SAINT-MALO: Les députés LR ont continué à mettre la pression sur l'exécutif mardi lors de leurs journées parlementaires, certains brandissant la menace d'une motion de censure sur l'immigration, d'autres également sur le budget.
Avec 62 députés à l'Assemblée nationale, Les Républicains peuvent faire tomber le gouvernement en joignant leurs voix à celles de l'opposition pour atteindre les 289 nécessaires, soit l'empêcher en ne votant pas la motion.
Mardi, à Saint-Malo, le patron des députés Les Républicains Olivier Marleix n'a explicitement brandi la menace que dans un seul cas: si le projet de loi sur l'immigration s'avère "laxiste" à ses yeux.
Son parti rejette catégoriquement une régularisation pour les métiers "en tension" et constate que "la majorité est divisée" sur ce point après la tribune, signée lundi par l'aile gauche de la macronie et des parlementaires de la Nupes, qui défend une telle mesure.
De son côté, Aurélien Pradié, qui avait voté la motion de censure en mars sur la réforme des retraites, rejetée à neuf voix près, n'a pas hésité à appeler sa famille politique à envisager "sérieusement" d'autres motions de censure pour défendre ses positions non seulement sur l'immigration, mais aussi sur le budget.
"On n’engage pas un bras de fer avec des bras en mousse", a expliqué dans Le Parisien le député du Lot.
"Une position singulière qui lui appartient", a rétorqué un cadre LR à Saint-Malo.
Un argument rejeté par l'entourage d'Aurélien Pradié qui assure, au contraire, que "l'idée fait son chemin" au sein du parti.
«Pas une fin en soi»
Interrogé sur la motion de censure, le patron de LR, Eric Ciotti, s'est montré prudent: "Ce ne doit pas être une fin en soi", explique-t-il. "Cette procédure, comme toutes celles de destruction massive, n’a pas vocation à être annoncée à l’avance", a-t-il ajouté.
M. Ciotti, qui avait affirmé il y a deux semaines que le but de son parti "n'était pas de faire tomber le gouvernement", a toutefois reconnu être "complètement en phase" avec Olivier Marleix pour en déposer sur "des textes qui sont extrêmement dangereux pour notre pays".
Par ailleurs, les dirigeants de LR ne semblent plus redouter la menace de dissolution brandie par Emmanuel Macron au cas où le gouvernement d'Elisabeth Borne tomberait.
"Je lui conseille d’attendre de redevenir populaire avant de l’envisager sérieusement", a ironisé M. Marleix, en allusion aux sifflets vendredi contre Emmanuel Macron lors de l'ouverture de la Coupe du monde de rugby.
«La réindustrialisation de la France ne se fera pas sans immigration», dit Roland Lescure
"La réindustrialisation de la France ne se fera pas sans immigration", a estimé mardi le ministre délégué chargé de l'Industrie, Roland Lescure, réagissant à la tribune publiée dans Libération par 35 députés et sénateurs qui réclament la régularisation des travailleurs sans-papiers dans les "secteurs en tension".
"Cette tribune, je la soutiens d'abord en tant que citoyen", a déclaré le ministre sur France Info, avant d'ajouter que selon lui la réindustrialisation du pays passera "en partie" par une immigration "sélective".
Mardi, une dizaine de députés de la majorité ont cosigné avec des élus de gauche une tribune pour défendre le projet "humaniste" de régularisation des travailleurs sans-papiers dans les "secteurs en tension", mesure controversée du projet de loi immigration, combattue par la droite et l'extrême droite.
"D'ici 10 ans, nous aurons besoin d'environ 1,3 million de personnes dans l'industrie", a souligné M. Lescure. Si une bonne partie de cette main-d'oeuvre viendra de France, "il va sans doute falloir aller en chercher ailleurs aussi", a souligné le ministre.
"On ne va pas ouvrir les portes en grand, on sélectionnera", a précisé M. Lescure, mais "il faut intégrer les gens qui nous aident à nous développer et à nous projeter vers l'avenir".
"Peut-être que le stade de France lui a apporté une réponse", a renchéri Eric Ciotti.
Si Olivier Marleix n'a pas brandi la menace d'une motion de censure sur le budget, il n'en a pas moins douché les espoirs du gouvernement de trouver un compromis avec LR sur les finances publiques.
Il a rejeté la main tendue par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire pour construire un compromis sur la loi de programmation des finances publiques qui sera soumise au Parlement fin septembre en session extraordinaire.
"Quand M. Le Maire nous donne un rendez-vous de 'la responsabilité', j’ai envie de lui dire que le rendez-vous de la responsabilité, c’est lui qui l'a raté depuis six ans", soutient le député LR.
Avec une majorité relative à l'Assemblée nationale, le gouvernement a besoin du soutien d'une partie de la soixantaine de députés LR pour adopter sans recours au 49.3 ce texte au menu de la session extraordinaire à la fin du mois.
Rejetée l'an dernier par le Parlement, cette loi, qui répond à l'acronyme LPFP, fixe les objectifs annuels de déficit et de dette publique de la France jusqu'en 2027.
"Que Bruno Le Maire ne vienne pas aujourd’hui compter sur nous pour lui donner un quitus de bonne gestion", a assuré M. Marleix qui a rappelé que la dette de l'Etat avait dépassé les 3.000 milliards d'euros.
Selon le gouvernement, un nouveau couac parlementaire sur la LPFP ferait perdre à la France une dizaine de milliards d'euros de fonds européens en 2023 et huit milliards en 2024.