Critiqué, l'Observatoire de la laïcité appelle à combattre l'islamisme avec «sang-froid»

Jean-Louis Bianco, président de l'Observatoire national de la laïcité. (AFP)
Jean-Louis Bianco, président de l'Observatoire national de la laïcité. (AFP)
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Publié le Jeudi 17 décembre 2020

Critiqué, l'Observatoire de la laïcité appelle à combattre l'islamisme avec «sang-froid»

  • L'Observatoire de la laïcité a défend son bilan de lutte contre l'islamisme
  • Les deux dirigeants de l'Observatoire réclament plus de sérénité et prônent le respect de la liberté religieuse

PARIS: critiqué par des partisans d'une laïcité plus offensive et appelé par le gouvernement à «évoluer», l'Observatoire de la laïcité a défendu jeudi son bilan et la nécessité de lutter contre l'islamisme «avec sang-froid», plus de formations et de mixité sociale.

Un dernier rapport avant de partir au printemps ? Le président de cette instance, l'ancien ministre socialiste Jean-Louis Bianco, et son rapporteur général Nicolas Cadène ont publié jeudi leur 7e rapport annuel dans un contexte de vif débat sur la laïcité, relancé par les derniers attentats islamistes.

La mort «atroce» de Samuel Paty en octobre suivie de celle de trois fidèles catholiques à Nice «nous ont tous profondément heurtés et convaincus de la nécessité de faire bloc» plus que jamais «contre l'islamisme radical», écrivent les deux dirigeants de cet observatoire chargé d'assister le gouvernement dans son action pour le respect de la laïcité.

Mais «pour lutter efficacement contre l’adversaire» en cette époque où «les crispations sur les religions suscitent un émoi important», il faut «garder son sang-froid» et avoir «un débat serein» sur la laïcité pour éviter les «confusions», soulignent-ils.

«Les confusions autour du principe de laïcité, qui conduisent parfois à son rejet ou à son instrumentalisation, sont toujours aussi courantes», relève l'Observatoire qui plaide pour un strict respect des lois en vigueur, au moment où le gouvernement veut légiférer contre les «séparatismes» et où certains responsables politiques réclament de nouvelles interdictions de signes religieux.

S'il rappelle l'exigence d'une «vigilance absolue vis-à-vis de tout manquement aux lois de la République en vigueur», le rapport souligne également la nécessité «d'assécher le terreau radical par des mesures sociales, notamment la mixité» pour éviter les replis sur soi religieux ou identitaires, a expliqué à l'AFP M. Bianco.

L'Observatoire, installé en 2013 et formé d'une vingtaine d'experts et parlementaires, se félicite que plusieurs de ses avis et préconisations aient été repris par le président Macron dans ses discours ou projets de loi récents (contrôle renforcé des associations à but religieux et des financements étrangers des lieux de culte...), y compris celui destiné à lutter contre les «séparatismes».

Il appelle également à «changer de braquet dans la formation des agents de l'Etat à la laïcité, dissiper la confusion et les méfiances en rappelant qu'elle est également un principe de liberté tant qu'on respecte strictement la loi», a ajouté M. Bianco, en s'inquiétant notamment de l'  «essoufflement des formations» dans l’Éducation nationale. 

- Les deux laïcités -

La «sérénité» réclamée par MM. Bianco et Cadène contraste avec l'agitation qui a prévalu ces dernières semaines à propos de l'Observatoire, illustrant le débat déjà ancien sur les deux conceptions de la laïcité à la française. 

Quatre jours après l'assassinat de Samuel Paty, Matignon avait annoncé son intention de «renouveler» prochainement l'Observatoire pour qu'il soit davantage «en phase» avec sa politique, nourrissant des rumeurs de départ des deux hommes. Le gouvernement a depuis indiqué qu'ils iraient jusqu'à la fin de leur mandat en avril prochain.

Fin octobre, une cinquantaine de personnalités (dont Élisabeth Badinter, Marcel Gauchet, Richard Malka et Caroline Fourest) avaient appelé le gouvernement à tourner la page d'années marquées selon elles par des «compromis» avec «l'islam radical». 

Ces partisans d'une limitation plus poussée de la liberté religieuse, et notamment du port de signes religieux comme le voile, accusent depuis des années MM. Bianco et Cadène de ne pas en faire assez contre l'islamisme, voire d'être complaisants à son égard.

Les deux dirigeants de l'Observatoire prônent le respect de la liberté religieuse tant qu'elle respecte les lois en vigueur et ne trouble pas l'ordre public. Une vision que le candidat Emmanuel Macron revendiquait en 2017, mais dont il semble, comme une partie de sa majorité, s'être éloigné, notamment après l'assassinat de S. Paty.

Le rapport de l'Observatoire, qui a participé depuis sept ans à la formation de 350 000 acteurs de terrain, note que la population en général pratique de moins en moins les religions. Quant aux atteintes à la laïcité, difficiles à quantifier, elles se caractérisent notamment par des «replis sur des valeurs traditionnelles et religieuses» dans des zones urbaines ou rurales «où le sentiment de relégation sociale est très fort».

 


Paris entend résoudre les tensions avec Alger « sans aucune faiblesse »

le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
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  • Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ».
  • « L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

PARIS : Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ». Il s'exprimait au lendemain d'un entretien entre les présidents français et algérien, qui visait à renouer le dialogue après huit mois de crise diplomatique sans précédent.

« Les tensions entre la France et l'Algérie, dont nous ne sommes pas à l'origine, ne sont dans l'intérêt de personne, ni de la France, ni de l'Algérie. Nous voulons les résoudre avec exigence et sans aucune faiblesse », a déclaré Jle chef de la diplomatie française devant l'Assemblée nationale, soulignant que « le dialogue et la fermeté ne sont en aucun cas contradictoires ».

« L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

Les Français « ont droit à des résultats, notamment en matière de coopération migratoire, de coopération en matière de renseignement, de lutte contre le terrorisme et au sujet bien évidemment de la détention sans fondement de notre compatriote Boualem Sansal », a affirmé le ministre en référence à l'écrivain franco-algérien condamné jeudi à cinq ans de prison ferme par un tribunal algérien. 


Algérie: Macron réunit ses ministres-clés au lendemain de la relance du dialogue

Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
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  • Emmanuel Macron  réunit mardi plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune
  • Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales.

PARIS : Emmanuel Macron  réunit mardi à 18H00 plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune pour relancer le dialogue, a appris l'AFP de sources au sein de l'exécutif.

Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales après des mois de crise, selon le communiqué conjoint publié lundi soir.

Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, effectuera de même une visite prochainement pour relancer la coopération judiciaire.

Le communiqué ne mentionne pas en revanche le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, figure du parti de droite Les Républicains, partisan d'une ligne dure à l'égard de l'Algérie ces derniers mois, notamment pour obtenir une nette augmentation des réadmissions par le pays de ressortissants algériens que la France souhaite expulser.

Bruno Retailleau sera présent à cette réunion à l'Élysée, avec ses deux collègues Barrot et Darmanin, ainsi que la ministre de la Culture, Rachida Dati, et celui de l'Économie, Éric Lombard, ont rapporté des sources au sein de l'exécutif.

 Dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, on affirme à l'AFP que si la relance des relations décidée par les deux présidents devait bien aboutir à une reprise des réadmissions, ce serait à mettre au crédit de la « riposte graduée » et du « rapport de force » prônés par Bruno Retailleau. 


Algérie: la relance de la relation décriée par la droite

Cette photo prise le 25 août 2022 montre les drapeaux français et algérien avant l'arrivée du président français à Alger pour une visite officielle  afin d'aider à rétablir les liens avec l'ancienne colonie française, qui célèbre cette année le 60e anniversaire de son indépendance. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
Cette photo prise le 25 août 2022 montre les drapeaux français et algérien avant l'arrivée du président français à Alger pour une visite officielle afin d'aider à rétablir les liens avec l'ancienne colonie française, qui célèbre cette année le 60e anniversaire de son indépendance. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
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  • La droite a dénoncé mardi la relance de la relation bilatérale avec l'Algérie en minimisant son impact sur les obligations de quitter le territoire (OQTF).
  • Selon l'élu des Alpes-Maritimes, cette conversation entre les deux chefs d'État signifie « que les ministres n'ont aucun pouvoir, M. Retailleau en premier ».

PARIS : La droite a dénoncé mardi la relance de la relation bilatérale avec l'Algérie en minimisant son impact sur les obligations de quitter le territoire (OQTF), Laurent Wauquiez déplorant « une riposte très provisoire » et Éric Ciotti, allié du RN, dénonçant une relation « insupportable » entre les deux pays.

« La riposte était très graduée et en plus très provisoire », a réagi Laurent Wauquiez sur X au lendemain de la conversation entre les présidents français Emmanuel Macron et algérien Abdelmadjid Tebboune, qui ont acté une relance de la relation bilatérale, après des mois de crise.

Lors de la réunion du groupe des députés LR, l'élu de Haute-Loire, qui brigue la présidence du parti face au ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, s'est dit convaincu que les autorités algériennes n'accepteront pas les OQTF.

« On va se retrouver dans 90 jours avec les OQTF dangereux qui seront dans la nature. Nous ne pouvons pas l'accepter », a déploré le député de Haute-Loire.

De son côté, Éric Ciotti, l'ancien président des LR alliés avec le RN, a directement ciblé le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau sur CNews, lui reprochant de n'avoir montré que « des petits muscles face à Alger ».

Selon l'élu des Alpes-Maritimes, cette conversation entre les deux chefs d'État signifie « que les ministres n'ont aucun pouvoir, M. Retailleau en premier ».

« La relation privilégiée Macron-Algérie depuis 2016 perdure. Et cette relation est insupportable, parce qu'elle traduit un recul de notre pays. »

Les deux présidents, qui se sont entretenus le jour de l'Aïd el-Fitr marquant la fin du ramadan, ont marqué « leur volonté de renouer le dialogue fructueux », selon un communiqué commun.

La reprise des relations reste toutefois subordonnée à la libération de l'écrivain Boualem Sansal et à des enjeux de politique intérieure dans les deux pays.