Le trafic de drogue en Syrie, une menace pour la région

Le gouvernement syrien doit prendre des mesures plus fermes et coopérer étroitement avec les autres dirigeants arabes pour lutter contre la menace posée par la drogue. (AFP)
Le gouvernement syrien doit prendre des mesures plus fermes et coopérer étroitement avec les autres dirigeants arabes pour lutter contre la menace posée par la drogue. (AFP)
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Publié le Samedi 19 août 2023

Le trafic de drogue en Syrie, une menace pour la région

Le trafic de drogue en Syrie, une menace pour la région
  • Le trafic de drogue compromet la stabilité sociale, économique et politique des pays et entraîne ainsi la multiplication d'autres formes de criminalité
  • Le Captagon est plus nocif aujourd'hui qu'il ne l'était lors de sa production il y a plusieurs décennies

Le développement dangereux du trafic de drogue en Syrie doit être pris au sérieux. En effet, ses effets dévastateurs risquent de s'aggraver, non seulement pour le peuple syrien, mais aussi pour les autres nations de la région. Le gouvernement syrien doit prendre des mesures plus vigoureuses.

Les conséquences désastreuses du commerce des drogues illicites ne se limitent pas aux victimes, qui consomment des substances interdites et en subissent les conséquences émotionnelles et physiques. Les familles, amis, collègues et communautés des consommateurs sont également susceptibles d'être affectés. Certains de ces effets négatifs peuvent d'ailleurs être irréversibles.

Par ailleurs, le trafic de drogue compromet la stabilité sociale, économique et politique des pays et entraîne ainsi la multiplication d'autres formes de criminalité. Ce problème peut devenir encore plus menaçant, notamment dans les pays où la population jeune est importante.

La position des dirigeants arabes est claire comme de l'eau de roche : le gouvernement syrien doit prendre des mesures afin de lutter contre le trafic de drogue. Selon Reuters, les dirigeants arabes cherchent à obtenir « un prix pour le réengagement (avec le gouvernement syrien), notamment l'arrêt de la production et de la contrebande de l'amphétamine Captagon qui, selon l'Occident et les États arabes, est exportée dans toute la région à partir de la Syrie. Avec le retour des millions de réfugiés qui ont fui la Syrie, le commerce du Captagon est devenu une préoccupation majeure pour les dirigeants arabes ».

Des millions de pilules illicites ont été introduites clandestinement de la Syrie vers d'autres pays arabes, dont la Jordanie. Certaines cargaisons illégales ont été interceptées par les pays du Golfe, qui semblent être l'une des principales cibles des trafiquants de drogue. Dimanche, les autorités saoudiennes ont annoncé qu'elles avaient saisi une énorme quantité de Captagon. Deux personnes auraient été arrêtées par les autorités saoudiennes au port islamique de Djeddah pour avoir caché plus de 2 millions de pilules dans des boîtes de baklava.

« La position des dirigeants arabes est claire comme de l'eau de roche : le gouvernement syrien doit prendre des mesures afin de lutter contre le trafic de drogue. »

 

Dr. Majid Rafizadeh

L'année dernière, l'Arabie saoudite a également saisi 46 millions de pilules d'amphétamine qui avaient été introduites clandestinement dans une cargaison de farine. Six Syriens et deux Pakistanais ont été arrêtés après la saisie des drogues lors d'un raid dans un entrepôt à Riyad. Un porte-parole de la Direction générale du contrôle des stupéfiants a indiqué qu'il s'agissait de la « plus grande opération de ce type visant à introduire une telle quantité de stupéfiants dans le Royaume d'Arabie saoudite en un seul coup ».

En outre, en février, les Émirats arabes unis ont arrêté un homme qui tentait d'introduire clandestinement dans le pays du Golfe 4,5 millions de pilules de Captagon dissimulées dans des boîtes de haricots verts.

De plus, cette semaine, l'armée jordanienne a déclaré avoir abattu un drone qui transportait des cristaux de méthamphétamine en provenance de la Syrie. Plusieurs réunions ont eu lieu entre des responsables jordaniens et syriens afin d'aborder le problème du commerce illicite de la drogue, mais la question n'a toujours pas été résolue. Le président syrien Bachar Assad et le ministre jordanien des Affaires étrangères Ayman Safadi, se sont rencontrés à Damas le mois dernier. Safadi aurait examiné avec Assad « les dangers que représente la contrebande de drogue à travers la frontière syrienne vers le Royaume et l'urgence de coopérer pour y faire face ».

Décrit par les médias comme « l'amphétamine qui alimente la guerre en Syrie » et « la cocaïne des pauvres », le Captagon est un stimulant synthétique de type amphétamine, fabriqué illégalement, utilisé à des fins récréatives et qui crée une forte dépendance. Le Captagon est plus nocif aujourd'hui qu'il ne l'était lors de sa production il y a plusieurs décennies. Selon Drugs.com, « au lieu de ne compter que deux ingrédients principaux, la fabrication illégale combine probablement plusieurs stimulants fortement addictifs avec des actions de composition en une petite pilule destructrice. Ce nouveau type de Captagon, comme toute substance fortement addictive, est susceptible de provoquer des changements irréversibles dans les circuits cérébraux qui régissent le contrôle des impulsions et le jugement, privant ainsi la personne de sa capacité à raisonner ou à penser de manière sensée ».

« Cette industrie qui vaut plusieurs milliards de dollars en Syrie représenterait près de trois fois le commerce cumulé des cartels mexicains. »

 

 

 

Dr Majid Rafizadeh

La Syrie est malheureusement devenue un centre de production de drogues illicites pour plusieurs raisons. La guerre civile, l'insécurité, le vide politique, la crise économique et l'isolement du pays par la communauté internationale ont favorisé l'émergence de groupes criminels qui se sont lancés dans l'économie illicite, la production et la contrebande de drogues illégales vers d'autres pays. Cette industrie qui vaut plusieurs milliards de dollars en Syrie représenterait près de trois fois le commerce cumulé des cartels mexicains. 80 % de l'offre mondiale de Captagon est produite en Syrie.

Plusieurs mesures peuvent être prises afin de développer une stratégie efficace pour mettre fin au flux de drogues illicites de la Syrie vers d'autres pays. Tout d'abord, puisque la Syrie a été réadmise au sein de la Ligue arabe, les pays arabes peuvent faire pression sur le gouvernement de Damas pour qu'il coopère avec d'autres nations afin de localiser et de dissoudre les groupes impliqués dans la production et la contrebande de drogues illicites. De même, des incitations comme le renforcement des liens économiques et l'augmentation des échanges commerciaux peuvent être offertes au gouvernement syrien s'il prend des mesures plus fermes pour remédier à ce problème.

Les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite, par exemple, sont bien équipés en matière d'application de la loi, de renseignement et de sécurité. La Syrie devrait s'impliquer dans l'échange de renseignements avec d'autres gouvernements, ce qui constituerait un moyen efficace de répondre à cette menace. L'interruption des flux financiers vers les trafiquants de drogue en Syrie représente aussi un enjeu important.

Il est également essentiel que les organismes de soins de santé et les services sociaux collaborent. Il convient de déployer des efforts communs pour sensibiliser la population au phénomène des drogues illicites et aux dommages qu'elles causent, par l'intermédiaire des établissements d'enseignement et des médias. Par ailleurs, il est essentiel de cibler les groupes de population les plus exposés au risque de devenir des victimes du trafic de drogue, notamment les jeunes. Enfin, l'amélioration de la sécurité et de la situation économique en Syrie peut jouer un rôle-clé dans la réduction des activités de trafic de drogue. En coopérant avec les États du Golfe, le gouvernement syrien peut atteindre ces objectifs.

En un mot, la Syrie est devenue un centre de production de drogues illicites et de contrebande vers d'autres pays. Cette situation affecte considérablement le peuple syrien et les autres nations de la région. Il est essentiel que le gouvernement syrien prenne des mesures plus fermes et coopère étroitement avec les autres dirigeants arabes afin de lutter contre cette menace.

 

 

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.

Twitter: @Dr_Rafizadeh

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com