Financement libyen: l'ex-président français Sarkozy jugé pour corruption à Paris en 2025

Le président français Nicolas Sarkozy (à gauche) salue le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, le 12 décembre 2007, au palais de l'Élysée à Paris. (Photo Stephane De Sakutin / AFP)
Le président français Nicolas Sarkozy (à gauche) salue le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, le 12 décembre 2007, au palais de l'Élysée à Paris. (Photo Stephane De Sakutin / AFP)
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Publié le Samedi 26 août 2023

Financement libyen: l'ex-président français Sarkozy jugé pour corruption à Paris en 2025

  • L'ancien chef de l'Etat (2007-2012) comparaîtra devant le tribunal correctionnel de Paris pendant quatre mois pour corruption passive, association de malfaiteurs, financement illégal de campagne électorale et recel de détournement de fonds publics libyens
  • Nicolas Sarkozy, 68 ans, a toujours vigoureusement contesté les faits et multiplié les recours contre sa mise en cause

PARIS : L'ex-président français Nicolas Sarkozy sera jugé pour corruption début 2025 à Paris, soupçonné avec son entourage d'avoir noué un pacte de corruption avec le régime du dictateur libyen Mouammar Kadhafi pour financer sa campagne présidentielle victorieuse de 2007, ce qu'il nie en bloc.

L'ancien chef de l'Etat (2007-2012) comparaîtra devant le tribunal correctionnel de Paris pendant quatre mois pour corruption passive, association de malfaiteurs, financement illégal de campagne électorale et recel de détournement de fonds publics libyens.

Sur le banc des prévenus, il sera convoqué aux côtés de douze autres personnes, parmi lesquelles trois de ses anciens ministres de droite : deux anciens ministres de l'Intérieur et proches de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant et Brice Hortefeux, ainsi qu'Eric Woerth, ex-trésorier de la campagne présidentielle suspecte.

Nicolas Sarkozy, 68 ans, a toujours vigoureusement contesté les faits et multiplié les recours contre sa mise en cause. «Je n'ai rien à me reprocher, je n'ai pas détourné un centime», a-t-il répété mercredi lors d'une interview télévisée, en réponse à une question sur ses démêlés judiciaires.

Vendredi après-midi, à la sortie d'une librairie d'Arcachon (sud-ouest) où il dédicaçait le deuxième tome de ses mémoires, paru il y a une semaine, il s'est refusé à tout commentaire auprès de la presse: «ce n'est pas maintenant que j'en parlerai».

Sous réserve d'éventuels recours, l'audience se tiendra «entre le 6 janvier 2025 et le 10 avril 2025» devant la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris, a indiqué le parquet national financier.

- «Pacte de corruption» -

Après dix ans d'investigations, les deux magistrates en charge de l'enquête ont globalement suivi les réquisitions du parquet national financier (PNF) qui estime que Nicolas Sarkozy avait une «parfaite connaissance» des agissements reprochés à ses proches.

Dans leur ordonnance de 557 pages signée jeudi, dont l'AFP a eu connaissance, elles évoquent une enquête tentaculaire confiée à l'Office anticorruption (Oclciff) et qui a pâti du «peu de moyens humains», de l'«absence de volonté politique en France (quelle que soit la période) pour faire la transparence sur ces faits», ainsi que des «manipulations» et autres «déstabilisations».

Elles soulignent qu'«il apparaît qu’un pacte de corruption a été noué entre Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi aux fins de financement de l’élection du premier».

Deux hommes d'affaires, soupçonnés d'avoir servi d'intermédiaires, apparaissent au coeur du dossier : le Franco-libanais Ziad Takieddine, en fuite au Liban et qui devrait donc être le grand absent de l'audience, et le Franco-algérien Alexandre Djouhri.

M. Takieddine, l'accusateur principal dans ce dossier, affirmait, avant de changer de version puis d'y revenir, avoir remis, entre fin 2006 et début 2007, 5 millions d'euros à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, et à son directeur de cabinet Claude Guéant.

L'information judiciaire avait été ouverte en avril 2013 sur le fondement d'accusations de dignitaires libyens lancées dès 2011, d'assertions de M. Takieddine et d'un document publié par le journal d'investigations en ligne Mediapart, entre les deux tours de la présidentielle de 2012, perdue par M. Sarkozy.

M. Sarkozy avait contesté l'authenticité ce document.

- Contreparties -

Abondants témoignages parfois antérieurs à 2011, notes des services secrets de Tripoli, mouvements de fonds «atypiques et troubles», matérialisation d'un certain nombre de contreparties... Les magistrats ont réuni une somme d'indices troublants pour étayer la thèse de fonds libyens qui auraient bénéficié à la campagne de l'ancien président ou à son entourage.

«Vous n'avez ni les preuves de l'arrivée, ni les preuves de la sortie concernant l'argent (...) Où est l'argent ?», s'était défendu fin 2020 l'ex-chef de l'Etat de droite, lors d'un interrogatoire.

Claude Guéant «a toujours fait valoir qu’aucune infraction ne pouvait lui être reprochée (...), ce qu’il démontrera» lors de l'audience, a réagi vendredi son conseil, Me Philippe Bouchez El Ghozi.

Côté parties civiles, c'est la satisfaction. Me Vincent Brengarth, avocat de l'association anticorruption Sherpa, a salué «un travail extrêmement minutieux de la juridiction d'instruction» qui «ouvre la voie à un procès totalement historique visant un ancien chef de l'Etat».

Déjà condamné à de la prison ferme dans deux autres dossiers, dont l'un doit être jugé en appel, l'autre faisant l'objet d'un pourvoi en cassation, Nicolas Sarkozy devra donc affronter un troisième dossier judiciaire.


Après les tensions, Paris et Alger entament un nouveau chapitre

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise. (AFP)
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  • Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont décidé de relancer les échanges bilatéraux
  • L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique

Après avoir frôlé la rupture, un nouveau chapitre s'ouvre dans les relations entre la France et l'Algérie.

Lors d'un appel téléphonique récent, les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune sont convenus de relancer les échanges bilatéraux et de jeter les bases de cette reprise.

Le communiqué publié par le palais de l'Élysée fait suite à plusieurs signes récents de rapprochement, notamment l'entretien accordé par Tebboune aux journalistes des médias publics algériens, où il a exprimé sa volonté de renouer le dialogue avec son homologue français et de mettre fin à ce qu'il a qualifié de «période d'incompréhension» entre leurs deux pays.

L'échange téléphonique a permis de formaliser une feuille de route ambitieuse et pragmatique, centrée sur trois axes prioritaires: la coopération sécuritaire, la gestion des flux migratoires et les questions mémorielles.

Le communiqué conjoint, publié à l’issue de cet échange, souligne la volonté des deux chefs d’État de dépasser les crises récentes pour amorcer une relation apaisée et mutuellement bénéfique.

Premier résultat concret dans le cadre de cette volonté affichée, le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot se rend à Alger le 6 avril pour des entretiens avec son homologue algérien Ahmed Attal.

Les ministres devront détailler un programme de travail ambitieux et en décliner les modalités opérationnelles et le calendrier de mise en œuvre.

La coopération sécuritaire doit reprendre sans délai, notamment pour lutter contre le terrorisme au Sahel et sécuriser les frontières de la région.

La gestion des migrations irrégulières et la question des réadmissions de ressortissants algériens en situation irrégulière en France sont au cœur des discussions. 

Cette dynamique s’inscrit dans la continuité de l’engagement du président français, exprimé dès le début de son premier mandat et même avant, lors de sa campagne électorale en Algérie, où il avait qualifié la colonisation de «crime contre l’humanité».

Plus tard et dès son élection en 2017, Macron a affiché sa volonté de regarder «la vérité en face». Sa première visite officielle en Algérie marquait la priorité qu’il entend donner à la relation franco-algérienne, en posant les bases d’un dialogue sincère et apaisé. 

Cet engagement a été réaffirmé par la déclaration d’Alger en août 2022, qui prévoyait la mise en place d’une «commission mixte des historiens» chargée d’examiner les archives et de favoriser une meilleure compréhension mutuelle.

Les enjeux de ce rapprochement, dont l’objectif est la poursuite du travail de refondation des relations bilatérales, dépassent le cadre strictement bilatéral et s’inscrivent dans un contexte géopolitique et sécuritaire complexe.

La coopération entre Paris et Alger est essentielle pour répondre aux défis régionaux, notamment dans le Sahel, où le terrorisme et l’instabilité menacent la sécurité de l’Afrique du Nord et de l’Europe. 

La France et l’Algérie partagent un intérêt commun pour la lutte contre les groupes armés et leur coopération stratégique revêt une importance capitale pour stabiliser la région.

La gestion des flux migratoires reste un point de tension récurrent, car si la France souhaite des mécanismes de réadmission efficaces, l’Algérie demande le respect de la dignité et des droits de ses ressortissants. 

Malgré la volonté de réconciliation affichée, le dossier mémoriel reste un obstacle majeur.

La question des excuses officielles pour les crimes coloniaux demeure sensible. Si Emmanuel Macron a reconnu des «crimes contre l’humanité» en 2017, les demandes d’excuses formelles de l’Algérie n’ont pas encore été pleinement satisfaites. 

Les travaux de la commission mixte des historiens, lancés à l’été 2022, doivent permettre d’approfondir la recherche sur cette période sombre et de poser les bases d’un dialogue apaisé.

Malgré les gestes d’ouverture, les relations entre Paris et Alger restent fragiles, en partie en raison d’une méfiance réciproque, alimentée par des perceptions contradictoires des enjeux bilatéraux.

L’un des points de friction les plus marquants est la question du Sahara occidental. La position française, perçue comme favorable au Maroc, a suscité des crispations du côté algérien, allant jusqu’au rappel de l’ambassadeur d’Algérie en France. 

Pour Alger, le soutien implicite de Paris au plan d’autonomie marocain est perçu comme un alignement qui remet en cause l’équilibre diplomatique régional.

Bien que la France ait tenté de clarifier sa position, en affirmant vouloir accompagner une dynamique internationale de sortie de crise, ce dossier demeure une source de tension. 

Au-delà des relations diplomatiques, les opinions publiques des deux pays jouent un rôle crucial dans l’évolution du partenariat.

En Algérie, une partie de la population reste méfiante vis-à-vis des intentions françaises, nourrie par un sentiment de souveraineté exacerbée et par la mémoire toujours vive des exactions coloniales. 

En France, la question algérienne suscite également des clivages politiques. Certains considèrent les gestes mémoriels comme une forme de repentance excessive, tandis que d’autres appellent à une reconnaissance plus franche des torts commis pendant la colonisation. 

La relance des relations entre la France et l’Algérie repose sur un équilibre délicat entre la reconnaissance du passé, la gestion des défis actuels et la mise en œuvre d’une coopération tournée vers l’avenir. 

Malgré la volonté politique manifeste, la concrétisation de ce partenariat dépendra de la capacité des deux dirigeants à dépasser les clivages historiques et à impulser une dynamique durable.


Paris entend résoudre les tensions avec Alger « sans aucune faiblesse »

le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
le chef de la diplomatie française, chef de la diplomatie française (Photo AFP)
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  • Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ».
  • « L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

PARIS : Le chef de la diplomatie française a assuré mardi que Paris entendait résoudre les tensions avec Alger « avec exigence et sans aucune faiblesse ». Il s'exprimait au lendemain d'un entretien entre les présidents français et algérien, qui visait à renouer le dialogue après huit mois de crise diplomatique sans précédent.

« Les tensions entre la France et l'Algérie, dont nous ne sommes pas à l'origine, ne sont dans l'intérêt de personne, ni de la France, ni de l'Algérie. Nous voulons les résoudre avec exigence et sans aucune faiblesse », a déclaré Jle chef de la diplomatie française devant l'Assemblée nationale, soulignant que « le dialogue et la fermeté ne sont en aucun cas contradictoires ».

« L'échange entre le président de la République (Emmanuel Macron, ndlr) et son homologue algérien (Abdelmadjid Tebboune) a ouvert un espace diplomatique qui peut nous permettre d'avancer vers une résolution de la crise », a-t-il ajouté.

Les Français « ont droit à des résultats, notamment en matière de coopération migratoire, de coopération en matière de renseignement, de lutte contre le terrorisme et au sujet bien évidemment de la détention sans fondement de notre compatriote Boualem Sansal », a affirmé le ministre en référence à l'écrivain franco-algérien condamné jeudi à cinq ans de prison ferme par un tribunal algérien. 


Algérie: Macron réunit ses ministres-clés au lendemain de la relance du dialogue

Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
Emmanuel Macron, président français (Photo AFP)
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  • Emmanuel Macron  réunit mardi plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune
  • Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales.

PARIS : Emmanuel Macron  réunit mardi à 18H00 plusieurs ministres en première ligne dans les relations avec l'Algérie, dont Bruno Retailleau, Gérald Darmanin et Jean-Noël Barrot, au lendemain de l'appel avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune pour relancer le dialogue, a appris l'AFP de sources au sein de l'exécutif.

Le président français a décidé, à la suite de ce coup de fil, de dépêcher le 6 avril à Alger le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot afin de « donner rapidement » un nouvel élan aux relations bilatérales après des mois de crise, selon le communiqué conjoint publié lundi soir.

Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, effectuera de même une visite prochainement pour relancer la coopération judiciaire.

Le communiqué ne mentionne pas en revanche le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, figure du parti de droite Les Républicains, partisan d'une ligne dure à l'égard de l'Algérie ces derniers mois, notamment pour obtenir une nette augmentation des réadmissions par le pays de ressortissants algériens que la France souhaite expulser.

Bruno Retailleau sera présent à cette réunion à l'Élysée, avec ses deux collègues Barrot et Darmanin, ainsi que la ministre de la Culture, Rachida Dati, et celui de l'Économie, Éric Lombard, ont rapporté des sources au sein de l'exécutif.

 Dans l'entourage du ministre de l'Intérieur, on affirme à l'AFP que si la relance des relations décidée par les deux présidents devait bien aboutir à une reprise des réadmissions, ce serait à mettre au crédit de la « riposte graduée » et du « rapport de force » prônés par Bruno Retailleau.