TUNIS: L'Union européenne (UE) a proposé dimanche à la Tunisie un "partenariat renforcé", assorti d'aides financières dépassant le milliard d'euros, sans mentionner de conditions à son soutien à ce pays, étranglé par les dettes et confronté à une crise migratoire.
"Il est de notre intérêt commun de renforcer notre relation et d'investir dans la stabilité et la prospérité, c'est pour cela que nous sommes là", a déclaré la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, venue à Tunis en compagnie des Premiers ministres d'Italie, Giorgia Meloni, et des Pays-Bas, Mark Rutte.
Après une entrevue avec le président Kais Saied, la responsable a annoncé l'intention de Bruxelles d'apporter au pays une aide à long terme, "une assistance macro-financière qui pourrait atteindre 900 millions d'euros". En outre, Bruxelles "pourrait fournir une aide supplémentaire de 150 millions d'euros à injecter dès maintenant dans le budget", a ajouté Mme von der Leyen.
Ces aides entrent dans le cadre d'un "package en cinq points" dont Mme von der Leyen espère qu'il fera l'objet d'un accord bilatéral, d'ici la fin juin et le prochain sommet européen.
Rappelant que l'UE est le "premier partenaire commercial et premier investisseur" en Tunisie, elle a noté que l'Europe a "soutenu le parcours de la Tunisie dans la démocratie depuis 2011 (et la Révolution qui a renversé le dictateur Zine El Abidine Ben Ali, ndlr), une route longue et difficile". "Des difficultés qui peuvent être surmontées", a estimé la dirigeante européenne, sans évoquer l'actuelle crise politique qui ce secoue le pays.
Le président Saied, qui s'est octroyé tous les pouvoirs à l'été 2021, est accusé de "dérive autoritaire" et d'avoir fait régresser les droits et libertés par l'opposition et des ONG.
Depuis début février, une vingtaine d'opposants ont été emprisonnés sous l'accusation de "complot contre la sécurité de l'Etat". Selon Amnesty International, ils font l'objet "d'une chasse aux sorcières".
«marchandage»
L'Europe n'a pas caché ces derniers mois sa préoccupation pour le pays maghrébin, son chef de la diplomatie Josep Borrell évoquant même un "risque d'effondrement".
La Tunisie est étranglée par une dette de 80% de son PIB et ne peut plus emprunter à l'étranger, ce qui entraîne des pénuries récurrentes de denrées, comme la farine, le sucre et le riz, achetés par l'Etat.
Elle négocie depuis des mois un nouveau crédit du Fonds monétaire international (FMI) mais les discussions achoppent sur le refus du président Saied de réformes incluant une restructuration de la centaine d'entreprises publiques lourdement endettées et la levée de certaines subventions étatiques sur les produits de base.
Le programme proposé dimanche par l'UE prévoit un renforcement des investissements en Tunisie, en particulier dans le numérique et les énergies renouvelables ainsi qu'une extension à la Tunisie du programme européen d'échanges d'étudiants Erasmus, doté d'une enveloppe de 10 millions d'euros.
L'un des volets importants du "package" européen concerne la lutte contre le "business cynique" de l'immigration clandestine, pour laquelle l'UE fournira "cette année à la Tunisie 100 millions d'euros pour le contrôle de ses frontières, la recherche et sauvetage" de migrants, a indiqué Mme von der Leyen.
Mme Meloni, dont c'était le deuxième voyage en cinq jours en Tunisie, s'est dite "satisfaite" de la démarche européenne qui propose "un vrai partenariat pour affronter la crise migratoire et la question du développement" tunisien.
L'Italie, dont les côtes se trouvent à moins de 150 km de la rive sud de la Méditerranée, s'inquiète d'une nouvelle accélération des arrivées de migrants en provenance de Tunisie. Mme Meloni a dit avoir évoqué avec M. Saied "la tenue prochaine d'une conférence internationale sur les migrations" à Rome.
Selon les dernières statistiques du HCR, 51.215 migrants sont arrivés clandestinement par la mer en Italie depuis le début de l'année (+154% sur un an), dont plus de 26 000 de Tunisie, le reste de Libye. Près d'un millier ont péri ou disparu en mer dans des naufrages.
Le Forum des droits économiques et sociaux (FTDES), une ONG tunisienne, a dénoncé dimanche dans un communiqué la visite européenne comme "un marchandage" pour "donner de l'argent" à la Tunisie en échange d'une surveillance renforcée de ses frontières.