NEW YORK: La livre turque est descendue lundi à un nouveau record historique de faiblesse face au dollar, sur un marché sceptique face au virage économique tenté par le gouvernement, sur fond d'inflation toujours galopante.
La devise turque est tombée jusqu'à 26,3639 livres pour un dollar, une première depuis l'introduction de la nouvelle livre, en janvier 2005.
Depuis fin mai, la monnaie, initialement introduite en 1844 sous l'Empire ottoman, a lâché 24% face au billet vert.
Après sa réélection, fin mai, le président turc Recep Tayyip Erdogan a désigné à la tête de la banque centrale (TCMB) une personnalité modérée, Hafize Gaye Erkan, issue du secteur bancaire privé aux Etats-Unis, qui a immédiatement relevé le principal taux directeur de 8,5% à 15%.
Il a aussi nommé un ancien économiste de la banque américaine Merrill Lynch, Mehmet Simsek, ministre de l'Economie, laissant espérer au marché un retour à une certaine orthodoxie.
Mais la situation économique du pays continue à interroger. Même au plus bas niveau depuis 18 mois, l'inflation est tout de même ressortie à 38,2% en juin, sur un an, ce qui joue contre la livre.
Pire, les anticipations d'inflation des acteurs du marché sont, elles, en hausse, selon la dernière enquête de la TCMB.
Selon plusieurs analystes, la lente dérive de la livre turque est aussi la conséquence de la décision des autorités turques de ne plus défendre à tout prix leur monnaie, une posture qui avait fait fondre dangereusement les réserves de changes du pays.
Par ailleurs, le déficit budgétaire a atteint en juin le plus haut niveau jamais observé, en partie du fait de mesures fiscales prises avant le scrutin présidentiel, comme la gratuité du gaz pour les ménages.
M. Simsek a annoncé, en juin, un retour à des "mesures rationnelles" pour redresser l'économie, mais le gouvernement n'a pas fait d'annonces concrètes depuis, hormis le triplment, dimanche de la taxe sur l'essence.
Cette décision fait craindre à la fois pour l'inflation mais aussi pour la consommation des ménages.
"Comment les investisseurs sont-ils supposés garder confiance dans la Turquie?", s'interroge Adam Button, de ForexLive. "Il y a une voie de stabilisation de l'économie, mais, pour l'instant, il est difficile de songer sérieusement à placer son argent en Turquie."
"La confiance, c'est comme de la pâte dentifrice. Une fois qu'elle est sortie du tube, on ne peut pas l'y remettre", abonde Marc Chandler, de Bannockburn Global Forex.
La prochaine réunion monétaire des responsables de la banque centrale turque a lieu jeudi. Les analystes de JPMorgan s'attendent à un nouveau relèvement de 2,50 points de pourcentage, qui porterait le taux directeur à 17,5%.