PARIS: Quête de la qualité et de l'intemporel pour les uns, approche commerciale ou manque d'imagination pour les autres: avec les couleurs ternes et les coupes discrètes, la femme rentre dans le rang dans les collections printemps-été présentées à Paris.
Fini le confort pour rester chez soi pendant la pandémie mais aussi l'exubérance festive post-Covid. Contrairement à l'homme, qui a le droit à l'audace sur les podiums, la femme est sage.
Dans l'abondance des vestes, la collection Dior est presque tout en noir et blanc avec quelques incursions d'écru. "Tout est fonctionnel" et les tissus sont choisis pour en faire des pièces "intemporelles" et qui peuvent se porter "en toute saison", explique la directrice artistique Maria Grazia Chiuri à l'AFP.
Anthony Vaccarello, lui, est revenu aux fondamentaux et a construit une collection en couleurs terreuses autour de la saharienne imaginée par Yves Saint Laurent en 1967.
"Où sont vos couleurs? Où sont vos idées?", interroge la célèbre critique de mode américaine Cathy Horyn dans The Cut, en dénonçant la "pauvreté d'imagination" et en appelant les stylistes à "arrêter de piocher dans les archives".
Les tailleurs jupes aux couleurs sombres et robes noires chez Givenchy amènent "une ambiance légèrement funèbre", écrit pour sa part Godfrey Deeny dans Fashion Network.
Minimalisme exigeant
Gris, blanc cassé, olive: la palette choisie par Victoria Beckham évoque "les anciens tissus de vieilles maisons de la campagne britannique" pour sa collection inspirée du monde de la danse classique.
Même Dries Van Noten, maître dans l'art d'associer des imprimés de façon improbable, est inhabituellement sobre: les tailleurs sont beige ou bleu marine. "Je n'ai pas voulu que les couleurs prennent le dessus sur les formes", précise-t-il à l'AFP.
Marie-Christine Statz, fondatrice de la marque Gauchere, choisit volontairement le minimalisme pour sa collection en beige et noir afin de "mettre l'accent sur la qualité de la coupe".
"Le côté 'tailoring' (les coupes, NLDR) est extrêmement fort, il y a une tentative de retour au minimalisme", souligne Pascaline Wilhelm, consultante mode et textile interrogée par l'AFP.
Cela signifie "exigence" car, le minimalisme, "ce sont de très belles matières, une maîtrise du tissu, une maîtrise de la confection et des lignes".
Les silhouettes construites et longilignes, juchées sur des talons, avec moins de "surgonflé" et de grosses chaussures, mais aussi "moins sexy et provocantes" traduisent un "besoin d'élégance", estime Pascaline Wilhelm.
Après la Covid, les gens sont retournés au travail et "les maisons réfléchissent à ça. On a vécu - je vais caricaturer un peu - en jogging et cette période est terminée définitivement", analyse pour sa part Pierre Groppo, rédacteur en chef mode et lifestyle de Vanity Fair, interrogé par l'AFP.
«Quiet luxury»
"On n'est pas dans le fluo ni dans le flashy. Les clientes qui dépensent une somme conséquente sur ces pièces veulent pouvoir la reporter d'une saison à l'autre" et les "noir, beige, greige ou blanc cassé passent mieux que les couleurs plus appuyées", ajoute-t-il.
Pourquoi la mode masculine est-elle beaucoup plus colorée ? Les experts parlent d'un "rééquilibrage": moins avancée que la mode féminine, elle est "en pleine créativité".
"Pour une femme, il n'y a plus besoin d'être une pin-up ou une romantique niaiseuse", ajoute Pascaline Wilhelm.
Paloma Lana, fondatrice et designer de Paloma Wool, marque espagnole qui débute à la Fashion Week, dit bien s'y retrouver.
"Dans le passé, j'utilisais beaucoup de couleurs et d'imprimés mais, depuis quelques années, je recherche la sobriété. Il est important de ne pas se sentir habillé quand on est habillé", explique-t-elle à l'AFP.
Les célébrités comme Gwyneth Paltrow succombent au "quiet luxury" (luxe discret), cette tendance consistant à porter des vêtements sobres, ultra-chers et dont la marque n'est pas identifiable, qui semble être dans l'esprit de cette Fashion week.
Pierre Hardy, designer des chaussures pour Hermès, présente ainsi un modèle de sandales plates d'après les patronages des années 20: "la créativité, ce n'est pas seulement une question de forme mais aussi une question de timing. C'était le bon moment", dit-il à l'AFP.