L’opposition vilipende Macron sur le Sahel

Le président français Emmanuel Macron s'adresse à la presse à l'APEC Haus de Port Moresby, le 28 juillet 2023 (AFP).
Le président français Emmanuel Macron s'adresse à la presse à l'APEC Haus de Port Moresby, le 28 juillet 2023 (AFP).
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Publié le Mercredi 16 août 2023

L’opposition vilipende Macron sur le Sahel

L’opposition vilipende Macron sur le Sahel
  • La crise du Niger vient d’incarner de manière spectaculaire ce possible crépuscule de la présence française dans cette région du Sahel, si importante sur le plan économique et sécuritaire pour la France et pour l’Europe
  • En interne, Emmanuel Macron est interpellé par l’opposition qui ne va pas rater cette occasion de mettre cet échec sur le compte de sa mauvaise gestion de cette relation France-Afrique

Depuis le déclenchement de la crise au Niger, de nombreux articles fleurissent dans la presse française, soulignant l’échec de la politique africaine du président Emmanuel Macron. La tonalité se partage entre une mansuétude qui justifie ce recul français au Sahel par la puissante collusion de forces politiques concurrentes qui ont ciblé avec une forme d’efficacité  la présence française dans la région et un réquisitoire impitoyable contre les choix politiques de Macron.

Pour un président français, qui, depuis son arrivée à lÉlysée, sest donné pour grande ambition de réécrire la tumultueuse relation entre la France et lAfrique, les coups dÉtat qui se sont succédé au Sahel sont un puissant indicateur d’échec. Ils ont en commun un rejet assumé par les putschistes de linfluence française dans la région.

Il est vrai que la haine contre la France a été utilisée comme carburant de mobilisation politique et militaire par les forces concurrentes comme la Russie, la Chine ou la Turquie, mais cela ne doit pas cacher pour certains les raisons de  l’échec dEmmanuel Macron à redonner à la relation entre Paris et ces capitales africaines de nouvelles ambitions et de nouvelles perspectives.

Récemment, une tribune très remarquée signée par d’éminentes personnalités de lopposition de droite publiée dans le journal Le Figaro sonne le tocsin contre les choix de Macron en Afrique et leurs conséquences. Avec ce terrible constat: «Aujourd'hui, la Françafrique d'hier est remplacée par la Russafrique militaire, par la Chinafrique économique ou l'Américafrique diplomatique. Et que dire, malheureusement, de la régression de la Francophonie par rapport à la langue anglaise?»

Aujourd’hui, la crise du Niger vient dincarner de manière spectaculaire ce possible crépuscule de la présence française dans cette région du Sahel, si importante sur le plan économique et sécuritaire pour la France et pour lEurope. La réaction de Paris, dune clarté et dune détermination sans faille, allant jusqu’à suggérer et éventuellement à soutenir une possible intervention militaire contre les putschistes, incarne l’épaisseur des angoisses et limportance de ce tournant stratégique.

En interne, Emmanuel Macron est interpellé par lopposition qui ne va pas rater cette occasion de mettre cet échec sur le compte de sa mauvaise gestion de cette relation France-Afrique. Récemment, une tribune très remarquée signée par d’éminentes personnalités de lopposition de droite publiée dans le journal Le Figaro sonne le tocsin contre les choix de Macron en Afrique et leurs conséquences. Avec ce terrible constat: «Aujourd'hui, la Françafrique d'hier est remplacée par la Russafrique militaire, par la Chinafrique économique ou l'Américafrique diplomatique. Et que dire, malheureusement, de la régression de la Francophonie par rapport à la langue anglaise?»

Une autre tribune inspirée par la gauche fut aussi publiée dans le journal Le Monde, dans laquelle les signataires exigent un débat parlementaire pour élaborer une nouvelle politique africaine de la France. Dans cette tribune, cette gauche pointe limpasse à laquelle a abouti la stratégie militaire française dans la région, «aveugle aux dimensions politique, économique, sociale et écologique de la crise sahélienne». 

De l’autre côté du spectre politique, si l’extrême droite, par choix stratégique ou par conviction, a observé un relatif silence médiatique sur cette crise qui frappe de plein fouet les intérêts de la présence française dans cette région, ses idéologues savent bien que les possibles conséquences d’une intervention militaire au Niger pourraient augmenter massivement les vagues migratoires des Sub-Sahariens vers l’espace européen. Avec un cynisme inégalé, certains milieux de l’extrême droite se frottent déjà les mains de voir ces futures arrivées de migrants demandant refuge économique et humanitaire gonfler les voiles de leurs popularités et élargir ainsi leurs assises électorales.

Toute en préparant son opinion à une possible intervention militaire des pays de la Cédéao soutenue par la France et éventuellement par les Américains, Emmanuel Macron se trouve acculé devant les Français pour donner une explication politique convaincante afin d’éclairer ce qui ressemble à un fiasco politique et militaire français au Sahel.

Il est vrai que le président Macron n’ambitionne pas, pour cause de freins constitutionnels, de se lancer dans un troisième mandat. Il est tout aussi vrai que s’il ne trouve pas une solution efficace pour défendre et sauver les intérêts français au Sahel, cet échec restera un point noir dans sa gouvernance et son bilan. Il aura des conséquences politiques aussi bien sur sa majorité présidentielle et ses projets politiques à venir que sur les chances de Macron de se maintenir dans le spectre français.

Le Sahel a de fortes chances d’être le grand point noir de la politique africaine d’Emmanuel Macron. Il risque d’être perçu par les Français comme le président de la république dont les mandats ont marqué une influence de la France dangereusement rétrécie et ses intérêts vitaux dans cette région cruciale remis sur la sellette.

 

Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24. Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française etinternationale à dominance arabe et maghrébine.  

Twitter: @tossamus

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.