PARIS: Le gouvernement compte présenter deux lois sur l'énergie d'ici fin 2023: l'une sur la sûreté nucléaire, et l'autre censée régler la question du prix de l'électricité et adapter la production d'énergie aux engagements climatiques du pays.
"Je porterai deux lois dans les mois à venir pour réformer la gouvernance de notre système de sûreté nucléaire et pour reprendre le contrôle sur les prix de notre électricité, plus largement sur l'énergie et le climat", a indiqué la ministre Agnès Pannier-Runacher à la presse mardi.
Les deux textes ont vocation à être présentés "avant la fin de l'année", a précisé son cabinet.
Dans le premier cas, il s'agit de boucler un chantier — fortement contesté — engagé par le gouvernement pour fondre l'Institut de radioprotection et sûreté nucléaire (IRSN), expert technique de la sûreté, dans l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui décide du sort des centrales.
Sur fond de relance du programme nucléaire, elle vise à "adapter" et "fluidifier" les décisions en créant "l'une des plus grandes autorités de sûreté nucléaire du monde", mais ses détracteurs redoutent une perte d'indépendance et de qualité de l'expertise et une moindre transparence à l'égard du public.
Concernant la deuxième loi, Mme Pannier-Runacher souhaite mettre en place "un dispositif pérenne qui permette de conserver parmi les prix les plus bas d'Europe tout en empêchant l'envolée des prix qu'on a connue ces derniers mois".
Emmanuel Macron avait indiqué lundi que le gouvernement annoncerait en octobre des tarifs de l'électricité "compatibles" avec les exigences de "compétitivité" et qui donnent "de la visibilité aux ménages et aux industriels", grâce au parc nucléaire que possède la France.
Ce sujet est au cœur d'âpres discussions à Bruxelles en raison des dissensions entre les pays sur la place à donner au nucléaire français. Il divise aussi l’État et la direction d'EDF.
L’État, actionnaire à 100% d'EDF, souhaite que les prix de l'électricité soient les plus proches des coûts de production pour soutenir consommateurs et compétitivité industrielle.
De son côté, EDF, lestée d'une dette record, revendique le droit de fixer ses prix plus librement grâce à des contrats sur les marchés avec de gros clients.
«Investissements conséquents»
Cette deuxième loi doit aussi prendre en compte les objectifs climatiques de la France et fixer la programmation de production énergétique secteur par secteur.
"Si la France veut tenir ses objectifs climatiques, elle devra doubler son rythme de réduction d'émissions, à -5% par an d'ici 2030", a rappelé le climatologue Jean Jouzel, présent mardi au colloque du syndicat des énergies renouvelables à Paris, où il a souligné le rôle premier de ces ressources, avant toute autre solution, pour décarboner le pays.
Un document devrait être présenté en consultation "dans les prochaines semaines", l'objectif étant que la loi arrive en conseil des ministres "avant la fin de l'année".
Une loi de programmation énergie-climat initialement prévue début 2023 n'a encore jamais été inscrite au calendrier parlementaire. "Après l'été le plus chaud jamais enregistré", un collectif de députés transpartisan appelle à l'inscrire à l'agenda de cette rentrée, dans une tribune publiée par Le Monde.
"J'espère qu'il s'agit bien d'une loi de programmation car il est fondamental que le Parlement par son vote puisse donner le cap de façon irréversible", a déclaré Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables mardi.
"Nous parlons d'investissements conséquents, d'enjeux qui dépassent largement l'horizon de 2035 et nous avons besoin de visibilité", a-t-il insisté.
Pas d'objectifs surestimés
Pour cette programmation, la ministre "table sur le doublement de la production en matière de photovoltaïque et en matière de biogaz" chaque année, "la stabilisation de la trajectoire d'éoliennes terrestres sur le rythme 2022", et "sur l'accélération des éoliennes marines pour pouvoir lancer un appel d'offre majeur fin 2024, début 2025".
En matière de biogaz, il faut passer de 11 à 44 TWh de capacité de production, soit installer environ 5,5 TWh supplémentaires par an au lieu d'un peu moins de 3 TWh actuellement, a précisé son cabinet.
Mme Pannier-Runacher souhaite également un "rehaussement des investissements dans les stockages type batteries ou STEP", ces stations d'énergie par pompage hydro-électriques.
"Nous intégrerons la relance du nucléaire avec EDF qui a un objectif managérial de 400 TWh de production", a-t-elle ajouté, en précisant que le gouvernement retiendrait "360 TWh par prudence" dans la loi.
Idem pour les renouvelables, le gouvernement souhaite retenir des objectifs de production "plus prudents" que ceux promis par la filière.
"Je ne veux pas qu'on mette le système en danger par des objectifs surestimés", a-t-elle dit.
Concernant l'éolien marin, un "grand débat de six mois" doit s'ouvrir en novembre sur chacune des quatre façades maritimes.