Dans le conflit du Haut-Karabakh, une désescalade trop lente

Des soldats arméniens de la république autoproclamée du Haut-Karabakh se tiennent en première ligne à la frontière avec l’Azerbaïdjan (Photo, Fournie).
Des soldats arméniens de la république autoproclamée du Haut-Karabakh se tiennent en première ligne à la frontière avec l’Azerbaïdjan (Photo, Fournie).
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Publié le Mardi 22 août 2023

Dans le conflit du Haut-Karabakh, une désescalade trop lente

Dans le conflit du Haut-Karabakh, une désescalade trop lente
  • Trop occupée par la crise ukrainienne, la Russie n’a pas pu jouer le rôle de médiateur
  • Si la paix régnait en Azerbaïdjan, les Arméniens du Haut-Karabakh pourraient contribuer à l’économie azerbaïdjanaise

Selon les conditions de l’accord de cessez-le-feu négocié en novembre 2020 par le président russe, Vladimir Poutine, le corridor dit «de Latchine », dans le Haut-Karabakh, devait être transféré à l’Azerbaïdjan en août 2022. Ce corridor relie l’Arménie à la région autonome azerbaïdjanaise du Haut-Karabakh.

Conformément à l’article 6 de l’accord de cessez-le-feu, l’Arménie restituerait le district de Latchine à l’Azerbaïdjan d’ici au 1er décembre 2020. Il a également été décidé que, au cours des trois prochaines années – de décembre 2020 à décembre 2023 –, un plan serait élaboré pour la construction d’une nouvelle route qui vise à relier le Haut-Karabakh et l’Arménie en vue de contourner le district azerbaïdjanais de Latchine. Stepanakert, la capitale de la République séparatiste d’Artsakh, n’a toujours pas tenu cette promesse.

En outre, la République d’Azerbaïdjan devait garantir la sécurité des personnes, des véhicules et des marchandises qui circulent dans les deux sens le long du corridor de Latchine.

Une guerre de deux jours a opposé l’Azerbaïdjan à l’Arménie l’année dernière au mois de septembre. Une atmosphère précaire continue de régner. Cette courte conflagration a causé la mort de 280 personnes au total des deux côtés. L’Azerbaïdjan a reconnu 80 disparus parmi ses soldats et le Premier ministre arménien la mort de 280 combattants.

L’Azerbaïdjan affirme que les forces arméniennes ont organisé des «actes subversifs à grande échelle» en utilisant des «saboteurs» qui ont posé des mines terrestres. Des journalistes, des politiciens et des analystes politiques ont examiné ces allégations et les ont considérées comme infondées ou invérifiables. Cette année, le 11 juillet, la capitale Bakou s’est plainte du fait que des marchandises non autorisées étaient introduites en contrebande dans le Haut-Karabakh au moyen de véhicules du Comité international de la Croix-Rouge.

Cessez-le-feu

Les combats de l’année dernière ont pris fin lorsque les troupes azerbaïdjanaises ont pris le contrôle de positions stratégiques au fin fond de l’Arménie; au moins 7 600 civils ont été déplacés des provinces arméniennes.

Un cessez-le-feu a de nouveau été négocié entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Trop occupée par la crise ukrainienne, la Russie, qui a toujours été le meneur de jeu dans les conflits arméno-azerbaïdjanais, n’a pu jouer le rôle de médiateur dans la mise en œuvre de ce cessez-le-feu.

Beaucoup trop d’acteurs internationaux veulent participer à la crise du Haut-Karabakh. L’Union européenne (UE), l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la Russie et l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) – la version de l’ex-Union soviétique de l’Otan – en font partie. Certains d’entre eux sont autoproclamés. Les Arméniens du Karabakh veulent impliquer autant de parties que possible dans cette question déjà complexe, tandis que l’Azerbaïdjan considère la question du Haut-Karabakh comme une question intérieure.

Malgré les nombreux avantages que l’Azerbaïdjan détient dans la trêve actuelle entre Bakou et Erevan, le pays n’a dérogé à aucune des conditions de l’accord négocié en novembre 2020. L’Arménie a occupé le Haut-Karabakh pendant quarante ans et le groupe de Minsk de l’OSCE n’a rien fait pour libérer l’enclave azerbaïdjanaise de l’occupation arménienne.

L’Azerbaïdjan ne veut pas faire face à une situation de conflit gelé pendant trente années supplémentaires comme il l’a fait au Haut-Karabakh entre 1990 et 2020. Si une nouvelle conflagration éclatait, il n’y aurait qu’une faible chance que les Arméniens du Karabakh gagnent davantage de territoire. Le processus de normalisation des relations entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie doit être mené à bien avant qu’il ne redevienne un conflit gelé. La crise ukrainienne peut reléguer la crise du Haut-Karabakh au second plan, mais l’Azerbaïdjan et l’Arménie ont l’avantage de pouvoir la résoudre immédiatement.

L’OTSC, homologue de l’Otan dans la géographie post-soviétique, pourrait jouer un rôle de médiateur dans le Haut-Karabakh, mais ni l’Azerbaïdjan ni l’Arménie ne font confiance à cette organisation.

La capitale de l’Azerbaïdjan, Bakou, n’utilisera pas la position avantageuse qu’elle occupe actuellement pour s’installer définitivement dans les territoires arméniens qu’elle contrôle. Elle utilisera probablement cette position de force pour persuader l’Arménie de parvenir à une solution équitable.

Tous les pays intéressés semblent mobilisés pour rechercher une solution qui satisferait les aspirations maximalistes de l’Arménie. Mais il reste à savoir si l’UE devrait déployer des observateurs dans un conflit où un pays de l’OTSC – l’Arménie – est impliqué. En outre, l’Arménie n’est pas prête à accepter une mission de maintien de la paix composée de soldats russes. Le conflit du Haut-Karabakh devrait donc être traité avec la plus grande précaution.

Presque tous les contacts des organisations occidentales relatifs à la question du Haut-Karabakh passent par les canaux arméniens, alors que la zone de conflit fait partie d’un territoire azerbaïdjanais autonome que personne ne conteste, ce qui ne manque pas d’ironie.

«Si la paix régnait en Azerbaïdjan, les Arméniens du Haut-Karabakh pourraient contribuer à l’économie azerbaïdjanaise.»

Yasar Yakis

La solution la plus raisonnable serait que l’Azerbaïdjan et l’Arménie se réunissent et résolvent leurs problèmes sans l’intervention de tierces parties, puisque ces dernières ont chacune leurs propres intérêts.

La population arménienne a du mal à admettre que le Haut-Karabakh est un territoire azerbaïdjanais qui jouit de nombreux droits, abstraction faite de la souveraineté. Les Arméniens de la diaspora, les Arméniens du continent, l’UE et des pays comme la France induisent tous en erreur les Arméniens du Karabakh en leur demandant plus de droits que ceux qui sont les leurs en vertu du droit international.

L’Azerbaïdjan est un pays riche en pétrole. Il prévoit d’en exporter vers les pays européens pour combler le manque créé par le retrait de la Russie du marché pétrolier européen. Les Arméniens sont des gens qualifiés. Par conséquent, si la paix régnait en Azerbaïdjan, les Arméniens du Haut-Karabakh pourraient contribuer à l’économie azerbaïdjanaise.

Le président azerbaïdjanais, Ilham Aliyev, et le Premier ministre arménien, Nikol Pashinyan, sont des dirigeants déterminés à persuader leurs électeurs respectifs de vivre ensemble en paix et de tirer profit des immenses revenus pétroliers de l’Azerbaïdjan.

Yasar Yakis est un ancien ministre des Affaires étrangères de Turquie. Il est membre fondateur du parti AKP au pouvoir.

Twitter: @yakis_yasar

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com