu faire un meilleur travail en n’aliénant pas l’Autorité palestinienne (qui aurait tout de même pu se donner la peine de se manifester). Cela a cependant permis, pour la première fois, d’avoir une idée de la façon de soutenir l’économie et de donner une chance aux Palestiniens.
En prenant des mesures telles que la nomination de l'ambassadeur saoudien en Jordanie, Nayef ben Bandar al-Sudairi, en tant que consul général saoudien à Jérusalem, en condamnant constamment toute intimidation des fidèles à Al-Aqsa, et en continuant à encourager les deux parties (notamment en permettant à certains ministres israéliens de participer à des sommets internationaux dans le Royaume), l'Arabie saoudite fait tout son possible pour contribuer à la mise en place d'un cadre de paix réel et vérifiable. C'est probablement le maximum qu'elle puisse accomplir dans cette perspective.
Peut-il y avoir un miracle dans les semaines ou les mois à venir? Si l’on peut tirer une leçon de la Vision 2030 de l’Arabie saoudite et de ce qu’elle a accompli au cours des six dernières années, c’est qu’il ne faut jamais dire jamais.
Serait-il possible de faire la paix avec le gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël? La meilleure réponse à cette question a été donnée par le rabbin Marc Schneier lors de son entretien avec Arab News dans l’émission Frankly Speaking cette semaine: «Souvent, lorsqu'il s'agit de ces négociations, lorsqu'il s'agit de concessions, vous avez besoin des personnes les plus à droite pour donner de la crédibilité, de la légitimité et de l'authenticité à ce qui serait une paix véritable et réelle.»
Après tout, le traité de paix de 1979 entre l’Égypte et Israël a été convenu et signé par le Premier ministre israélien de l’époque, Menachem Begin, un sioniste convaincu et un ancien chef de la milice brutale de l’Irgoun qui a commis des atrocités dans les années précédant la fondation d’Israël. Ce traité est toujours en vigueur. Begin a même partagé le prix Nobel de la paix avec l’Égyptien Anouar el-Sadate. Qui aurait pu imaginer que les chefs républicains irlandais Gerry Adams et Martin McGuinness, longtemps honnis à Londres en raison de leurs liens avec le terrorisme, joueraient finalement un rôle clé dans l’instauration de la paix en Irlande du Nord grâce à l’accord du Vendredi saint de 1998?
Mais que se passera-t-il si le Hamas décide une fois de plus de saboter un accord? Dans ce cas, tout ce que nous pouvons dire, c’est que l’une des définitions de la folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent. Les événements des soixante-dix dernières années laissent entendre que la cause palestinienne a perdu du terrain, au lieu d’en gagner.
Faisal J. Abbas est le rédacteur en chef d'Arab News.
X : @FaisalJAbbas
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com