Comme toujours, les méthodes punitives déployées par les forces armées israéliennes contre les civils palestiniens ne font que créer les conditions auxquelles elles prétendent faire face.
C’est ainsi que l’on forme de nouvelles générations de jeunes hommes en colère qui n’ont rien à perdre, que l’on pousse des groupes armés dans les bras de l’Iran et que l’on élève des enfants dont le désir primordial est de venger leurs mères, leurs oncles ou leurs sœurs.
Sadil Naghniyeh, 15 ans, a été abattue par un tireur d’élite israélien à Jénine le mois dernier. Son père a déclaré: «Mon fils a 9 ans et il voit sa sœur se faire tuer. Il voit la mort et la destruction autour de lui. Qu’est-ce que cela va lui apprendre? À résister.»
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, et ses généraux le savent. Mais comment apaiser autrement sa base d’extrême droite ou couper l’herbe sous le pied de l’énorme mouvement de protestation contre Netanyahou en Israël? Netanyahou est le pyromane en chef d’Israël: il déclenche délibérément incendie après incendie dans le but exalté d’assurer sa survie politique.
Les hommes politiques occidentaux le savent également, mais ils se contentent de publier des communiqués provocateurs pour soutenir «la sécurité d’Israël et son droit à défendre son peuple», tout en sachant qu’Israël se tire une balle dans le pied en alimentant des cercles vicieux incontrôlables de provocations réciproques.
Le Foreign office britannique a marmonné sans grande conviction que l’invasion israélienne de Jénine «doit respecter le principe de proportionnalité». Une déclaration aussi ridiculement décalée aurait-elle semblé appropriée au moment où Poutine a anéanti Bakhmout? Et que compte faire la Grande-Bretagne après l’échec spectaculaire d’Israël à respecter une telle «proportionnalité»?
Les Palestiniens n’ont guère le droit d’exister, et encore moins de se défendre. La vie était déjà presque impossible dans les villes palestiniennes où les populations en expansion vivent entassées les unes sur les autres, alors qu’Israël s’empare inexorablement de nouvelles bandes de terre. Dans le camp de réfugiés de Jénine, densément peuplé, 15 000 personnes sont entassées dans un demi-kilomètre carré.
Les observateurs extérieurs ne reconnaissent pas le caractère apocalyptique et destructeur des incursions israéliennes. L’attaque de Jénine a été la plus grande opération militaire israélienne en Cisjordanie occupée depuis septembre 2000, pendant la seconde Intifada. L’armée israélienne a déployé jusqu’à 2 000 soldats, avec des drones armés, des chars et des bulldozers blindés. Les routes goudronnées ont été détruites par ces bulldozers à la recherche de bombes artisanales, les rues étaient jonchées de voitures familiales calcinées, les immeubles à plusieurs étages étaient des épaves fumantes, des milliers de personnes ont été déplacées, des centaines ont été blessées et douze sont mortes. Naplouse a connu un sort comparable. Il s’agit d’une punition collective dans sa forme la plus pure.
«La question de la Palestine n’est pas une question "arabe" ou "musulmane", mais une cause mondiale qui nous touche au cœur de notre humanité»
Baria Alamuddin
Des centaines de colons d’autodéfense armés – les occupants illégaux et radicalisés des terres arabes – se sont livrés à des actes de vandalisme dans des villes palestiniennes, terrorisant les familles et attaquant les citoyens, une pratique vicieuse qui s’est horriblement normalisée.
Parmi les bâtiments incendiés et détruits figurent une école et une mosquée. De même, 310 attaques de colons contre des Palestiniens ont été recensées en l’espace d’à peine 24 heures.
Au moins 155 Palestiniens ont été tués jusqu’à présent en 2023. Le nombre de décès d’Israéliens a également augmenté, ce qui dément les affirmations de M. Netanyahou selon lesquelles les Israéliens peuvent jouir d’un environnement calme et sûr alors que tous les efforts en faveur de la paix sont contrecarrés. Est-il surprenant que de nombreux Israéliens ayant la double nationalité quittent déjà le pays?
Même Netanyahou a reconnu qu’il ne s’agissait que du «début d’incursions régulières». L’épidémie de violence se propage à nouveau à Gaza, où un échange de tirs a eu lieu, Israël attaquant notamment une usine de fabrication d’armes. Les hostilités de ces derniers jours à la frontière israélo-libanaise constituent une nouvelle preuve que la région est en train de sombrer dans l’anarchie.
Ces territoires que Netanyahou attaque en toute impunité ne sont pas à pacifier. Les Palestiniens ont démontré à maintes reprises leur volonté de partager leur patrie historique, mais les alliés fascistes d’extrême droite de Netanyahou sont bien décidés à tout voler: ils accélèrent la construction de milliers de maisons illégales supplémentaires en Cisjordanie, annexent d’énormes portions de territoire et cherchent à faire de l’apartheid à part entière une réalité irréversible.
À l’issue d’une récente mission d’enquête, des représentants des Elders, une ONG internationale composée d’hommes d’État de haut rang et de défenseurs de la paix créée par Nelson Mandela en 2007, ont déclaré sans ambages que le gouvernement de M. Netanyahou avait démontré «son intention de poursuivre une annexion permanente plutôt qu’une occupation temporaire, sur la base de la suprématie juive», ajoutant de manière accablante qu’ils n’avaient entendu «aucune réfutation détaillée des preuves de l’apartheid».
Combien de fois, au cours des processus de paix des années 1990 et 2000, les dirigeants occidentaux ont-ils complaisamment sermonné leurs auditoires en leur disant que la paix régionale était impossible tant que la question palestinienne n’était pas résolue? Mais sous Donald Trump et maintenant Biden, l’attitude dominante a été qu’Israël peut être autorisé à réduire les Palestiniens à néant, à condition qu’il le fasse discrètement.
Les crimes de guerre commis à Jénine démontrent à quel point cette idée est erronée, même si nous ne voyons que la pointe de l’iceberg du prochain cycle de violence, qui aspirera toutes les nations affectées par la sécurité au Moyen-Orient, qu’elles le veuillent ou non.
Nous pouvons nous réjouir de la vigueur avec laquelle le monde occidental a mobilisé son soutien à l’Ukraine, tout en nous posant la question suivante: pourquoi seulement l’Ukraine? Les Ukrainiens sont-ils la seule nation qui mérite d’être soutenue dans sa résistance à l’occupation brutale, aux bombardements incessants de ses villes et à l’oppression impérialiste? Pourquoi les soldats ukrainiens sont-ils quotidiennement présentés dans les médias occidentaux comme d’héroïques combattants de la liberté, alors que tout jeune Palestinien qui ramasse une pierre est un «terroriste» qui mérite de mourir?
Les droits de l’homme, l’autodétermination et les libertés démocratiques ne sont-ils pas des valeurs prétendument universelles? La question de la Palestine n’est pas une question «arabe» ou «musulmane», mais une cause mondiale qui nous touche au cœur de notre humanité. Si nous voulons un monde dans lequel les guerres d’agression contre les peuples d’Ukraine et de Taïwan sont impensables, nous devons commencer par considérer sans ambiguïté l’occupation des terres de n’importe quelle nation comme illégale, ce qui implique l’obligation d’agir pour réparer ces crimes historiques.
Toutefois, tous les gouvernements du monde qui se moquent éperdument de la justice vont une fois de plus être contraints de saisir l’énigme palestinienne à bras-le-corps, s’ils ont le moindre désir d’endiguer le tsunami de violence qui s’annonce.
Les espoirs et les attentes concernant notre avenir – devenir médecin, avocat, artiste ou musicien – sont ce qui donne un but et une structure à notre vie. Après avoir été brutalisée dès la naissance, avoir enduré des milliers d’humiliations, d’indignations et de tragédies, est-il surprenant que la jeune génération palestinienne, à qui toutes les autres possibilités sont fermées, cherche la seule voie que Netanyahou a laissée ouverte: devenir des combattants pour la liberté et des libérateurs de leurs terres?
Baria Alamuddin est une journaliste et animatrice ayant reçu de nombreux prix au Moyen-Orient et au Royaume-Uni. Elle est rédactrice en chef du Media Services Syndicate et a interviewé de nombreux chefs d'État.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com