BEYROUTH: Une explosion de carrière a provoqué un tremblement de terre au Liban qui a été ressenti par les habitants de Zahlé, dans la vallée de la Bekaa, le 3 juin, selon les forces de sécurité intérieure.
Les autorités ont cherché à déterminer la cause du tremblement et elles ont constaté que son épicentre se trouvait dans la région de Qaa al-Rim, à quatre kilomètres de la ville de Zahlé.
Selon l’enquête, le tremblement de terre survenu à 14h15 a été «causé par une explosion dans des carrières de la région de Tweiti, détenues par deux personnes de la famille Abou Hamdan».
Le séisme de magnitude 3 sur l’échelle de Richter, selon Marleine Brax, directrice du Centre national de géophysique, «a été précédé d’un bruit d’explosion».
Nasser Yassin, ministre de l’Environnement du gouvernement intérimaire, déclare: «Nous avions pris la décision de fermer cette carrière il y a quelque temps, et il y a un ordre judiciaire pour la sceller à la cire rouge.»
Selon l’enquête menée par un expert technique, «l’explosion a été causée par l’utilisation de grandes quantités de matières explosives introduites profondément dans le sol de cette zone de carrières».
Le Dr Nelson Rizk, expert en géologie, explique à Arab News: «Ceux qui effectuent les travaux de dynamitage des carrières utilisent un type de dynamite qui provoque des explosions moyennes, mais consécutives, ce qui affecte les couches géologiques. Cela n’a rien à voir avec le nitrate d’ammonium. Ce type de dynamite est considéré comme très puissant et il est interdit dans le monde entier, mais au Liban, on trouve toutes les sortes de matériaux interdits.»
Le Dr Rizk ajoute: «L’utilisation de ces substances interdites génère des vibrations, a un effet néfaste sur l’environnement et produit des substances toxiques qui portent atteinte à la santé.»
«Les carrières empiètent illégalement sur des zones proches de la faille de Yammouné, qui est une faille active et mobile. Des explosions peuvent l’affecter et augmenter les mouvements sismiques. Jusqu’à présent, l’effet était très limité et le déplacement de la faille nécessite des vibrations d’une magnitude de près de 4 ou 4,5 sur l’échelle de Richter.»
Les secousses de Zahlé font suite au tremblement de terre destructeur qui a frappé la Turquie et la Syrie le 6 février.
Le sismologue Dr Tony el-Nemr déclare: «La secousse qui s’est produite à Zahlé est étrangement similaire au tremblement qui s’est produit dans le Kesrouan (mont Liban) le 6 mai de l’année dernière en termes de date (samedi après-midi) et de lieu (une carrière).»
Le Centre national de géophysique a publié, en collaboration avec l’Institut national des sciences de la Terre de Grenoble, en France, un rapport sur les mouvements de la croûte terrestre dans le bassin oriental de la Méditerranée. Il attire l’attention des géologues sur «la concentration des tremblements de terre observés au Liban pendant la journée et les jours fériés».
M. Yassin soutient: «Il existe 1 235 sites d’extraction de roches sur le territoire libanais, d’après l’enquête menée par l’armée libanaise, dont des dizaines enfreignent les règles. Par ailleurs, certains opèrent sur des points sismiques critiques. Cependant, l’application de la loi sur le terrain relève de la responsabilité des forces de sécurité et des administrations locales.»
M. Yassin déclare à Arab News que le secteur des carrières, des concasseurs et des carrières de sable devait au Trésor public au moins 2,4 milliards de dollars (1 dollar = 0,93 euro) pour les matériaux extraits entre 2007 et 2018, dont près de 1 milliard de dollars en frais et taxes. «Cela n’inclut pas le coût des souffrances et des empiétements que la justice a pour rôle d’évaluer, et ce que les personnes concernées sont censées réclamer en compensation», indique-t-il.
Il ajoute que le ministère de l’Environnement travaille avec le ministère de la Justice «en vue d’étudier les méthodes juridiques les plus appropriées pour poursuivre l’affaire, car il s'agit d'une étape fondamentale pour collecter les fonds du Trésor et mettre fin aux pratiques antérieures dans ce secteur et donc le réformer».
Cependant, Ghayath Yazbek, chef de la Commission parlementaire de l’environnement, soutient que les autorités n’ont toujours pas décidé, dix jours après le séisme, «s’il s’agit d’un tremblement de terre naturel ou d’un acte humain».
Lors d’une réunion parlementaire organisée mardi, la Commission a entendu des représentants des agences des ministères de l’Environnement, des Travaux publics et des Finances. Elle a également entendu des témoignages de l’armée et des forces de sécurité intérieure.
M. Yazbek indique: «Les enquêtes sont toujours en cours et nous n’avons pas encore pu identifier la nature de cette explosion. Était-ce un mouvement sismique ou le produit de l’activité humaine? Ce que nous avons entendu est très inquiétant, car les carrières de la région de Zahlé sont censées être scellées à la cire rouge.»
Les propriétaires de carrières de la région ont rapidement nié que des travaux aient eu lieu. Ghayath Yazbek précise toutefois qu’un responsable au sein des forces de sécurité intérieure «a confirmé une activité intermittente».
L’Autorité nationale du fleuve Litani a été chargée par le gouvernement d’élaborer un rapport sur les carrières de sable et les mines dans le bassin du fleuve Litani, mettant en lumière les fonds détournés résultant de l’exploitation des carrières.
Le rapport fournit un compte rendu détaillé de toutes les carrières, mines et sites de concassage dans tous les territoires libanais, mettant en évidence des profits considérables, des zones endommagées et une évasion fiscale généralisée.
Selon ce rapport, quelque 65 millions de mètres carrés à travers le Liban ont été endommagés par l’activité de 1 356 carrières, concasseurs et mines de sable. On estime que près d’1,6 milliard de mètres cubes de matières premières ont été extraits des sites, générant des bénéfices de 24 milliards de dollars.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com