Il est évident depuis plusieurs années qu'une salve de torpilles judicaires était dirigée vers Donald Trump. Il restait seulement à savoir lesquelles atteindraient leur cible et quels dégâts elles provoqueraient. Trump et son alter ego britannique, Boris Johnson, ont, en effet, fait face le même jour de la semaine dernière à des accusations susceptibles de mettre fin à leur carrière politique. Que signifie donc cela pour la justice et l'état de droit dans le monde occidental?
Le nombre d’affaires judiciaires contre Trump est effarant. Les actes fédéraux d'accusation pénale contiennent près de 40 chefs d'accusation liés au fait d’avoir gardé des dossiers «top secret». Parmi les enregistrements de lui se vantant de cela, on retrouve une vidéo truculente dans laquelle il remet de façon exubérante un «plan d'attaque» américain contre l'Iran aux invités de son club de golf. D'autres documents sont en rapport avec le programme nucléaire américain, les points stratégiques nationaux vulnérables et les plans de ripostes militaires en cas d'attaque. Les peines de prison potentielles pourraient totaliser jusqu'à quatre-cent-vingt ans.
Ce ne sont peut-être pas les accusations les plus préjudiciables auxquelles il est confronté: il existe également des preuves de ses efforts visant à faire pression sur certains responsables afin qu'ils annulent les résultats de l'élection présidentielle de 2020. Cette année, sa société immobilière a été condamnée à une amende pour fraude fiscale. Il y a ensuite la question des présumés paiements aux prostituées en vue d’acheter leur silence.
Dans un discours empreint de colère après le dernier acte d'accusation, Trump a clamé haut et fort qu'il était victime d'un complot: «Ils trichent. Ils sont malhonnêtes. Ils sont corrompus. Ces criminels ne peuvent pas être récompensés. Il faut les vaincre. Vous devez les vaincre. Parce qu'en fait, ils ne s'en prennent pas à moi. Ils sont après vous et je me tiens sur leur chemin.» Le président de la Chambre, Kevin McCarthy, était à peine moins excessif, affirmant: «Cela va perturber ce pays [...] et nous n'allons pas l’admettre». Cela montre à quel point le Parti républicain reste sous l'emprise de Trump et pourrait appliquer la politique de la terre brûlée à mesure de la progression de ces cas.
Par ailleurs, peu de gens s'attendaient à ce que l'ancien Premier ministre britannique Boris Johnson démissionne de son poste de député si rapidement, à la suite des conclusions de la commission des privilèges de la Chambre des communes selon lesquelles il a menti au Parlement sur son rôle dans de fréquentes fêtes et événements sociaux, tandis que le reste du pays souffrait des confinements liés à la pandémie de Covid-19.
Boris Johnson a démissionné avant que les conclusions du comité ne soient rendues publiques, mais il a reçu une copie indiquant qu'il serait suspendu du Parlement pendant au moins dix jours – déclenchant une élection partielle dans sa circonscription qu'il perdrait presque certainement. Il a donc pris la porte de la sortie avant d'y être poussé. Ses antécédents de menteur invétéré lui avaient déjà fait perdre la confiance du Parlement, y compris de la plupart de ses propres députés conservateurs. La déclaration de démission amère et presque «trumpienne» de Johnson a dénoncé le fait que ses collègues du parti au sein de la commission d'enquête menaient une «chasse aux sorcières».
Les destins de Trump et Johnson sont inextricablement liés, illustrant le populisme du culte de la personnalité qui contamine la politique occidentale. Johnson a exploité le Brexit pour accéder au pouvoir, livrant ainsi certains de ses mensonges les plus controversés sur la viabilité et les «avantages» de la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne. Lui et la Première ministre qui lui a succédé pour une courte durée ont quitté leurs fonctions, laissant l'économie britannique telle une épave brisée, séparée de bon nombre de ses marchés les plus importants. Comme Trump, son gouvernement était entaché de corruption et de népotisme, avec des postes de direction et des contrats lucratifs en rapport avec la Covid-19 attribués à des acolytes.
«Une action en justice contre Trump, Johnson, Sturgeon et d'autres politiciens doit être au service de la justice et de la justice seule, et le peuple doit voir que justice est rendue.» Baria Alamuddin
L'ancien homme d'État conservateur Lord Heseltine a fait remarquer que le «problème fondamental» de Johnson était le fait que «les mots étaient conçus pour faire croire à son auditoire ce qu'il voulait croire». Il n'y a chez lui aucun sens de la vérité ou de l'intégrité. Son propre biographe a dénoncé son «vide intérieur […], une absence totale de boussole morale».
Corruption et impunité dans de nombreux gouvernements occidentaux
Alors que les travaillistes détiennent une avance à deux chiffres dans les sondages, les conservateurs semblent devoir perdre lors des élections législatives prévues l'année prochaine. Ils sont déjà dans un état de guerre civile, avec une frange ascendante d'extrême droite burlesque cherchant ouvertement à entraîner le parti après la défaite dans une trajectoire kamikaze vers une guerre culturelle totale. À gauche de l'échiquier politique britannique, l'ancienne Première ministre écossaise Nicola Sturgeon vient d'être arrêtée par la police qui enquête sur des irrégularités apparentes dans les finances du Parti national écossais.
Une atmosphère fétide de corruption et d'impunité a assombri de nombreux gouvernements occidentaux ces dernières années, et le fait de résoudre cela de manière décisive avec des dirigeants respectueux des normes les plus élevées de probité serait très favorablement accueilli. Cependant, cela risque également de donner cours à l’exploitation de sérieuses mesures juridiques de rétorsion et d'escalade, utilisées comme armes dans le chaudron nocif de la politique partisane américaine. Les Républicains poursuivent déjà le fils du président, Hunter Biden, avec une série d'enquêtes du Congrès. Dans le cadre de ce cloaque, 9 000 images de l'ordinateur portable de Hunter Biden ont été publiées, dont je ne peux me résoudre à développer le contenu.
Dans n'importe quel pays, qui peut empêcher la politisation du système judiciaire en tant qu'option nucléaire contre les opposants politiques de chaque côté? Les efforts du Premier ministre Benjamin Netanyahou pour émasculer le système judiciaire israélien illustrent à quel point il y a peu de garanties dans le cas où une majorité déterminée et corrompue décide que la démocratie est trop démocratique.
Dans les milieux de l’extrême-droite où priment le mensonge et la radicalisation, Fox News est devenue à la fois auteure et victime. Toute simple tentative d’enrayer sa machine à mensonges et à propagande a été immédiatement rejetée par une population privée de ses droits, tandis que Fox a payé près de 800 millions de dollars (1 dollar = 0,93 euro) pour des mensonges délibérés concernant les machines de vote lors de l'élection présidentielle de 2020.
La question d'un leadership compétent et honnête est capitale, car nous ne sommes pas loin d'une troisième guerre mondiale par rapport à l'Ukraine, à Taïwan et à de nombreuses autres sources de tension. Nous n'avons jamais eu autant besoin d'un leadership motivant et clairvoyant, sachant que jamais ces qualités n'ont autant fait défaut sur la scène internationale.
Une action en justice contre Trump, Johnson, Sturgeon et d'autres politiciens devrait servir la justice et rien que la justice, et le peuple doit voir que justice est rendue. Dans un système fondé sur des règles, les dirigeants sont nécessairement tenus à la vérité et à la justice. Il n'est dans l'intérêt de personne que la loi soit utilisée comme une arme par des politiciens en marge de la loi, au service de leurs propres fins sordides.
Baria Alamuddin est une journaliste et animatrice ayant reçu de nombreux prix au Moyen-Orient et au Royaume-Uni. Elle est rédactrice en chef du Media Services Syndicate et a interviewé de nombreux chefs d'État.
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com