PARIS: En grève pour protester contre l'arrivée à sa tête de Geoffroy Lejeune, la rédaction du Journal du dimanche (JDD) n'a pas été "rassurée" mardi par la venue pour défendre ce choix de son propriétaire Arnaud Lagardère, avant de se prononcer mercredi sur la reconduite du mouvement.
De la soirée organisée par Reporters sans frontières (RSF) à la tribune signée par plus de 650 personnalités de tous horizons, les initiatives de soutien aux journalistes de l'hebdomadaire se sont multipliées, sans pour autant pousser M. Lagardère à renoncer à cette nomination.
"Arnaud Lagardère n'a pas rassuré la rédaction. Il a démontré sa méconnaissance du profil de Geoffroy Lejeune, personne dont les valeurs sont en contradiction totale avec celles du journal", a indiqué dans un communiqué la Société des journalistes (SDJ), qui s'oppose à l'arrivée de ce journaliste marqué à l'extrême droite, ancien directeur de la rédaction de Valeurs actuelles.
"Arnaud Lagardère dit qu'il ne changera pas d'avis sur la nomination de M. Lejeune, nous non plus. Mais nous restons ouverts à la construction d'un projet alternatif sans Geoffroy Lejeune", a ajouté la SDJ, qui "maintient sa grève et se réunira mercredi matin pour voter de nouveau sur la poursuite du mouvement".
Mardi soir, devant près d'un millier de personnes lors d'une soirée de mobilisation "pour l'indépendance des médias" organisée à Paris par RSF, plusieurs responsables politiques ou syndicaux et des personnalités des médias ont rendu hommage à la rédaction gréviste.
"Nous allons dire non à un ogre qui dévore les médias d'information (...) et les transforme en médias d'opinion", a lancé à la tribune Christophe Deloire, secrétaire général de l'organisation.
Proposition de loi
A tour de rôle, des journalistes du JDD ont lu un texte dans lequel est notamment écrit: "Nous ne baissons pas les bras".
La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a, elle, appelé à mettre en place de nouveaux outils pour protéger la liberté de la presse, estimant que ceux existants était "insuffisant".
Sur cet enjeu, la députée de l'opposition Clémentine Autain (LFI) a évoqué le dépôt prochain d'une proposition de loi pour donner plus de pouvoir aux rédactions lors de la nomination de leur direction.
"Il ne revient pas à l'Etat aujourd'hui d'interférer dans le choix d'une rédaction du domaine privé", avait un peu plus tôt affirmé Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, à l'Assemblée nationale.
Les médias d'information "sont tous soutenus par les pouvoirs publics". "Plus que ça: ils sont chéris, ils sont protégés. Parce que, même quand ils racontent des choses qui ne nous plaisent pas, même quand il y a des journalistes qui ne nous reviennent pas, ils font leur travail de journalistes et c'est l'honneur de la démocratie que de les respecter", avait-il insisté.
Cette soirée de soutien est venue s'ajouter à une tribune intitulée "Le JDD ne peut devenir un journal au service des idées d'extrême droite" publiée mardi matin dans Le Monde et signée par plus de 650 personnalités.
Face aux contestations nées dès l'arrivée au JDD de Geoffroy Lejeune évoquée dans la presse, M. Lagardère a assuré lundi au Figaro que cette nomination procédait d'un "choix économique, et pas du tout idéologique".
Beaucoup y voient la main du milliardaire Vincent Bolloré, aux opinions réputées ultra-conservatrices.
Cette nomination intervient en effet juste après le feu vert donné sous conditions par la Commission européenne à Vivendi, le groupe de M. Bolloré, pour avaler Lagardère.
"J'ai pris cette décision seul. Ni Vincent Bolloré, ni quiconque de Vivendi, n'a été impliqué", a nié dans Le Figaro Arnaud Lagardère, dirigeant du groupe du même nom, qui possède le JDD.
Pour que la prise de contrôle de Lagardère par Vivendi soit effective, ce dernier doit encore vendre le groupe d'édition Editis et le magazine Gala, selon les conditions fixées par Bruxelles.
"Je ne choisis pas Geoffroy dans le but de changer la ligne éditoriale, mais bien évidemment, le JDD doit aussi savoir s'adapter aux évolutions du monde comme nous l'avons toujours fait par le passé", a également expliqué M. Lagardère au Figaro.