BEYROUTH : Charbel Abou Samra, le premier juge d’instruction de Beyrouth, a mis en examen mercredi le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, afin de compléter l’enquête dont il fait l’objet avec son frère Raja Salamé et son assistante Marianne Hoayek.
L’expiration du mandat de Salamé, le 31 juillet, mettra fin à une mission de trente ans entachée par des accusations récentes, dans le pays et à l’étranger, de détournement de fonds publics libanais. Salamé nie ces accusations. Le Premier ministre intérimaire, Najib Mikati, a déclaré qu’il ne prolongerait pas le mandat de Salamé.
Une délégation judiciaire française et allemande, comprenant le procureur de Munich, a tenu des réunions au Palais de justice de Beyrouth, demandant à l’État libanais de perquisitionner la Banque centrale, avec la participation de la délégation, afin de rechercher des documents liés à Salamé et Hoayek dans le cadre d’enquêtes européennes sur la corruption financière.
Riad et Raja Salamé, ainsi que Hoayek, se sont rendus au Palais de justice de Beyrouth avec leurs avocats et ont comparu devant le juge Abou Samra pour être interrogés dans le cadre d’enquêtes internes libanaises.
Ils sont accusés de délits tels que «détournement de fonds publics, blanchiment d’argent, faux et usage de faux, enrichissement illicite, violation de la loi sur l’emploi et évasion fiscale».
Raja Salamé et Hoayek ont quitté les lieux peu après leur séance d’interrogatoire, tandis que celle de Riad Salamé s’est poursuivie pendant trois heures en présence de son avocat, Hafez Zakhour, et de la responsable du département des litiges au ministère de la Justice, Helena Iskandar.
Une source judiciaire a déclaré à Arab News que Riad Salamé avait répondu à toutes les questions et s’était engagé à apporter des documents lors de la prochaine séance pour prouver ce qu’il avait déclaré mercredi. La source a ajouté qu’il pourrait être convoqué à une troisième séance d’interrogatoire.
Salamé est considéré comme un suspect dans les enquêtes libanaises jusqu’à ce que décision soit prise de l’inculper formellement. Il fait l’objet d’enquêtes judiciaires européennes pour corruption, falsification et formation d’une bande criminelle en vue de blanchir de l’argent et de détourner des fonds.
Au début du mois, l’ancienne collaboratrice de Salamé, Hoayek, a comparu devant le tribunal de Paris pour constitution d’une bande criminelle et blanchiment d’argent en bande organisée. Cependant, Hoayek a nié les accusations et a déclaré que sa richesse venait de son père.
La justice française soupçonne Hoayek d’avoir joué un rôle de premier plan dans un projet criminel présumé visant à aider Salamé à accumuler des biens immobiliers et des actifs financiers ainsi qu’à utiliser illégalement des fonds publics libanais dans le cadre d’un projet financier complexe.
La justice française a ordonné la mise sous contrôle judiciaire de Hoayek, lui a interdit de communiquer avec la Banque centrale du Liban ou d’y travailler et l’a obligée à verser une garantie financière de 1,5 million d’euros (1,69 million de dollars).
Riad et Raja Salamé ne se sont pas présentés aux audiences prévues à Paris.
Par ailleurs, les représentants légaux de la journaliste libanaise Dima Sadek se préparent à faire appel du verdict rendu mardi, la condamnant à un an de prison dans le cadre d’un procès intenté par le Courant patriotique libre pour diffamation, la privant de ses droits civiques et lui imposant une amende de 110 millions de livres libanaises (7 326 dollars).
Les manifestations contre le verdict judiciaire se sont poursuivies mercredi, car il s’agit du premier verdict de ce type prononcé par un juge pénal à Beyrouth à l’encontre d’un journaliste ou d’une personnalité du monde des médias. L’organe journalistique est habituellement jugé dans des cas similaires par le Tribunal de la presse, qui ne prononce pas de peines d’emprisonnement.
Les membres de la commission parlementaire des médias et des télécommunications, qui s’est réunie mercredi sous la présidence du député du Hezbollah Ibrahim al-Mousawi, n’étaient pas d’accord sur l’émission d’une recommandation visant à soutenir les libertés des médias. Al-Mousawi a déclaré qu’il fallait faire preuve de responsabilité dans l’exercice de la liberté.
La députée Paula Yacoubian s’est retirée de la séance, estimant que «ce que Sadek a subi est un verdict injuste, et exigeant une loi sur l’indépendance de la justice». «Nous avons demandé à la commission des médias et des télécommunications de condamner ce qui s’est passé et de dénoncer l’atteinte à la liberté des médias», a-t-elle dit.
Le député Saad al-Asmar, du parti des Forces libanaises, a déclaré: «La division d’aujourd’hui au sein de la commission parlementaire sur les médias est honteuse, car nous ne sommes pas parvenus à un consensus pour condamner les décisions judiciaires injustes contre les médias et les journalistes, en particulier le verdict prévoyant l’emprisonnement de Sadek, que nous considérons comme une atteinte flagrante à la liberté d’expression et d’opinion garantie par la constitution.»
Le CPL a salué le verdict prononcé contre Sadek, lui reprochant de «fabriquer des mensonges et d’accuser de manière fallacieuse les jeunes du CPL d’être racistes et leur parti d’être nazi».
Sadek a décrit le CPL comme un parti nazi dans un tweet en 2020.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com