L’histoire de deux G20

Le prince héritier, Mohammed ben Salmane, avec le Premier ministre indien, Narendra Modi, lors du sommet du G20 cette semaine (Photo, Reuters).
Le prince héritier, Mohammed ben Salmane, avec le Premier ministre indien, Narendra Modi, lors du sommet du G20 cette semaine (Photo, Reuters).
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Publié le Mardi 12 septembre 2023

L’histoire de deux G20

L’histoire de deux G20
  • Sur le plan politique, l’Arabie saoudite est une cible facile
  • Le pays a été critiqué et accusé de greenwashing et ce, malgré les avantages que ces initiatives apporteront à la fois au Royaume et à la région

Si les cinq dernières années ont prouvé quoi que ce soit, c’est que beaucoup de choses peuvent changer en l’espace de cinq ans.

J’étais au sommet du G20 en Argentine en novembre 2018 en tant que membre de la délégation médiatique voyageant avec le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane. J’y ai entendu en direct les spéculations émanant de mes collègues occidentaux.

Depuis lors, je constate que l’Arabie saoudite est restée forte malgré la campagne de diffamation menée contre ses dirigeants. Si je la qualifie comme telle, c’est que je le pense vraiment. Pendant cinq ans, les médias occidentaux les plus réputés se sont exprimés sans retenue, à coup d’hypothèses farfelues et d’accusations ridicules.

J’ai déjà écrit ici, et je le ferai à nouveau, que l’Arabie saoudite peut être critiquée. Les dirigeants au plus haut niveau se sont excusés et ont promis de corriger les erreurs commises dans le passé. Mais honnêtement, il suffit de suivre la couverture la plus récente de tout ce que l’Arabie saoudite tente de faire.

En 2021, le Royaume a lancé les Initiatives vertes de l’Arabie saoudite et du Moyen-Orient, qui visent à lutter contre les effets du changement climatique, à améliorer la qualité de vie et à protéger l’environnement pour les générations futures. L’Initiative verte saoudienne comprend des objectifs notables tels que la plantation de 10 milliards d’arbres, l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique du pays à 50% et la réduction de 278 millions de tonnes d’émissions de carbone d’ici à 2030.

Pourtant, le pays a été critiqué et accusé de greenwashing et ce, malgré les avantages que ces initiatives apporteront à la fois au Royaume et à la région, sans parler du fait que le changement climatique est un problème mondial. L’Arabie saoudite est donc condamnée si elle lance ces initiatives et condamnée si elle ne le fait pas.

Lorsque le Royaume a décidé d’investir dans le sport, le bien-être et le divertissement, en utilisant son argent légitime et durement gagné pour attirer les meilleurs footballeurs du monde, il a été accusé de sportswashing et ce, bien que 70% de la population ait moins de 30 ans et que 80% de la population (citoyens et résidents) joue au football ou le regarde. Quiconque a visité l’Arabie saoudite ou nous connaît sait que notre pays excelle dans le football. Notre équipe nationale a d’ailleurs été la seule capable de battre l’Argentine, finalement sacrée championne du monde, lors de la dernière Coupe du monde de la Fifa.

L’Arabie saoudite a même été accusée de chefwashing, car de nombreux chefs de renom ont ouvert ou vont ouvrir des restaurants dans le pays. Nos citoyens, nos résidents et nos visiteurs n’ont-ils pas le droit d’apprécier la bonne cuisine ?

Sur le plan politique, l’Arabie saoudite est une cible facile. Les commentaires de l’actuel président des États-Unis, Joe Biden, en sont un bon exemple : d’une manière inhabituelle pour un homme politique aussi expérimenté, il a promis de faire du Royaume un «paria» pendant sa campagne électorale. Peu après son élection, son bureau a également laissé entendre qu’il ne traiterait pas directement avec le prince héritier et que son «homologue» serait le roi Salmane.

«Avec l’Arabie saoudite, on gagne beaucoup plus avec une paume ouverte qu’avec un poing fermé.»

Faisal J. Abbas, rédacteur en chef

Le Royaume s’est-il indigné ? Pas du tout. Des mesures sages et calculées, prises dans le but de servir les intérêts saoudiens, ainsi qu’une vision déterminée de devenir une force pour le bien, ont fait de nos dirigeants une manifestation concrète du célèbre proverbe arabe : «Celui qui a confiance en lui marche comme un roi.»

Le résultat ? L’Arabie saoudite est l’économie du G20 qui connaît la croissance la plus rapide cette année. Selon un récent sondage réalisé par Ipsos, ce pays est le deuxième pays le plus heureux de la planète. La participation des femmes à la main-d’œuvre a grimpé à 36%. Les stars mondiales du football Cristiano Ronaldo, Neymar et Karim Benzema jouent ici, tandis que les droits de retransmission télévisée de notre ligue de football sont demandés dans le monde entier.

Sur le plan politique, on peut difficilement qualifier l’Arabie saoudite de paria. M. Biden s’est rendu en Arabie saoudite l’été dernier, où il a fait un check au prince héritier, tandis que le président français Emmanuel Macron s’est rendu à Djeddah en 2021 et a déroulé le tapis rouge du palais de l’Élysée en juin. Même le Royaume-Uni a lancé une invitation ouverte, un représentant du gouvernement ayant déclaré : «Nous avons plus besoin d’eux qu’ils n’ont besoin de nous.» Cette déclaration britannique ne pourrait être plus vraie.

À l’heure actuelle, l’Arabie saoudite est impliquée dans la médiation entre l’Ukraine et la Russie, dans la stabilisation du marché pétrolier, dans la lutte contre l’extrémisme et dans les négociations au Soudan, tandis que ses nouveaux gigaprojets génèrent des milliers d’emplois et de contrats pour les entreprises du monde entier. L’Arabie saoudite n’est certainement pas un paria.

La cerise sur le gâteau a été la chaleureuse accolade donnée par le Premier ministre Narendra Modi en Inde lors du dernier sommet du G20, où les médias internationaux ont eu une perspective complètement différente. Cette fois-ci, cependant, le président Biden a salué le prince héritier saoudien avec une poignée de main, réalisant peut-être qu’avec l’Arabie saoudite, on gagne beaucoup plus avec une paume ouverte qu’avec un poing fermé.

Qu’en est-il des spéculations selon lesquelles le corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe irait à l’encontre de l’initiative chinoise «route et ceinture» ? Eh bien, pour les Américains, cela pourrait très bien être le cas, mais pour l’Arabie saoudite et le Moyen-Orient, c’est absolument dans notre intérêt.

Actuellement, plus de 8 millions d’Indiens vivent dans le Golfe et l’Inde importe quelque 500 000 barils de pétrole par jour d’Arabie saoudite. Le volume des échanges entre les deux pays est considérable. Par ailleurs, la Chine demeure le plus gros importateur de pétrole du Royaume et elle a apporté son aide politique en étant le fer de lance du récent accord entre l’Arabie saoudite et l’Iran. Par conséquent, si l’Arabie saoudite souhaite absolument améliorer et renforcer ses relations avec l’Inde, elle ne le ferait pas pour nuire intentionnellement à son plus grand importateur de pétrole.

S’il y a une leçon à tirer des politiques récentes, c’est qu’il faut profiter de tout le monde et ne faire de mal à personne, à moins d’y être obligé.

 

Faisal J. Abbas est le rédacteur en chef d'Arab News. 
Twitter : @FaisalJAbbas
NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com