Après les émeutes, le RN récolte les fruits politiques

Des manifestants courent alors que des policiers français utilisent des gaz lacrymogènes à Paris le 2 juillet 2023, cinq jours après qu'un homme de 17 ans a été tué par la police à Nanterre, dans la banlieue ouest de Paris. (AFP)
Des manifestants courent alors que des policiers français utilisent des gaz lacrymogènes à Paris le 2 juillet 2023, cinq jours après qu'un homme de 17 ans a été tué par la police à Nanterre, dans la banlieue ouest de Paris. (AFP)
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Publié le Vendredi 07 juillet 2023

Après les émeutes, le RN récolte les fruits politiques

  • Face aux violences, les cadres du RN se sont encore retenus de formuler de nouvelles mesures sur la sécurité, en s'en remettant à leurs antiennes
  • «Présomption d'innocence», a d'abord plaidé Le Pen en s'en remettant à «la justice», soucieuse de peaufiner une image de femme d'Etat respectueuse des institutions, tout en taclant Emmanuel Macron

PARIS: Une semaine après les émeutes qui ont secoué le pays, le Rassemblement national de Marine Le Pen entend en récolter les fruits politiques, confortant sa position de principal adversaire au gouvernement et renvoyant LR à ses responsabilités passées.

"Qui ressort renforcé de cette séquence d'émeutes urbaines?" Le RN et Marine Le Pen, selon 50% des Français interrogés par Elabe pour BFMTV dans une étude parue mardi, la formation d'extrême droite étant citée en premier par 46% d'entre eux, loin devant LR (20%), la Nupes (11%) et l'exécutif (9%).

Pourtant, les caciques lepénistes ont redoublé de précautions depuis la mort de Nahel, cet adolescent de 17 ans tué par un policier - lequel a depuis été mis en examen et placé en détention provisoire.

"Présomption d'innocence", a d'abord plaidé l'ancienne avocate Marine Le Pen en s'en remettant à "la justice", soucieuse de peaufiner une image de femme d'Etat respectueuse des institutions, tout en taclant Emmanuel Macron, selon elle "irresponsable" pour avoir considéré que le drame était "inexcusable".

Face aux violences, les cadres du Rassemblement national se sont encore retenus de formuler de nouvelles mesures sur la sécurité, en s'en remettant à leurs antiennes: abaissement de la majorité pénale et rétablissement de la double peine.

"Déjà, si elle était appliquée, la loi actuelle règlerait beaucoup de problèmes", assure le député Alexandre Loubet, qui appelle à "sortir de l'immédiateté et le +court-termisme+". Selon lui, "le RN, c'est la radicalité sérieuse".

LR «dans l'excès»

Depuis plusieurs semaines, Mme Le Pen répète ainsi qu'elle veut "limiter les nouvelles propositions" mais seulement "approfondir les thèmes".

"Elle a installé dans l'opinion qu'elle voulait incarner l'ordre, et ça lui est en grande partie reconnu", relève le politologue et sondeur Bernard Sananès, président d'Elabe, selon qui la leader d'extrême droite est parvenue à apparaître "comme une alternative et pas seulement une opposition".

"On est les seuls qui ne sommes pas discrédités sur le sujet, puisqu'on n'a jamais été au pouvoir, et on est les seuls à avoir eu raison avant tout le monde", fanfaronne un ponte du parti.

Mot d'ordre: "le calme des vieilles troupes" et l'éternelle quête de notabilité.

L'agitation de LR, qui a dégainé jeudi une batterie de propositions pénales parfois semblables à celles du RN, certaines tirant encore davantage à droite? "Un parti dans l'excès, qui n'est plus crédible", s'amusent désormais à railler les cadres de l'ex-Front national. "Les Républicains, c'est le RN en communication mais le PS en actes", achève M. Loubet.

Cette quiétude s'est encore éprouvée lorsque l'embrasement a gagné les quartiers, la triple candidate malheureuse à la présidentielle s'astreignant à une certaine discrétion: "Ne rien faire qui puisse empêcher ou entraver l'action des autorités légitimes qui ont en charge l'ordre public", s'était-elle justifiée, laissant le président du parti, Jordan Bardella, s'afficher aux côtés des forces de l'ordre.

«Lutteur huilé»

"On raréfie la parole de Marine Le Pen pour renforcer sa posture présidentielle", reconnaît un stratège du Rassemblement national. Pour Bernard Sananès, la technique de ce "duo bien rodé" est d'ailleurs "assez efficace" dans l'opinion: "Jordan Bardella parle au cœur de l'électorat frontiste alors que Marine Le Pen ratisse plus large".

La stratégie de la mezzo voce avait d'ailleurs déjà fait ses preuves cet hiver lors de l'examen de la réforme des retraites, les troupes frontistes s'opposant au texte en se refusant à l'obstruction parlementaire et soutenant les cortèges sans y participer: au final, le RN était sorti comme le grand gagnant politique de la période dans les études d'opinion.

La "stratégie du lutteur huilé" sur lequel aucune prise n'est possible puisque tout glisse, telle que théorisée par la garde rapprochée de Marine Le Pen, est-elle pour autant tenable jusqu'en 2027?

"Elle ne parle pas et elle encaisse: les gens doivent même la trouver modérée", reconnaît un ministre, selon qui "il va falloir qu'elle sorte du bois sur ce qu'elle dit, ce qu'elle pense, ce qu'elle vaut..." Reste que, constate le même, "on ne trouve pas la fenêtre de tir... D'autant qu'on ne voit pas comment serait perçue dans l'opinion une attaque contre Marine Le Pen".


Plusieurs centaines de personnes ont manifesté lors d'un rassemblement antifasciste à Paris

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  • Plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées samedi après-midi à Paris contre le fascisme, après l'agression d'un homme à l'arme blanche devant une association culturelle turque la semaine passée.
  • « Nous sommes là car nous avons été attaqués. Nous sommes là pour montrer que Paris n'est pas à eux. Nous continuerons la lutte antifasciste et révolutionnaire », a lancé au micro un leader de Young Struggle.

PARIS : Plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées samedi après-midi à Paris contre le fascisme, après l'agression d'un homme à l'arme blanche devant une association culturelle turque la semaine passée, pour laquelle six membres de l'ultradroite ont été inculpés, a constaté un journaliste de l'AFP.

« Paris, Paris, Antifa ! », « Pas de quartier pour les fachos, pas de fachos dans nos quartiers », « Nous sommes tous antifascistes », ont scandé les manifestants réunis place de la République. Un drapeau rouge « No pasaran » a été accroché sur un flanc de la statue, au centre de la place emblématique.

Ce rassemblement se tient six jours après l'agression à l'arme blanche d'un homme membre du collectif Young Struggle, qui se présente comme une « organisation de jeunesse socialiste » et adhérent au syndicat CGT. Il avait dû être hospitalisé quelques heures.

Dimanche dernier, « une vingtaine de personnes » appartenant à la mouvance d'ultradroite, « cagoulées et munies de tessons de bouteille » selon la préfecture de police, avaient pénétré dans la cour d'un immeuble où se situe une association culturelle de travailleurs immigrés de Turquie et agressé une personne avant de prendre la fuite.

Six jeunes hommes ont été inculpés pour violences volontaires aggravées. L'un d'eux, qui avait du sang sur ses vêtements et qui a reconnu sa participation, a été incarcéré.

« Nous sommes là car nous avons été attaqués. Nous sommes là pour montrer que Paris n'est pas à eux. Nous continuerons la lutte antifasciste et révolutionnaire », a lancé au micro un leader de Young Struggle, avant de faire siffler le nom de Bruno Retailleau, ministre français de l'Intérieur et connu pour ses positions très conservatrices.

« Partout, l'extrême droite se répand, encouragée par les saluts nazis de Elon Musk et Steve Bannon », a déclaré à sa suite Mathilde Panot, cheffe des députés du parti de gauche radicale LFI (La France Insoumise).

Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump, a récemment été sous le feu des projecteurs pour un geste qualifié de salut nazi lors de la convention CPAC, la grand-messe des conservateurs américains près de Washington.

Il a brièvement tendu sa main en l'air après avoir déclaré devant les supporters de Donald Trump : « Nous n'allons pas reculer, nous n'allons pas capituler, nous n'allons pas abandonner. Luttez, luttez, luttez ! »

En janvier, le milliardaire Elon Musk, conseiller de Donald Trump, avait lui-même été épinglé pour un geste ambigu analogue.


Macron dira à Trump qu'entre alliés on ne peut pas "faire souffrir l'autre" avec des droits de douane

Le président français Emmanuel Macron (C) et la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard (D) écoutent des artisans du cuir lors de la journée d'ouverture et de l'inauguration par le président français du 61e Salon international de l'agriculture au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le 22 février 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron (C) et la ministre française de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Annie Genevard (D) écoutent des artisans du cuir lors de la journée d'ouverture et de l'inauguration par le président français du 61e Salon international de l'agriculture au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le 22 février 2025. (AFP)
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  • "Entre alliés, on ne peut pas faire souffrir l'autre avec des tarifs" douaniers, a déclaré Emmanuel Macron samedi au premier jour de l'ouverture du Salon de l'agriculture à Paris
  • Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a annoncé la mise en place de droits de douane réciproques

PARIS: "Entre alliés, on ne peut pas faire souffrir l'autre avec des tarifs" douaniers, a déclaré Emmanuel Macron samedi au premier jour de l'ouverture du Salon de l'agriculture à Paris alors que Donald Trump menace d'imposer des droits de douane sur de multiples produits européens.

"Je vais (lui) en parler parce qu'on a besoin d'apaiser tout ça", a relevé le président français qui doit rencontrer son homologue américain lundi à Washington.

"La filière agricole et agroalimentaire (française), c'est une grande filière d'exportation, donc il faut la défendre pour la rendre encore plus compétitive", a-t-il ajouté.

Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a annoncé la mise en place de droits de douane réciproques, c'est-à-dire que les États-Unis appliqueront le même niveau de droits de douane sur les produits en provenance d'un pays que le niveau appliqué dans ce pays aux produits américains.

Il a également annoncé le retour de droits de douane sur l'acier et l'aluminium. Et, s'il a déjà visé le Canada, le Mexique et la Chine, il a régulièrement assuré que les pays européens étaient également menacés.

En France, les viticulteurs sont particulièrement inquiets d'un retour des droits de douane américains sur le cognac et le vin, qu'ils exportent en masse vers les États-Unis, d'autant que le cognac souffre déjà d'un différend commercial entre l'UE et la Chine, son premier marché en valeur.

"Je suis déterminé sur tous les sujets pour avoir un échange" avec Donald Trump, a encore dit Emmanuel Macron. "On partagera nos accords, nos désaccords et j'espère surtout qu'on trouvera des solutions sur la question de l'Ukraine".

Le président américain est reparti à la charge vendredi contre son homologue ukrainien. Tout en estimant que Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine allaient "devoir se parler", pour "mettre fin au massacre de millions de personnes", il a jugé que la présence de l'Ukrainien n'était "pas importante" dans des négociations avec la Russie.

Il a ciblé par ailleurs Emmanuel Macron, et Keir Starmer, qui n'ont selon lui "rien fait" pour mettre un terme à la guerre. Le Premier ministre britannique est attendu jeudi à Washington.


Au Salon de l'agriculture, Macron attendu au tournant

Une femme marche devant une affiche sur laquelle on peut lire "Fiers et unis avec nos agriculteurs" à la veille de l'ouverture du 61e Salon international de l'agriculture (SIA), au parc des expositions de la Porte de Versailles, à Paris, le 21 février 2025. (AFP)
Une femme marche devant une affiche sur laquelle on peut lire "Fiers et unis avec nos agriculteurs" à la veille de l'ouverture du 61e Salon international de l'agriculture (SIA), au parc des expositions de la Porte de Versailles, à Paris, le 21 février 2025. (AFP)
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  • Le 61e Salon de l'agriculture est inauguré samedi à Paris par Emmanuel Macron, attendu au tournant par des agriculteurs toujours remontés et par des organisateurs aux aguets après sa visite chaotique de l'an dernier
  • Plus de 600.000 visiteurs sont attendus sur les neuf jours du Salon

PARIS: Visites politiques encadrées et les vaches seront bien gardées? Le 61e Salon de l'agriculture est inauguré samedi à Paris par Emmanuel Macron, attendu au tournant par des agriculteurs toujours remontés et par des organisateurs aux aguets après sa visite chaotique de l'an dernier.

Pas d'incitation à chahuter cette année, mais des appels au calme ambivalents de la part des principaux syndicats agricoles, qui doivent être reçus l'un après l'autre en début de matinée avant la traditionnelle coupe de ruban et la déambulation présidentielle.

Plus de 600.000 visiteurs sont attendus sur les neuf jours du Salon, qui ouvre ses portes au public à 09H00. En 2024, des milliers de personnes avaient été bloquées à l'extérieur pendant plusieurs heures en raison de heurts entre manifestants et CRS en marge de la venue d'Emmanuel Macron, entre huées, insultes, bousculades et violences.

Sécurité renforcée, commissariat mobile, chartes pour encadrer les visites politiques... Les organisateurs sont sur les dents pour ne pas voir se répéter le scénario catastrophe de l'an dernier.

L'entourage d'Emmanuel Macron lui a conseillé d'éviter une visite marathon, à l'image des 13 heures de déambulation de 2024 parmi les plus de 1.400 exposants et 4.000 animaux accueillis chaque année.

"Le président sera très probablement pris à parti", a averti Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, syndicat historique, qui l'attend sur les dossiers internationaux.

Cet automne, c'est l'opposition à l'accord de libre-échange UE-Mercosur qui a servi de cri de ralliement pour relancer les manifestations d'agriculteurs, qui dénoncent aussi les taxes douanières chinoises et craignent des mesures similaires de la nouvelle administration américaine.

"Je souhaite qu'il en parle à Donald Trump (...): arrêter les importations massives qui ne respectent pas nos normes, lever les contraintes qui nous empêchent d'être compétitifs", renchérit Pierrick Horel des Jeunes Agriculteurs, alliés de la FNSEA.

Pour Patrick Legras, porte-parole de la Coordination rurale, forte de sa percée aux élections professionnelles de janvier, "ça va être tendu". Selon lui, Emmanuel Macron va aussi avoir du mal à "expliquer qu'on négocie encore un accord pour importer du sucre ou du poulet d'Ukraine" — l'accord d'association UE-Ukraine, en cours de révision — évoquant des produits érigés en symboles d'une "concurrence déloyale".

Coutumière des actions coup de poing, la Coordination rurale a toutefois passé à ses sympathisants un message d'apaisement, dans l'espoir qu'Emmanuel Macron "aura vraiment quelque chose" à leur dire, selon sa président Véronique Le Floc'h.

- "Où sont les promesses?" -

Plus d'un an après la mobilisation qui avait bloqué routes et autoroutes, l'heure est au bilan des mesures obtenues par les agriculteurs qui réclament un revenu "décent", plus de considération et moins d'injonctions.

Pour le gouvernement, ses engagements ont été "honorés": "500 millions d'euros d'allégement de charges fiscales prévus dans le budget", "soutien à la trésorerie pour les agriculteurs en difficulté", "indemnisations à hauteur de 75 millions d'euros aux propriétaires du cheptel touché par les épizooties" ou encore "la mise en place du contrôle administratif unique en octobre dernier".

Surtout, deux jours avant le Salon, le Parlement a adopté la loi d'orientation agricole, attendue depuis trois ans par la profession. Ce texte érige l'agriculture au rang "d'intérêt général majeur", facilite les installations, la construction de bâtiments d'élevage et le stockage de l'eau, tout en dépénalisant certaines infractions environnementales.

"Un an après, où sont passés les prix plancher et ses promesses? Au Salon 2024, nous demandions des prix minimum garantis pour les producteurs: non seulement on n'a pas du tout avancé, mais la situation est pire aujourd'hui", s'indigne Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne, troisième syndicat.

Elle estime que les demandes de l'alliance FNSEA-JA et de la CR ont été privilégiées, au détriment d'une "réelle transition agroécologique". Un argument repris par la gauche à propos de la loi d'orientation agricole.

Les personnalités politiques de tous bords devraient se succéder auprès de la vache limousine Oupette, égérie de l'édition 2025. Le Premier ministre François Bayrou est attendu lundi.

Malgré la volonté des organisateurs de limiter les visites à une journée pour chaque parti, Jordan Bardella (RN) a prévu de s'y rendre dimanche et lundi avec une délégation, comme en 2024, où les demandes de "selfies" avec le chef du parti d'extrême droite avaient contrasté avec la visite présidentielle.

En novembre, à la veille de nouvelles mobilisations paysannes, il s'était affiché dans le Lot-et-Garonne avec des cadres de la Coordination rurale, qui faisait campagne de son côté pour "dégager la FNSEA" des chambres d'agriculture.